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pécher, il ne leur est pas moins aisé de se convertir, tantôt justes et tantôt pécheurs, selon qu'il leur plaît. Ils croient pouvoir changer leurs mauvais désirs avec autant de promptitude qu'ils ont à se laisser vaincre, et se défaire de leurs mauvaises inclinations comme d'un habit qu'on prend et qu'on quitte quand on veut : erreur manifeste. A la vérité, chrétiens, pendant que la maladie supprime pour un peu de temps les atteintes les plus vives de la convoitise, je confesse qu'il nous est facile de peindre sur notre visage, et même pour nous mieux tromper, dans notre imagination alarmée, l'image d'un pénitent. Le cœur a des mouvemens superficiels qui se font et se défont en un moment; mais il ne prend pas si facilement les impressions fortes et profondes. Non, non, ni un nouvel homme ne se forme pas tout à coup, ni ces affections vicieuses dans lesquelles nous avons vieilli ne s'arrachent pas par un seul effort. Des remèdes palliatifs qui ne guérissent que la fantaisie et ne touchent pas à la plaie (a).

TROISIÈME POINT.

Par ces saintes préparations, l'ame qui s'éprouve elle-même, qui se défie des illusions de son amour-propre, rectifiera ses intentions et donnera à son cœur la véritable droiture. Toute l'Ecriture est pleine de saintes bénédictions pour ceux qui ont le cœur droit. Mais quelle est, Messieurs, cette droiture? Disons-en un mot : c'est la charité, c'est la sainte dilection, c'est le pur amour; c'est la chaste et intime attache de l'Epouse pour l'Epoux sacré; c'est cette céleste délectation d'un cœur qui se plaît dans la loi de Dieu, qui s'y soumet d'une pleine et entière volonté, « non par la crainte de la peine, mais par l'amour de la justice'; non effrayé par ses menaces, mais charmé par sa beauté et par sa droiture (b). »

1 S. August., serm. XI in Psal. cxviii, n. 1.

(a) Var. Maladie. (b) Note marg. : Qui sunt recti? dit saint Augustin; qui dirigunt cor secundùm voluntatem Dei (Enarr. II in Psal. xxx11, n. 12). Ailleurs : Ceux qui veulent tout ce que Dieu veut, ceux-là sont droits, ceux-là sont justes. Il ne faudroit point ici d'explication: ceux qui ont des oreilles chrétiennes entendent cette vérité. La volonté de Dieu est droite par elle-même; elle est ellemême la droiture, et elle est la règle primitive et originale. Nous ne sommes pas la droiture, nous ne sommes pas la règle; car nous serions impeccables: ainsi n'étant pas droits par nous-mêmes, nous le devenons, chrétiens, en nous unissant à la règle, à la sainte volonté de Dieu, à la loi qu'il nous a donnée; non

Faites droits, mes chers frères, les sentiers de notre Dieu. Aimez purement, aimez saintement, aimez constamment, et vous serez droits. Si vous craignez seulement les menaces de la loi sans aimer sa vérité et sa justice, quoique vous ne rompiez pas ouvertement, vous n'êtes pas d'accord avec elle dans le fond du cœur. Elle menace, elle est redoutable : à ces menaces vous donnez la crainte ; que faites-vous pour son équité ? L'aimez-vous, ne l'aimez-vous pas? La regardez-vous avec plaisir, ou avec une secrète aversion, ou avec froideur et indifférence? Que sont devenus vos premiers désirs, vos premières inclinations? La crainte n'arrache pas un désir, elle en empêche l'effet, elle l'empêche de se montrer, de lever la tête; elle coupe les branches, mais non la racine. (a) Le fond du désir demeure; je ne sais quoi qui voudroit, ou que la loi ne fût pas, ou qu'elle ne fût pas si droite, ni si rude, ni si précise, ou que celui qui l'a établie fùt moins fort ou moins clairvoyant (b).

Je sais qu'il y a de la différence entre la crainte des hommes et celle qu'on a d'un Dieu vengeur; que comme on peut espérer de tromper les hommes et qu'on sait qu'on leur peut du moins soustraire le cœur, la crainte est plus pénétrante sous les yeux de Dieu. Mais comme elle est toujours crainte, elle ne peut agir contre sa nature; elle ne peut attirer, ni gagner, ni par conséquent arracher à fond les inclinations corrompues (c).

Faites donc, mes frères, vos sentiers droits. Un commencement de dilection: Diligere incipiunt..., ac propterea moventur adversus peccata per odium aliquod ac detestationem1. C'est le motif de votre haine, c'est de ce commencement d'amour que doit naître votre aversion. Une aversion, par une inclination contraire. Il faut que cette plante divine ne soit pas seulement semée, mais

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1 Concil. Trid., sess. VI, cap. vi de Justif. étonnés par ses menaces, mais saintement délectés par son équité, et charmés par sa beauté et par sa droiture. — (a) Note marg. Elle contraint, elle bride, elle étouffe, elle supprime; mais elle ne change pas. (b) Mais cette intention ne se montre pas vous n'entendez donc pas quel secret venin coule dans les branches, quand la racine de l'intention n'est pas ôtée, quand le fond de la volonté n'est pas changé. (c) Si fallere posses, quid non fecisses? Ergo et concupiscentiam tuam malam non amor tollit, sed timor premit (S. August., Serm. CLXIX, n. 8). Non, je ne le ferois pas qui vous en empêcheroit? ce ne seroit pas la crainte, car nous supposons qu'on ne vous voit pas; ce seroit donc quelque attrait interne, quelque bien caché, quelque plaisir innocent et chaste.

qu'elle ait commencé de prendre racine dans l'ame avant qu'elle reçoive la grace justifiante; autrement elle en seroit incapable. Il faut un commencement de droiture et de justice dans le cœur ; mais il la faut ensuite cultiver de sorte qu'elle étende ses branches partout, qu'elle remplisse tout le cœur, afin que vous puissiez cueillir des fruits de justice.

De là doit naître une autre crainte; non la crainte de l'adultère qui craint le retour de son mari, mais la crainte d'une chaste épouse qui craint de le perdre. De là encore une autre droiture: marcher dans la loi de Dieu avec une nouvelle circonspection, craindre une foiblesse expérimentée, s'attacher plus étroitement à la justice une fois perdue, honorer la bonté divine par la crainte des tentations et des périls infinis qui nous environnent, etc. (a).

PREMIER SERMON

POUR

LE JOUR DE NOEL (6).

Et hoc vobis signum: Invenietis infantem pannis involutum, et positum in pra sepio.

Le Sauveur du monde est né aujourd'hui, et voici le signe que je vous en donne Vous trouverez un enfant enveloppé de langes, posé dans une crèche. Luc., II, 12.

Vous savez assez, chrétiens, que le mystère que nous honorons, c'est l'anéantissement du Verbe incarné, et que nous sommes ici

(a) Note marg. : Toute créature a un instinct pour se conserver. Créature nouvelle. Le bruit nous effraie; cet éclat menace de quelque ruine ou de quelque force étrangère qui vient contre nous avec violence; la nature nous apprend souvent à craindre à faux. Et certes, au milieu de tant de périls, et les périls nous pressant de tant d'endroits et ayant, comme nous avons, si peu de connoissance pour les prévoir; qui veut être en sûreté, doit souvent craindre même sans péril. Si vous n'avez point cette crainte, je doute que votre changement soit sincère et votre conversion véritable.

(b) Prêché devant la Cour en 1665.

Bossuet a prêché le jour de Noël deux sermons devant la Cour : l'un en 1665,

TOM. VIII.

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assemblés pour jouir du pieux spectacle d'un Dieu descendu pour nous relever, abaissé pour nous agrandir, appauvri volontairement pour répandre sur nous les trésors célestes. C'est ce que vous devez méditer, c'est ce qu'il faut que je vous explique; et Dieu veuille que je traite si heureusement un sujet de cette importance, que vos dévotions en soient échauffées. Attendons tout du ciel dans une entreprise si sainte; et pour y procéder avec ordre, considérons comme trois degrés par lesquels le Fils de Dieu a voulu descendre de la souveraine grandeur jusqu'à la dernière bassesse. Premièrement il s'est fait homme, et il s'est revêtu de notre nature; secondement il s'est fait passible, et il a pris nos infirmités; troisièmement il s'est fait pauvre, et il s'est chargé de tous les outrages (a) de la fortune la plus méprisable. Et ne croyez pas, chrétiens, qu'il nous faille rechercher bien loin ces trois abaissemens du Dieu-Homme; je vous les rapporte dans la même suite et dans la même simplicité qu'ils sont proposés dans mon évangile. « Vous trouverez, dit-il, un enfant, » c'est le commencement d'une vie et l'autre en 1669. Or le premier dans l'ordre du temps, c'est celui qui commence à cette page; car le second n'en est qu'une copie plus parfaite : il faut donc maintenir notre date. Et si l'on objectoit qu'on ne trouve aucune indication de lieu dans le présent discours, je répondrois que Bossuet ne nommoit la Cour ni n'adressoit la parole au roi que dans les circonstances extraordinaires et après un silence de quelque temps.

On lira vers la fin du dernier point les paroles que voici : « Ce Jésus autrefois né dans une crèche, ce Jésus autrefois le mépris des hommes, ce pauvre, ce misérable, cet impòsteur, ce Samaritain, ce pendu..... » Quelques prédicateurs ont répété cette phrase du haut de la chaire; mais le mot pendu n'avoit pas là, du temps de Bossuet, le sens qu'il présente aujourd'hui; il signifioit crucifié; car on disoit alors et fort bien, d'après le latin, pendre à la croix pour, attacher, ou être attaché à la croix.

On a pu voir tout à l'heure qu'il existe de notre discours une copie revue, corrigée, perfectionnée par l'auteur, qui forme un autre discours. Les éditeurs ont amalgamé les deux sermons; ils ont morcelé le plus parfait, le dernier, pour en mettre trois lambeaux dans le texte du premier, deux en note au bas de la page, un à la suite sous le titre de Fragment, puis ils ont rejeté les autres. La reine suivit assidûment les sermons qui furent prêchés par le grand orateur en 1665, et surtout ceux de l'Avent. Aussi, quoiqu'elle eût deux prédicateurs en titre, le public et la Cour n'appeloient plus Bossuet que le prédicateur de la reine. Pendant la même station d'Avent, un auditeur se tenoit au pied de la chaire, profondément attentif et trahissant parfois une vive émotion. Louis XIV apprenant que ce vieillard étoit le père de l'orateur : « Oh! s'écria-t-il, qu'il doit être heureux d'entendre son fils prècher si bien! » Le père de Bourdaloue n'eut pas le même bonheur; il venoit de Bourges à Paris pour entendre son fils, qui obtenoit de grands succès dans l'église des jésuites; il mourut en chemin ! (a) Var.: Opprobres.

humaine; << enveloppé de langes, » c'est pour défendre l'infirmité contre les injures de l'air; «posé dans une crèche, » c'est la dernière extrémité d'indigence: tellement que vous voyez dans le même texte la nature par le mot d'enfant, la foiblesse et l'infirmité par les langes, la misère et la pauvreté par la crèche.

Mais mettons ces vérités dans un plus grand jour, et arrêtonsnous un peu sur tous les degrés de cette descente mystérieuse, tels qu'ils sont représentés dans notre évangile. Et premièrement il est clair que le Fils de Dieu en se faisant homme, pouvoit prendre la nature humaine avec les mêmes prérogatives qu'elle avoit dans son innocence, la santé, la force, l'immortalité; ainsi le Verbe divin seroit homme, sans être travaillé des infirmités que le péché seul nous a méritées. Il ne l'a pas fait, chrétiens; il a voulu prendre avec la nature les foiblesses qui l'accompagnent. Mais en prenant ces foiblesses, il pouvoit ou les couvrir, ou les relever par la pompe, par l'abondance, par tous les autres biens que le monde admire; qui doute qu'il ne le pût? Il ne le veut pas; il joint aux infirmités naturelles toutes les misères, toutes les disgraces, tout ce que nous appelons mauvaise fortune, et par là ne voyez-vous pas quel est l'ordre de sa descente? Son premier pas est de se faire homme; et il se met au-dessous des anges, puisqu'il prend une nature moins noble, selon ce que dit l'Ecriture sainte Minuisti eum paulò minùs ab angelis : « Vous l'avez abaissé au-dessous des anges. » Ce n'est pas assez : mon Sauveur descend le second degré. S'il s'est rabaissé par son premier pas au-dessous de la nature angélique, il fait une seconde démarche qui le rend égal aux pécheurs. Et comment? Il ne prend pas la nature humaine telle qu'elle étoit dans son innocence, saine, incorruptible, immortelle; mais il la prend en l'état malheureux où le péché l'a réduite, exposée de toutes parts aux douleurs, à la corruption, à la mort. Mais mon Sauveur n'est pas encore assez bas. Vous le voyez déjà, chrétiens, au-dessous des anges par notre nature, égalé aux pécheurs par l'infirmité; maintenant faisant son troisième pas, il se va pour ainsi dire mettre sous leurs pieds, en s'abandonnant au mépris par la condition misérable de sa vie et de sa naissance. 1 Psal. VIII, 6.

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