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montrer aux hommes qu'avec une gloire (a) et un appareil qui fùt digne de sa majesté. Certes notre jugement, chrétiens, est étrangement confondu par les apparences et par la tyrannie de l'opinion, si nous croyons que l'éclat du monde ait quelque chose digne d'un Dieu qui possède en lui-même la souveraine grandeur. Mais voulez-vous que je vous dise au contraire ce que je trouve de grand, d'admirable, ce qui me paroît digne véritablement d'un Dieu conversant avec les hommes? C'est qu'il semble n'être paru sur la terre que pour fouler aux pieds toute cette vaine pompe (b) et braver pour ainsi dire par la pauvreté de sa crèche notre faste ridicule et nos vanités extravagantes. Car voyez où va son mépris non-seulement il ne veut point de grandeurs humaines; mais pour montrer le peu d'état qu'il en fait, il se jette (c) aux extrémités opposées. Il a peine à trouver un lieu assez bas par où il fasse son entrée au monde ; il rencontre (d) une étable à demi ruinée, c'est là qu'il descend. Il prend tout ce que les hommes évitent, tout ce qu'ils craignent, tout ce qu'ils méprisent, tout ce qui fait horreur à leurs sens, pour faire voir combien les grandeurs du siècle lui semblent vaines et imaginaires: si bien que je me représente sa crèche, non point comme un berceau indigne d'un Dieu, mais comme un chariot de triomphe où il traîne après lui le monde vaincu. Là sont les terreurs surmontées, et là les douceurs méprisées; là les plaisirs rejetés, et ici les tourmens soufferts. Et il me semble qu'au milieu d'un si beau triomphe, il nous dit avec une contenance assurée : « Prenez courage, j'ai vaincu le monde : » Confidite, ego vici mundum', parce que par la bassesse de sa naissance, par l'obscurité de sa vie, par l'ignominie de sa mort, il a effacé tout ce que les hommes estiment et désarmé tout ce qu'ils redoutent : Et hoc vobis signum : « Voilà le signe que l'on nous donne. »>

Accourez de toutes parts, chrétiens, et venez connoître à ces belles marques le Sauveur qui vous est promis. Oui, mon Dieu, je vous reconnois; vous êtes le libérateur que j'attends. Les Juifs espèrent un autre Messie qui leur donnera l'empire du monde, qui 1 Joan., XVI, 33. (a) Var. Un éclat.

(b) Notre vaine pompe. (c) ll court. (d) Il trouve.

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les rendra contens sur la terre. Ah! combien de Juifs parmi nous! combien de chrétiens qui désireroient un Sauveur qui les enrichît, un Sauveur qui contentât leur ambition ou qui voulût flatter leur délicatesse! Ce n'est pas là notre Jésus-Christ. A quoi le pourronsnous reconnoître? Ecoutez; je vous le dirai par de belles paroles d'un ancien Père: Si ignobilis, si inglorius, si inhonorabilis, meus erit Christus : « S'il est méprisable, s'il est sans éclat, s'il est bas aux yeux des mortels; c'est le Jésus-Christ que je cherche. »> Il me faut un Sauveur qui fasse honte aux superbes, qui fasse peur aux délicats de la terre, que le monde ne puisse goûter, qui ne puisse être connu que des humbles de cœur. Il me faut un Sauveur qui m'apprenne par son exemple que tout ce que je vois n'est qu'un songe, qu'il n'y a rien de grand que de suivre Dieu et tenir tout le reste au-dessous de nous, qu'il y a d'autres maux que je dois craindre et d'autres biens que je dois attendre. Le voilà, je l'ai rencontré, je le reconnois à ces signes; vous le voyez aussi chrétiens. Reste à considérer maintenant si nous le croirons.

Il y a deux partis formés : le monde d'un côté, Jésus-Christ de l'autre. On va en foule du côté du monde, on s'y presse, on y court, on croit qu'on n'y sera jamais assez tôt. Là les délices, les réjouissances, l'applaudissement, la faveur; vous pourrez vous venger de vos ennemis; vous pourrez posséder ce que vous aimez; votre amitié sera recherchée; vous aurez de l'autorité, du crédit; vous trouverez partout un visage gai et un accueil agréable; il n'est rien tel, il faut prendre parti de ce côté-là. D'autre part Jésus-Christ se montre avec un visage sévère, il est pauvre et abandonné. L'un lui dit : Vous seriez mon Sauveur, si vous vouliez me tirer de la pauvreté (a): -Je ne vous le promets pas. - Que je puisse contenter ma passion : — Je ne le veux pas. — Que je puisse seulement venger cette injure: Je vous le défends. Le bien de cet homme m'accommoderoit; je n'y ai point de droit, mais j'ai du crédit : N'y touchez pas, ou vous êtes perdu. Qui pourroit souffrir un maître si rude? Retirons-nous, on n'y 1 Tertull., Advers. Marcion., lib. III, n. 17.

(a) Vor.: L'un lui dit : Mon Sauveur, que ne promettez-vous de semblables biens? Que vous seriez un grand et aimable Sauveur, si vous vouliez sauver le monde de la pauvreté!

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peut pas vivre. Mais du moins que promettez-vous? De grands biens? Oui; mais pour une autre vie. Je le prévois, mon Sauveur, vous n'aurez pas la multitude pour vous; vous serez condamné, car le monde gagnera sa cause. On nous donne un signe pour vous connoître, mais c'est un signe de contradiction. Il s'en trouvera, même dans l'Eglise, qui seront assez malheureux de le contredire ouvertement par des paroles et des sentimens infidèles, mais presque tous le contrediront par leurs œuvres. Et ne le condamnons-nous pas tous les jours? Quand nous prenons des routes opposées aux siennes, c'est lui dire secrètement qu'il a tort et qu'il devoit venir comme les Juifs l'attendent encore. S'il est votre Sauveur, de quel mal voulez-vous qu'il vous sauve? Si votre plus grand mal c'est le péché, Jésus-Christ est votre Sau

mais s'il étoit ainsi, vous n'y tomberiez pas si facilement. Quel est donc votre plus grand mal? C'est la pauvreté, c'est la misère? Jésus-Christ n'est plus votre Sauveur; il n'est pas venu pour cela. Voilà comme l'on condamne le Sauveur Jésus.

Où irons-nous, mes frères, et où tournerons-nous nos désirs? Jusqu'ici tout favorise le monde, le concours, la commodité, les douceurs présentes. Jésus-Christ va être condamné : on ne veut point d'un Sauveur si pauvre et si nu. Irons-nous? Prendronsnous parti? Attendons encore peut-être que le temps changera les choses. Peut-être! Il n'y a point de peut-être ; c'est une certitude infaillible. Il viendra, il viendra ce terrible jour où toute la gloire du monde se dissipera en fumée; et alors on verra paroître dans sa majesté ce Jésus autrefois né dans une crèche, ce Jésus autrefois le mépris des hommes, ce pauvre, ce misérable, cet imposteur, ce Samaritain, ce pendu. La fortune de ce Jésus est changée. Vous l'avez méprisé dans ses disgraces; vous n'aurez pas de part à sa gloire. Que cet avénement changera les choses! Là ces heureux du siècle n'oseront paroître, parce que se souvenant de la pauvreté passée du Sauveur, et voyant sa grandeur présente, la première sera la conviction de leur folie, et la seconde en sera la condamnation. Cependant ce même Sauveur laissant ces heureux et ces fortunés, auxquels on applaudissoit sur la terre, dans la foule des malheureux, il tournera sa divine face au petit nombre

de ceux qui n'auront pas rougi de sa pauvreté, ni refusé de porter sa croix. Venez, dira-t-il, mes chers compagnons, entrez en la société de ma gloire, jouissez de mon banquet éternel.

Apprenons donc, mes frères, à aimer la pauvreté de Jésus; soyons tous pauvres avec Jésus-Christ. Qui est-ce qui n'est pas pauvre en ce monde, l'un en santé, l'autre en biens; l'un en honneur, et l'autre en esprit ? C'est pourquoi tout le monde désire, et tous ceux qui désirent sont pauvres et dans le besoin. Aimez cette partie de la pauvreté qui vous est échue en partage, pour vous rendre semblables à Jésus-Christ; et pour ces richesses que vous possédez, partagez-les avec Jésus-Christ. Compatissez aux pauvres, soulagez les pauvres; et vous participerez aux bénédictions que Jésus a données à la pauvreté. Chrétiens, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, « qui étant si riche par sa nature, s'est fait pauvre pour l'amour de nous, pour nous enrichir par sa pauvreté ',» détrompons-nous des faux biens du monde; comprenons que la crèche de notre Sauveur a rendu pour jamais toutes nos vanités ridicules. Oui certainement, ô mon Seigneur JésusChrist, tant que je concevrai bien votre crèche, les apparences du siècle ne me surprendront point par leurs charmes, elles ne m'éblouiront point par leur vain éclat; et mon cœur ne sera touché que de ces richesses inestimables que votre glorieuse pauvreté nous a préparées dans la félicité éternelle. Amen.

1 II Cor., VIII, 9.

SECOND SERMON

POUR

LE JOUR DE NOEL (a).

Natus est nobis hodie Salvator mundi, et hoc vobis signum : Invenietis infantem pannis involutum, positum in præsepio.

Le Sauveur du monde nous est né aujourd'hui, et vous le reconnoitrez à ce signe (b) Vous trouverez un enfant enveloppé de langes, couché dans une crèche. Luc., II, 12.

Le Verbe qui étoit au commencement dans le sein de Dieu, par qui toutes choses ont été faites et qui soutient toutes choses par sa force toute-puissante, a disposé comme trois degrés par lesquels est descendue la souveraine grandeur à la dernière bassesse.

Premièrement il s'est fait homme, secondement il s'est fait passible, troisièmement il s'est fait pauvre et s'est chargé de tous les opprobres de la fortune la plus méprisable. Le texte de mon évangile renferme en trois mots ce triple abaissement du Dieu-Homme: « Vous trouverez un enfant, » c'est le commencement d'une vie humaine; << enveloppé de langes, » c'est pour défendre l'infirmité contre les injures de l'air; « couché dans une crèche, » c'est la dernière extrémité d'indigence. Et par là vous voyez, mes sœurs, quel est l'ordre de sa descente. Son premier pas est de se faire homme, et par là il se met au-dessous des anges, puisqu'il prend

(a) Prêché devant une communauté religieuse, en 1668.

En même temps que l'appellation «mes sœurs » nous fait connoître l'auditoire qui entendit ce discours, la rédaction nous en révèle l'époque suffisamment. On verra d'ailleurs qu'il a été prêché dans un temps de jubilé; or un jubilé fut donné en 1668.

Ce sermon n'est que le précédent perfectionné ou, si l'on veut, concentré. Il faut comparer ces deux discours, pour voir comment Bossuet corrigeoit ses chefs-d'œuvre. Les éditeurs avoient dépecé le dernier pour en mettre les différens passages soit dans le texte, soit au bas des pages, soit à la fin du premier.

(b) Var. Voici la marque pour le reconnoître.

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