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Dieu ? N'as-tu pas voulu la détruire et anéantir son pouvoir ? Oui, certainement, chrétiens. « Les hommes qui ne veulent pas être justes souhaitent qu'il n'y ait point de vérité, et par conséquent point de loi qui condamne les injustes: » Qui dùm nolunt esse justi, nolunt esse veritatem quâ damnentur injusti 1.

Et c'est pour cela, chrétiens, que Moïse descendant de la montagne, entendant les cris des Israélites qui adoroient le veau d'or, laisse tomber les tables sacrées où la loi étoit écrite et les brise : Vidit vitulum et choros, et projecit tabulas, et fregit eas 2. Et cela, pour quelle raison, si ce n'est pour représenter ce que le peuple faisoit alors? Ah! ce peuple ne mérite point d'avoir de loi, puisqu'il la détruit entière en ce moment qu'on la lui porte de la part de Dieu. Qu'a fait cette loi pour être brisée? Détruisez les pécheurs, faites-les mourir. Il le fera en son temps, mais en attendant il nous montre ce que nous faisons à la loi.

C'est pourquoi il brise les tables où le doigt de Dieu étoit imprimé ; et remarquez, s'il vous plaît, Messieurs, que le peuple ne pèche que contre l'article qui défendoit d'adorer les idoles : Non facies tibi sculptile 3. Mais qui pèche en un seul article, il détruit autant qu'il peut la loi tout entière. C'est pourquoi il laisse tomber et il casse ensemble toutes les deux tables, pour nous faire entendre, mes frères, que par une seule transgression toute la loi divine est anéantie. Mais comme les pécheurs détruisent la loi, il est juste aussi qu'elle les détruise; il est juste qu'ils soient mesurés selon leur propre mesure, et qu'ils souffrent justement ce qu'ils ont voulu faire injustement. Car si cette règle de justice doit être observée entre les hommes, de ne faire que ce que nous voulons qu'on nous fasse, combien plus de l'homme avec Dieu et avec sa loi éternelle! Et c'est pourquoi dans l'histoire que j'ai racontée, le même Moïse qui brisa la loi fit aussi briser le veau d'or et mettre à mort tous les idolâtres, dont l'on fit un sanglant carnage, nous montrant par le premier ce que le pécheur veut faire à la loi, qui est de l'anéantir et de la rompre effectivement, et nous faisant voir par le second ce que fait la loi au pécheur, qui est de le perdre et le mettre en pièces. « Ainsi, dit saint 1 S. August., Tract. xc in Joan., n. 3. 2 Exod., XXXII, 19. — 3 Ibid., XX, 4.

Augustin, ce que le pécheur a fait à la loi à laquelle il ne laisse point de place en sa vie, la loi de son côté le fait au pécheur en lui ôtant la vie à lui-même : » Quod peccator facit legi quam de suâ vitâ abstulit, hoc ei facit lex ut auferat eum de hominum vità quam regit1.

Voilà donc une éternelle opposition entre le pécheur et la loi de Dieu, c'est-à-dire par conséquent entre le pécheur et la justice divine. De là vient que la justice divine nous est représentée dans les Ecritures toujours armée contre le pécheur: «Toutes ses flèches sont aiguisées, nous dit le prophète, tous ses arcs sont bandés et prêts à tirer: » Sagittæ ejus acutæ, et omnes arcus ejus extenti2. Que s'il retarde par miséricorde à venger les crimes, sa justice cependant souffre violence : « Cela m'est à charge, dit-il, et j'ai peine à le supporter: » Facta sunt mihi molesta, laboravi sustinens3. Mais pourquoi rechercher ailleurs ce que je trouve si clairement dans mon évangile? Que ne puis-je vous représenter et vous faire appréhender vivement le tranchant épouvantable de cette cognée appliquée à la racine de l'arbre? A toute heure, à tous momens elle veut frapper, parce qu'il n'y a heure, il n'y a moment où la justice divine irritée ne s'anime elle-même contre les pécheurs. Il est vrai qu'elle retarde à frapper, mais c'est que la miséricorde arrête son bras. Elle tâche toujours de gagner le temps; elle pousse d'un moment à l'autre, nous attendant à la pénitence. Pécheurs, ne sentez-vous pas quelquefois le tranchant de cette justice appliqué sur vous? Lorsque votre conscience vous trouble, qu'elle vous inquiète, qu'elle vous effraie, qu'elle vous réveille en sursaut, remplissant votre esprit des idées funestes de la peine qui vous suit de près, c'est que la justice divine commence à frapper votre conscience criminelle; elle crie, elle vous demande secours, elle se trouble, elle est étonnée. Mais, ô Dieu ! quel sera son étonnement, lorsque la justice divine laissera aller tout à fait la main! Que si elle demeure insensible, si elle ne s'aperçoit pas du coup qui la frappe, ah! c'est qu'il a déjà donné bien avant, que l'esprit de vie ne coule plus; et de là vient que le sentiment est tout offusqué. Mais soit que vous sentiez ce tranchant, soit que vous ne sentiez 1 Epist. c, n. 24. - 2 Isa., V, 28. — 3 Ibid., 1, 14.

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pas le coup qu'il vous donne, il touche, il presse déjà la racine, et il n'y a rien entre deux.

O pécheur, ne trembles-tu pas sous cette main terrible de Dieu, qui non-seulement est levée, mais déjà appesantie sur ta tête? Jam enim securis ad radicem arboris posita est. Elle ne s'approche pas pour ébranler l'arbre, ni pour en faire tomber les fruits ni les feuilles; elle n'en veut pas même aux branches, à la santé, à la vie du corps; elle le fait quelquefois, mais ce n'est pas là maintenant où elle touche: (a) « Elle est à la racine, » dit saint Chrysostome : Apposita est ad radicem. Il n'y a plus rien entre deux ; et après ce coup dernier, qui nous menace à toute heure, il n'y a plus que le feu pour nous, et encore un feu éternel. Représentez-vous, chrétiens, un homme à qui son ennemi a ôté les armes, qui le presse l'épée sur la gorge : Demande la vie, demande pardon; il commence à appuyer de la pointe sur la poitrine à l'endroit du cœur. C'est ce que Dieu fait dans notre évangile; il n'enfonce pas encore le coup (b), ce sont les mots de saint Chrysostome, mais aussi ne retire-t-il pas encore la main. Il ne retire pas, de peur que tu ne te relâches et ne t'enfles; et il n'avance pas (c) tout à fait, de peur que tu ne périsses. En cet état il te dit dans notre évangile : Ou résous-toi bientôt à la mort, ou demande promptement pardon : Omnis arbor non faciens fructum, excidetur. Ne désespère pas, ô pécheur, il n'a pas encore frappé; tremble néanmoins, car il est tout prêt, et le coup sera sans remède. Peut-être va-t-il frapper dans ce moment même; peut-être sera-ce la dernière fois qu'il te pressera à la pénitence.

Mais je suis en bonne santé. Epargne-t-il la jeunesse ? épargne-t-il la naissance? épargne-t-il la modération, qui semble un des plus puissans appuis de la vie? Mais en un moment il renverse tout. Et puis quand il te voudroit prolonger la vie, il sait bien nous frapper d'une autre manière. Peut-être qu'il ne laissera pas de frapper en retirant pour jamais les dons de sa grace. S'il les retire, arraché ou désséché, c'est la même chose; le coup est (a) Note marg. : Plaisirs, richesses, les biens de fortune, biens externes qui ne tiennent pas à notre personne; il ne faut pas un si grand effort; il ne faut pas... la racine, il ne faut que secouer l'arbre. (b) Var. La main. (c) Il ne frappe pas.

donné, la racine est coupée, l'espérance est morte. Que tardonsnous donc, malheureux, à lui donner les fruits qu'il demande ? Et quoi! si vite, si promptement, et si près du coup de la mort! Oui, mes frères; en ce moment même faites germer ces fruits salutaires; ces fruits peuvent croître en toute saison, et ils n'ont pas besoin du temps pour mûrir. Nathan menace David de la part de Dieu; voilà la cognée à la racine. En même temps, sans aucun délai : « J'ai péché, » dit-il au Seigneur; voilà le fruit de la pénitence. Et au même instant qu'il paroît, le tranchant de la cognée se retire: Dominus transtulit peccatum tuum 1. Ne demande donc pas un long temps pour accomplir un ouvrage qui ne demande jamais qu'un moment heureux. Il suffit de vouloir, dit saint Chrysostome2; et aussitôt le germe de ce fruit paroît; et la cognée se retirera sitôt qu'elle verra paroître, je ne dis pas le fruit, mais la fleur; je ne dis pas la fleur, mais le nœud, mais le moindre rejeton qui témoignera de la vie. Ah! s'il est ainsi, chrétiens, malheureux et mille fois malheureux celui qui sortira de ce lieu sacré sans donner à Dieu quelque fruit! Si vous ne pouvez lui donner une entière conversion, une repentance parfaite, ah! donnez-lui du moins quelques larmes pour déplorer votre aveuglement. Ah! si vous ne pouvez lui donner des larmes, ah! laissez du moins aller un soupir qui témoigne le désir de vous reconnoître ; et si la dureté de vos cœurs ne vous permet pas un soupir, battez-vous du moins la poitrine, jetez du moins un regard à Dieu pour le prier de fléchir votre obstination, donnez quelque aumône à cette intention et pour obtenir cette grace. Ce n'est pas moi, mes frères, qui vous le conseille, c'est la voix du divin Précurseur qui vous y exhorte dans notre évangile. C'est lui qui excite aujourd'hui les peuples à faire des fruits de pénitence. C'est lui qui, pour les presser vivement, leur représente la cognée terrible de la vengeance divine toute prête à décharger le dernier coup, s'ils ne produisent bientôt ces bons fruits. Là-dessus le peuple : Quid faciemus? « Quel fruit produirons-nous ? » Qui habet duas tunicas det non habenti, et qui habet escas similiter faciat. C'est pour cette maison qu'il parloit. Vous dirai-je la honte de l'Eglise? Non; ces 1 II Reg., XII, 13. Homil. XI in Matth. 3 Luc., 111, 10, 11.

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pauvres catholiques n'ont pas d'habit, ils n'ont pas de nourriture. Ne dites pas: Je l'ignorois. Je vous le déclare; ne croyez pas que nous inventions. Ce n'est pas ici un théâtre où nous puissions inventer à plaisir des sujets propres à émouvoir et à exciter les passions. Que de profusions dans les tables! que de vanités sur les habits! que de somptuosité dans les meubles! mais quelle rage et quelle fureur dans le jeu ! Le désespoir!... Nous rendrons compte de ces ames.

Quand il lâchera le dernier coup, etc. Moment que Dieu a réservé à sa puissance. Le dernier coup après les grandes miséricordes, après l'abondante effusion, l'épanchement des grandes graces. Preuve par notre évangile : Jam enim securis : déjà, depuis la venue du Sauveur, Dieu s'étoit irrité contre son peuple qui avoit méprisé les prophètes: (a) « Ils ont, dit-il, appesanti leurs oreilles, ils ont endurci leur cœur comme un diamant, pour ne point écouter les paroles que je leur ai envoyées en la main de mes serviteurs les prophètes; et il s'est élevé une grande indignation, une commotion violente dans le cœur du Seigneur Dieu des armées : » Et facta est indignatio magna à Domino exercituum '. Pour venger le mépris de ses saints prophètes, Dieu a secoué la nation judaïque comme un grand arbre, il en a fait tomber les -fruits et les feuilles, la gloire de ce peuple, la couronne et le sceptre de ses rois entre les mains des rois d'Assyrie. (b) Il a frappé les branches, les tribus : une partie au delà du fleuve, une autre en - quelque partie de l'empire des Assyriens; cependant encore une souche en Israël, encore une racine en Jacob. Le temple, les sacrifices, le conseil de la nation, l'autorité des pontifes, enfin une forme d'empire, de république. Jésus est venu, Jésus a prèché, etc. Jam securis ad radicem; l'arbre a été coupé par le pied, ou plutôt déraciné tout à fait. (c) Le temple renversé, le sacrifice

1 Zach., VII, 11, 12.

(a) Note marg. Il avoit commencé à s'ennuyer: Cœpit Dominus tædere, Dégoût de Dieu, quand on passe si facilement du crime à la pénitence et de la pénitence au crime. — (6) Il jette les sceptres comme un roseau : quand il lui plaît, un roseau est un sceptre et un sceptre est un roseau. (c) Tite vient bientôt après Jésus-Christ: le vengeur suit de près le Sauveur. Ils n'ont pas connu le temps de leur visite: Dieu les visite à main armée. L'aigle romainé vient fondre sur eux et les enlever, malgré les forteresses dans lesquelles ils avoient

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