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souffre le supplice que Dieu impose (a); Dieu reçoit les hommages de ceux-là, il fait justice des autres. Pécheur, que Dieu appelle à la pénitence et qui résistez à sa voix, vous êtes entre les deux : ni vous ne faites ni vous n'endurez ce que Dieu veut, vous méprisez la loi et vous n'éprouvez pas le supplice (b), vous rejetez l'attrait et vous n'êtes point accablé par la colère. Vous bravez jusqu'à la bonté qui vous attire, jusqu'à la patience qui vous attend; vous vivez maître absolu de vos volontés, indépendant de Dieu, sans rien ménager de votre part, sans rien souffrir de la sienne; et il ne règne sur vous ni par votre obéissance volontaire, ni par votre sujétion forcée. C'est un état violent, je vous le dis, chrétiens, encore une fois; il ne peut pas subsister longtemps. Dieu est pressé de régner sur vous; car voyez en effet combien il vous presse. Que de douces invitations! que de menaces terribles! que de secrets avertissemens! que de nuages de loin! que de tempêtes de près! Regardez comme il rebute toutes vos excuses; il ne permet ni à celui-là de mettre fin à ses affaires, ni à cet autre d'aller fermer les yeux à son père 1; tout retardement l'importune, tant il est pressé de régner sur vous. S'il ne règne par sa bonté, bientôt et plus tôt que vous ne pensez, il voudra régner par sa justice. Car à lui appartient l'empire, et il se doit à lui-même et à sa propre grandeur d'établir promptement son règne. C'est pourquoi notre grand Baptiste crie dans le désert, et non-seulement les rivages et les montagnes voisines, mais même tout l'univers retentit de cette voix (c): Faites pénitence, faites pénitence, riches et pauvres, grands et petits, princes et sujets; que chacun se retire de ses mauvaises voies. « Car le règne de Dieu approche: » Appropinquat enim regnum cœlorum *.

Ainsi je vous conjure, mes frères, ne vous fiez pas au temps qui vous trompe; c'est un dangereux imposteur qui vous dérobe si subtilement que vous ne vous apercevez pas de son larcin. Ne regardez pas toujours le temps à venir; considérez votre état présent; ce que le temps semble vous donner, il vous l'ôte; il 1 Luc., IX, 59 et 61. 2 Matth., III, 2.

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(a) Var. Parce que là on obéit à ce qu'il ordonne, ici on souffre ce qu'il impose. (6) La peine. — (c) Mais encore toute la nature retentit de cette voix.

TOM. VIII.

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retranche de vos jours en y ajoutant. Cette fuite et cette course insensible du temps n'est qu'une subtile imposture pour vous mener insensiblement au dernier jour. La jeunesse y arrive précipitamment, et nous le voyons tous les jours. Partant n'attendez pas de Dieu tout ce que vous prétendez; ne regardez pas les jours qu'il vous peut donner, mais ceux qu'il vous peut ôter; ni seulement qu'il peut pardonner, mais encore qu'il peut punir. Ne fondez pas votre espérance et n'appuyez pas votre jugement sur une chose qui vous est cachée.

Je n'ignore pas, chrétiens, que Dieu, qui « ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive 1, » prolonge souvent le temps de la pénitence. Mais il faut juger de ce temps comme des occasions à la Cour. Chacun attend les momens heureux, les occasions favorables pour terminer ses affaires. Mais si vous attendez sans vous remuer, si vous ne savez profiter du temps, il passe vainement pour vous et ne vous apporte en passant que des années qui vous incommodent. Ainsi, dans cette grande affaire de la pénitence, celui-là peut beaucoup espérer du temps, qui sait s'en servir et le ménager. Mais celui qui attend toujours et ne commence jamais, voit couler inutilement et se perdre entre ses mains tous ces momens précieux dans lesquels il avoit mis son espérance (a).

C'est pour cela que saint Jean-Baptiste ne nous donne aucune relâche « La cognée, dit-il, est à la racine : tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu ; faites-donc, faites promptement des fruits dignes de pénitence: » Facite ergo fructus dignos pœnitentiæ. Vous avez franchi hardiment les plus puissantes considérations. Cette première tendresse d'une conscience innocente, ah! que vous l'avez endurcie! La pénitence, la communion, vous avez appris à les profaner; cela ne vous touche plus. Les terribles jugemens de Dieu qui avoient autrefois tant de force pour vous émouvoir, vous avez dissipé comme une vaine frayeur l'appréhension que vous aviez de ce tonnerre, et

1 Ezech., XXXIII, 11. - 2 Luc., III, 8.

(a) Note marg. : Que lui apporte le temps, sinon une plus grande atteinte à sa vie, un plus grand poids à ses crimes, une plus forte attache à ses habitudes?

vous vous êtes accoutumés à dormir tranquillement à ce bruit. Nous voilà réduits aux miracles. Expérience des pécheurs..... In peccato vestro moriemini 1.

Attention aux choses dites: point tant songer au prédicateur. Les choses que nous disons sont-elles si peu solides, qu'elles ne méritent de réflexion que par la manière de les dire? Tant d'heures de grand loisir! pourquoi sont-elles toutes des heures perdues? Pourquoi Jésus-Christ n'en aura-t-il pas quelques-unes plutôt qu'un amusement inutile? Ainsi puisse Jésus-Christ naissant vous combler de graces! puissiez-vous recevoir en lui un Sauveur, et non un juge! puissiez-vous apprendre à sa crèche à mépriser les biens périssables, et acquérir les inestimables richesses que sa glorieuse pauvreté nous a méritées!

FRAGMENS D'UN SERMON

POUR

LE III DIMANCHE DE L'AVENT (a).

« Une voix crie dans le désert: Préparez les voies du Seigneur, aplanissez les sentiers de notre Dieu; pour cela il faut combler toutes les vallées et abattre toutes les montagnes ; » c'est-à-dire qu'il faut relever le courage des consciences abattues par le déses1 Joan., VIII, 21. 2 Luc., III, 5.

(a) Le sermon dont on va lire d'importans fragmens a été prêché probablement en 1669, à Paris, chez les Nouveaux Convertis.

Ces fragmens se rapportent au sermon précédent, car ils renferment les mêmes textes et les mêmes idées fondamentales; ils ont été écrits bientôt après, vraisemblablement dans la semaine qui suivit le dimanche où Bossuet avoit prêché à la Cour.

La maison des Nouveaux Convertis, située rue de Seine-Saint-Victor, recevoit les Juifs et les protestans qui venoient d'embrasser la vraie foi. C'est là que Bossuet prononça le sermon dont nos fragmens firent partie; on le verra par un passage commençant par ces mots : « C'est pour cette maison qu'il (le divin Maître) parloit. Vous le dirai-je à la honte de l'Eglise? Non; ces pauvres catholiques n'ont pas d'habit, ils n'ont pas de nourriture, » etc. Les calvinistes, et un écrivain catholique après eux, disent que Bossuet n'a jamais élevé la voix en faveur des malheureux. Le sermon qu'on va lire suffiroit, à lui seul, pour réfuter cette calomnie.

poir, et abattre sous la main de Dieu par la pénitence les pécheurs superbes et opiniâtres qui s'élèvent contre Dieu, etc.

L'Eglise fera bientôt le premier, lorsqu'elle dira aux pécheurs : Consolamini, consolamini '... Gaudium magnum..., quia natus est vobis hodie Salvator 2. Mais devant que de relever leur courage, il faut premièrement abattre leur arrogance: Jam enim securis, etc. Pour cela il faut des paroles inspirées d'en haut. Ave.

Deux coups: celui du péché, celui de la justice divine. L'un ôte la vie, l'autre l'espérance : le coup du péché, la vie; le coup de la justice, l'espérance. Chose étrange et incroyable, Messieurs! après la perte de la vie, peut-il rester de l'espérance? Oui, parce que Dieu est puissant pour ressusciter les morts, et « qu'il peut, dit notre évangile, faire naître des enfans d'Abraham de ces pierres» insensibles et inanimées; et sa miséricorde infinie lui faisant faire tous les jours de pareils miracles, ceux qui ont perdu la vie de la grace n'ont pas néanmoins perdu l'espérance, etc.

Faut traiter le second point et dire par quels degrés Dieu abat l'appui et le fondement de cette espérance mal fondée. Ce coup n'est pas toujours sensible. Il dessèche l'arbre et la racine en retirant ses inspirations.

Ainsi je ne m'étonne pas si les pécheurs convertis regardent l'état d'où ils sont sortis avec une telle frayeur et ne se sentent pas moins obligés à Dieu, que s'il les avoit tirés de l'enfer. Posuerunt me in lacu inferiori. Eruisti animam meam ex inferno inferiori. Deux choses font l'enfer : la peine du damné, séparation éternelle d'avec Jésus-Christ: Nescio vos. A la sainte table, il ne nous connoît plus. Elle est éternelle de sa nature. Le feu, la peine du sens. Il n'est pas encore allumé, mais nous en avons en nous le principe. En effet d'où pensez-vous, chrétiens, que Dieu fera sortir, etc.

Le moment que Dieu a marqué pour donner ce coup irrémédiable qui enverra les pécheurs au feu éternel, par une juste disposition de sa providence, ne leur doit pas être connu. C'est un

1 Isa., XL, 1.-2 Luc., II, 10, 11.3 Ibid., III, 9.-Ibid., 8.— 5 Psal. LXXXVII, 7. -6 Psal. LXXXV, 13. - - Matth., xxv, 12.

secret que Dieu se réserve et qu'il nous cache soigneusement, afin que nous soyons toujours en action et que jamais nous ne cessions de veiller sur nous. Néanmoins le pécheur s'endort dans les longs délais qu'il lui donne, l'attendant à la pénitence; et pendant qu'il dort à son aise au milieu des prospérités temporelles, il s'imagine que Dieu dort aussi : « Il dit dans son cœur : Dieu l'a oublié, » il ne prend pas garde à mes crimes: Dixit enim in corde suo : Oblitus est Deus; et parce qu'il ne songe pas à se convertir et que Dieu ne lui fait pas sentir sa fureur, il croit que Dieu ne songe pas à le punir. Pour lui ôter de l'esprit cette opinion dangereuse, tâchons aujourd'hui de lui faire entendre une vérité chrétienne qui nous est représentée dans notre évangile, et que je vous prie de comprendre; c'est que la justice divine qui semble dormir, qui semble oublier les pécheurs, les laissant prospérer longtemps en ce monde, est toujours en armes contre eux, toujours en action, toujours vigilante, toujours prête à donner le coup qui les coupera par la racine pour ne leur laisser aucune

ressource.

Mais afin de bien comprendre cette vérité, il est nécessaire, Messieurs, de vous expliquer plus profondément ce que j'ai déjà touché en peu de paroles touchant la contrariété infinie qui est entre le pécheur et la justice de Dieu. Je suivrai encore le grand Augustin et les ouvertures admirables qu'il nous a données pour l'éclaircissement de cette matière en son épître quaranteneuvième1. Il remarque donc en ce lieu qu'il y a cette opposition entre le pécheur et la loi, que comme le pécheur détruit la loi autant qu'il le peut, la loi réciproquement détruit le pécheur; tellement qu'il y a entre eux une inimitié qui jamais ne peut être réconciliée; et quoique cette vérité soit très-claire, vous serez néanmoins bien aises, Messieurs, d'entendre une belle raison par laquelle saint Augustin l'a prouvée. Elle tombera sans difficulté dans l'intelligence de tout le monde, parce qu'elle est établie sur le principe le plus connu de l'équité naturelle: «Ne fais pas ce que tu ne veux pas qu'on te fasse : » In quâ mensurâ mensi fueritis, remetietur vobis 3. Pécheur, qu'as-tu voulu faire à la loi de 1 Psal. x, H, 11.- 2 Epist. CII, al. XLIX, 3 Luc., VI, 38.

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