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tout ensemble et un malheur et un crime, (a) une perte infinie avec une faute inexcusable, la ruine totale de notre nature dans l'objet de notre choix, c'est-à-dire dans un même mal et le naufrage et la honte de la liberté de l'homme.

Après cela, chrétiens, il ne faut pas s'étonner si l'on nous prêche souvent que notre crime devient notre peine. Et je n'ai pas dit sans raison que la cognée qui nous frappe, c'est le péché même, puisqu'il sera dans l'éternité le principal instrument de notre supplice. (b) Complebo furorem meum in te : « J'assouvirai en vous toute ma fureur : » Et ponam contra te omnes abominationes tuas..., et abominationes tuæ in medio tui erunt..., et imponam tibi omnia scelera tua 1. Et en effet, dit saint Augustin, il ne faut pas se persuader que cette lumière infinie et cette souveraine bonté de Dieu tire d'elle-même et de son sein propre de quoi punir les pécheurs. Dieu est le souverain bien, et de luimême il ne produit que du bien aux hommes; ainsi pour trouver les armes par lesquelles il détruira ses ennemis, il se servira de leurs péchés mêmes, qu'il ordonnera de telle sorte que ce qui a fait le plaisir de l'homme coupable (c), deviendra l'instrument d'un Dieu vengeur. Ne putemus illam tranquillitatem et ineffabile lumen Dei de se proferre, unde peccata puniantur; sed ipsa peccata sic ordinare, ut quæ fuerunt delectamenta homini peccanti, sint instrumenta Domino punienti 2. Et ne me demandez pas, chrétiens, de quelle sorte se fera ce grand changement de nos plaisirs en supplices; la chose est prouvée par les Ecritures. C'est le Véritable qui le dit, c'est le Tout-Puissant qui le fait. Et toutefois, si vous regardez la nature des passions auxquelles vous abandonnez votre cœur, vous comprendrez aisément qu'elles peuvent devenir un supplice intolérable. Elles ont toutes en ellesmêmes des peines cruelles. Elles ont toutes une infinité qui se fàche de ne pouvoir être assouvie; ce qui mêle dans elles toutes 1 Ezech., VII, 3, 4, 8. - 2 Enarr. in Psal. vII, n. 16.

(a) Note marg. Malheur qui nous accable, et crime qui nous déshonore; malheur qui nous ôte toute espérance, et crime qui nous ôte toute excuse; malheur qui nous fait tout perdre, et crime qui nous rend coupables de cette perte funeste, et qui nous laisse sujet de nous plaindre. (b) Voilà le juste supplice un homme tout pénétré, tout environné de ses crimes. L'homme pécheur.

(c) Var. :

des emportemens qui dégénèrent en une espèce de fureur non moins pénible que déraisonnable. L'amour impur, s'il m'est permis de le nommer dans cette chaire, a ses incertitudes, ses agitations violentes, et ses résolutions irrésolues, et l'enfer de ses jalousies: Dura sicut infernus æmulatio, et le reste que je ne dis pas. L'ambition a ses captivités, ses empressemens, ses défiances et ses craintes, dans sa hauteur même qui est souvent la mesure de son précipice. L'avarice, passion basse, passion odieuse au monde, amasse non-seulement les injustices, mais encore les inquiétudes avec les trésors. Eh! qu'y a-t-il donc de plus aisé que de faire de nos passions une peine insupportable de nos péchés, en leur ôtant, comme il est très-juste, ce peu de douceur par où elles nous séduisent, et leur laissant seulement les inquiétudes cruelles et l'amertume dont elles abondent (a) ?

Ainsi ne nous flattons pas de l'espérance de l'impunité, pendant que nous portons en nos cœurs l'instrument de notre supplice. Producam ignem de medio tui qui comedat te: « Je ferai sortir du milieu de toi le feu qui dévorera tes entrailles. » Je ne l'enverrai pas de loin contre toi, il prendra dans ta conscience, et ses flammes s'élanceront du milieu de toi, et ce seront tes péchés qui le produiront (b). Par conséquent, mes frères, malheur sur nous qui avons péché et ne faisons point pénitence! Le coup est lâché (c); l'enfer n'est pas loin; ses ardeurs éternelles nous touchent de près, puisque nous en avons en nous-mêmes et en nos propres péchés la source féconde. « La cognée est à la racine. » Ah! quel coup elle t'a donné, puisque tu nourris déjà en ton cœur ce qui fera un jour ton dernier supplice! Autant de péchés mortels, autant de coups redoublés. Aussi l'arbre ne peut-il plus se soutenir; il chancelle, il penche à sa perte par ses habitudes vicieuses, et bientôt il tombera de son propre poids. Que s'il faut encore un dernier coup, Dieu le lâchera sans miséricorde sur cette racine stérile et 1 Cant., VIII, 6. 2 Ezech., XXVIII, 18.

(a) Note marg.: Nos péchés contre nous, nos péchés sur nous, nos péchés au milieu de nous trait perçant contre notre sein, poids insupportable sur notre tête, poison dévorant dans nos entrailles. (b) Le pensez-vous, chrétien, que vous fabriquiez en péchant l'instrument de votre supplice éternel? cependant vous le fabriquez. Vous avalez l'iniquité comme l'eau; vous avalez des torrens de flammes. (c) Var. Donné.

maudite. Le pécheur ne se soutient plus; les moindres tentations. le font chanceler, les plus légers mouvemens lui impriment une pente dangereuse. Mais enfin il a pris sa pente funeste par ses mauvaises inclinations, il ne se peut plus relever, et je le vois qui va tomber. Il est vrai que Dieu lui donne encore un peu d'espérance; mais puisqu'il en abuse, je vis éternellement, dit le Seigneur, je ne puis plus souffrir cette dureté : Finis venit, venit finis..., fac conclusionem 1: « La fin est venue et il faut conclure. >> Je détruirai tous les fondemens de cette espérance téméraire, je lâcherai le dernier coup; et coupant jusqu'aux moindres fibres qui soutiennent encore ce malheureux arbre, je le précipiterai de son haut et le jetterai dans la flamme: Omnis arbor non faciens fructum, excidetur et in ignem mittetur (a).

SECOND POINT.

Tel que seroit un ennemi implacable, qui nous ayant dépouillés de tout notre bien, nous attire de plus sur les bras un adversaire puissant auquel nous ne pouvons résister: tel et encore plus malfaisant est le péché à l'égard de l'homme, puisque le péché, chrétiens, comme je l'ai déjà dit, nous ayant fait perdre le bon usage de la raison, l'emploi légitime de la liberté, la pureté de la conscience, c'est-à-dire tout le bien et tout l'ornement de la créature raisonnable, pour mettre le comble à nos maux, il arme Dieu contre nous et nous rend ses ennemis déclarés, contraires à sa droiture, injurieux à sa sainteté, ingrats envers sa miséricorde, odieux à sa justice et par conséquent soumis à la loi de ses vengeances.

De là nous pouvons comprendre de quelle sorte Dieu est animé (b), si je puis parler de la sorte, envers les pécheurs impénitens; et je vous dirai en un mot, car je ne veux point m'étendre à prouver des vérités manifestes, qu'autant qu'il est saint, autant qu'il est juste, autant leur est-il contraire; de sorte qu'il a contre eux une aversion infinie.

1 Ezech., VII, 2, 23.

(a) Note marg.: Retirez-vous, de peur d'être accablé de sa chute. Ses exemples. Seigneur, donnez-moi de la force; aidez le travail de mon cœur, qui veut enfanter de vrais pénitens. (b) Var.: Disposé.

Les pécheurs n'entendent pas cette vérité; pendant qu'à l'ombre de leur bonne fortune et à la faveur des long's délais que Dieu leur accorde, ils s'endorment à leur aise, ils s'imaginent que Dieu dort aussi (a); ils pensent qu'il ne songe non plus à les châtier qu'ils songent à se convertir; et comme ils ont oublié ses jugemens, «< ils disent dans leur cœur : « Dieu m'a oublié et ne prend pas garde à mes crimes : » Dixit enim in corde suo : Oblitus est Deus 1. Et au contraire ils doivent savoir que la justice divine, qui semble dormir et oublier les pécheurs, leur répugnant pour ainsi dire de toute elle-même, est toujours en armes contre eux et toujours prête à donner le coup par lequel ils périront sans ressource; et il ne faut pas qu'ils se flattent de la bonté infinie de Dieu, de laquelle ils ne connoissent pas la propriété ; qu'ils entendent plutôt aujourd'hui que Dieu est bon d'une autre manière qu'ils ne l'imaginent. Il est bon, dit Tertullien, parce qu'il est ennemi du mal; et il est infiniment bon, parce qu'il en est infiniment ennemi : Non plenè bonus, nisi mali æmulus. Il ne faut donc pas concevoir en Dieu une bonté foible et qui souffre tout, une bonté insensible et déraisonnable; mais une bonté vigoureuse, qui exerce l'amour qu'elle a pour le bien par la haine qu'elle a pour le mal, et se montre efficacement bonté véritable en combattant la malice du péché qui lui est contraire: Ut boni amorem odio mali exerceat, et boni tutelam expugnatione mali impleat 3. Par conséquent, chrétiens, Dieu est toujours en acte et en exercice d'une juste aversion contre les pécheurs. Ses foudres sont toujours prêts, et sa colère toujours enflammée; c'est pourquoi l'Ecriture nous le représente comme tout prêt à frapper: « Toutes ses flèches sont aiguisées, dit le saint prophète, et tous ses arcs bandés et prêts à tirer: Sagittæ ejus acutæ, et omnes arcus ejus extenti; il vise et il désigne l'endroit où il veut frapper. Ainsi sa main vengeresse est bien retenue quelquefois par l'attente du repentir, mais non jamais désarmée, et encore moins endormie; et vous le voyez dans notre évangile. Non-seulement elle tient toujours cette terrible cognée, mais elle 3 Ibid. · Isa., V,

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28.

1 Psal. x, 11.- 2 Advers. Marcion., lib. I, n. 26. (a) Var. C'est ici qu'il n'est pas croyable combien les pécheurs s'abusent dans l'opinion qu'ils conçoivent de la justice divine; pendant qu'ils s'endorment au milieu des délais que Dieu leur accorde, ils s'imaginent que Dieu dort aussi.

en applique toujours le tranchant funeste à la racine de l'arbre, et il n'y a rien entre deux; c'est pourquoi il n'est pas possible que l'arbre subsiste longtemps. « Il sera coupé, » dit saint JeanBaptiste, excidetur; ou plutôt, comme nous lisons dans l'original, exciditur, dans le temps présent: on le coupe, on le déracine, afin que nous concevions l'action plus présente et plus efficace (a).

Nous nous trompons, chrétiens, si nous croyons pouvoir subsister longtemps dans cet état misérable. Il est vrai que jusqu'ici la miséricorde divine a suspendu la vengeance et arrêté le dernier coup de la main de Dieu; mais nous n'aurons pas toujours un secours semblable. Car enfin, comme dit notre grand prophète, le règne de Dieu approche (b); sous le règne de Dieu si saint, si puissant, si juste, il est impossible que l'iniquité demeure longtemps impunie (c).

« Le Seigneur a régné, dit le Roi-Prophète; que la terre s'en réjouisse, que les îles les plus éloignées en triomphent d'aise : » Dominus regnavit, exultet terra, lætentur insula multæ 1. Voilà un règne de douceur et de paix. Mais, ô Dieu, qu'entends-je dans un autre psaume! « Le Seigneur a régné, dit le même prophète ; que les peuples frémissent et s'en courroucent, et que la terre en soit ébranlée jusqu'aux fondemens: » Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra. Voilà ce règne terrible, ce règne de fer et de rigueur qu'un autre prophète décrit en ces mots : In manu forti, et in brachio extento, et in furore effuso regnabo super vos3 : « Je régnerai sur vous, dit le Seigneur, en vous frappant d'une main puissante et en épuisant sur vous toute ma colère. »

Dieu ne règne sur les hommes qu'en ces deux manières : il règne sur les pécheurs convertis, parce qu'ils se soumettent à lui volontairement; il règne sur les pécheurs condamnés, parce qu'il se les assujettit malgré eux. Là est un règne de paix et de grace, ici un règne de rigueur et de justice; mais partout un règne souverain de Dieu, parce que là on pratique ce que Dieu commande, ici on 1 Psal. XCVI, 1. Psal. XCVIII,1., 3 Ezech., XX, 33.

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(a) Note marg. Il semble qu'il ne frappe pas. Vengeance occulte Livre aux passions, au sens réprouvé. — (b) Var. : Il faut que Dieu règne. (c) Note marg. Un mot du règne de Dieu que saint Jean-Baptiste nous annonce.

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