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chrétiens, de voir cette eau salutaire si étrangement violée, seulement à cause qu'elle est bienfaisante ? Qu'inventerai-je, où me tournerai-je pour arrêter les profanations des hommes pervers qui vont faire malheureusement leur écueil du port?

Les pécheurs savent bien dire qu'il ne faut que se repentir pour être capable d'approcher de cette fontaine de grace. En vain nous disons à ceux qui se confient si aveuglément à ce repentir futur : Ne voulez-vous pas considérer que Dieu a bien promis le pardon au repentir, mais qu'il n'a pas promis de donner du temps pour ce sentiment nécessaire? Cette raison convaincante ne fait plus d'effet, parce qu'elle est trop répétée. Considérez, mes frères, quel est votre aveuglement : vous rendez la bonté de Dieu complice de votre endurcissement. C'est ce péché contre le Saint-Esprit, contre la grace de la rémission des péchés. Dieu n'a plus rien à faire pour vous retirer du crime. Vous poussez à bout sa miséricorde. Que peut-il faire que de vous appeler, que de vous attendre, que de vous tendre les bras, que de vous offrir le pardon? C'est ce qui vous rend hardis dans vos entreprises criminelles. Que faut-il donc qu'il fasse ? Et sa bonté étant épuisée et comme surmontée par votre malice, lui reste-t-il autre chose que de vous abandonner à sa vengeance? Hé bien ! poussez à bout la bonté divine : montrez-vous fermes et intrépides à perdre votre ame: ou plutôt insensés et insensibles, hasardez tout, risquez tout; faites d'un repentir douteux le motif d'un crime certain (a); mais ne voulezvous pas entendre combien est étrange, combien insensée, combien monstrueuse cette pensée de pécher pour se repentir? Obstupescite, cæli, super hoc': « O ciel, ô terre, étonnez-vous d'un si prodigieux égarement!» Les aveugles enfans d'Adam ne craignent pas de pécher, parce qu'ils espèrent un jour en être fâchés ! J'ai lu souvent, dans les Ecritures, que Dieu envoie aux pécheurs l'esprit de vertige et d'étourdissement; mais je le vois clairement dans vos excès. Voulez-vous vous convertir quelque jour, ou périr misérablement dans l'impénitence? Choisissez, prenez parti.

1 Jerem., II, 12.

(a) Var. Hasardez votre ame, risquez votre éternité quelle fermeté! quel courage! quelle insensibilité prodigieuse! quelle stupidité insensée!

Le dernier est le parti des démons. S'il vous reste donc quelque sentiment du christianisme, quelque soin de votre salut, quelque pitié de vous-même, vous espérez vous convertir; et si vous croyiez que cette porte vous fût fermée, vous n'iriez pas au crime avec l'abandon où je vous vois. Se convertir, c'est se repentir : vous voulez donc contenter cette passion, parce que vous espérez vous en repentir! Qui jamais a ouï parler d'un tel prodige? Estce moi qui ne m'entends pas, ou bien est-ce votre passion qui vous enchante? Me trompé-je dans ma pensée? ou bien êtes-vous aveugle et troublé de sens dans la vôtre ? Quand est-ce qu'on s'est avisé de faire une chose, parce qu'on croit s'en repentir quelque jour? C'est la raison de s'en abstenir sans doute. J'ai bien ouï dire souvent Ne faites pas cette chose, car vous vous en repentirez. Le repentir qu'on prévoit n'est-il pas naturellement un frein au désir et un arrêt à la volonté ? Mais qu'un homme dise en luimême: Je me détermine à cette action, j'espère d'en avoir regret, et je m'en retirerois sans cette pensée; qu'ainsi le regret prévu devienne contre sa nature, et l'objet de notre espérance, et le motif de notre choix, c'est un aveuglement inouï, c'est confondre les contraires, c'est changer l'essence des choses. Non, non, ce que vous pensez n'est ni un repentir ni une douleur ; vous n'en entendez pas seulement le nom, tant vous êtes éloignés d'en avoir la chose. Cette douleur qu'on désire, ce repentir qu'on espère avoir quelque jour, n'est qu'une feinte douleur et un repentir imaginaire. Ne vous trompez pas, chrétiens, il n'est pas si aisé de se repentir. Pour produire un repentir sincère, il faut renverser son cœur jusqu'aux fondemens, déraciner ses inclinations avec violence, s'indigner implacablement contre ses foiblesses, s'arracher de vive force à soi-même. Si vous prévoyiez un tel repentir, il vous seroit un frein salutaire. Mais le repentir que vous attendez n'est qu'une grimace, la douleur que vous espérez une illusion et une chimère; et vous avez sujet de craindre que par une juste punition d'avoir si étrangement renversé la nature de la pénitence, un Dieu méprisé et vengeur de ses sacremens profanés ne vous envoie en sa fureur, non le peccavi d'un David, non les regrets d'un saint Pierre, non la douleur amère d'une Madeleine; mais le

regret politique d'un Saul, mais la douleur désespérée d'un Judas, mais le repentir stérile d'un Antiochus; et que vous ne périssiez malheureusement dans votre fausse contrition et dans votre pénitence impénitente.

Vivons donc, mes frères, de sorte que la rémission des péchés ne nous soit pas un scandale. Rétablissons les choses dans leur usage naturel. Que la pénitence soit pénitence, un remède et non un poison; que l'espérance soit espérance, une ressource à la foiblesse et non un appui à l'audace; que la douleur soit une douleur; que le repentir soit un repentir, c'est-à-dire l'expiation des péchés passés et non le fondement des péchés futurs. Ainsi nous arriverons par la pénitence au lieu où il n'y a plus ni repentir ni douleur, mais un calme perpétuel et une paix immuable. Au nom, etc.

SERMON

POUR

LE III DIMANCHE DE L'AVENT (a).

Jam enim securis ad radicem arborum posita est omnis ergo arbor non faciens fructum bonum, excidetur et in ignem mittetur.

:

La cognée est déjà à la racine de l'arbre donc tout arbre qui ne portera pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. Luc., III, 9.

Quelque effort que nous fassions tous les jours pour faire connoître aux pécheurs l'état funeste de leur conscience, il ne nous est pas possible de les émouvoir, ni par la vue du mal présent

(a) ANALYSE DU SERMON, PAR BOSSUET.

Les pécheurs s'endorment, parce qu'ils croient leur malheur fort loin; JésusChrist montre qu'il est prêt à frapper. Deux coups: l'un ôte la vie, l'autre l'espérance.

Le péché sort de la volonté humaine contre la volonté divine. Doublement contraire à Dieu comme mauvais, à l'homme comme nuisible.

Pourquoi nuisible? Ennemis impuissans montrent leur inimitié Deo resistendi voluntate, non potestate lædendi (S. August., De Civit. Dei, lib. XII, cap. 11).

qu'ils se font eux-mêmes, ni par les terribles approches du jugement futur dont Dieu les menace. Le mal présent du péché ne les touche point, parce qu'il ne tombe pas sous leurs sens auxquels ils abandonnent toute leur conduite. Et si pour les éveiller dans cet assoupissement léthargique, nous faisons retentir à leurs oreilles cette trompette épouvantable du jugement à venir qui les jettera dans des peines si sensibles et si cuisantes, cette menace est trop éloignée pour les presser à se rendre : « Cette vision, disent-ils, chez le prophète Ezechiel, ne sera pas sitôt accomplie :>>> In dies multos et in tempora longa iste prophetat '. Ainsi leur malice obstinée résiste aux plus pressantes considérations que nous leur puissions apporter ; et rien n'est capable de les émouvoir, parce que le mal du péché, qui est si présent, n'est pas sensible; et qu'au contraire le mal de l'enfer, qui est si sensible, n'est pas présent. C'est pourquoi la bonté divine qui ne veut point la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive, pour effrayer ces consciences malheureusement intrépides, fait élever aujourd'hui du fond du désert une voix dont le désert même est 1 Ezech., XII, 27.

Point de prise sur Dieu qu'il attaque; laisse tout son venin dans celui qui le commet. Comme la terre, les nuages. Arcus eorum confringatur (Psal. xxxvi, 15). L'entreprise contre Dieu inutile. Gladius eorum intret in corda ipsorum (ibid.); il se perce lui-même.

Le péché est sa peine soi-même : Ne putemus illam tranquillitatem et ineffabile lumen Dei de se proferre, unde peccata puniantur (S. August., Enarr. in Psal. vII, n. 16). Preuves par l'Ecriture; Ezechiel, VII.

La séparation, la peine du sens. La première, par le péché; la seconde, perducam ignem de medio tui qui comedat te (Ezech., XXVIII, 18).

Les pécheurs insensés dans leur assurance, ayant le principe de ce feu en eux. Contrariété entre la loi et le pécheur. Moïse, les Tables.

Sur cette loi de justice: Quod feceris patieris. Vous détruisez la loi; la loi aufert eum de hominum vitâ (S. August., Epist. c, n. 24); la justice divine toujours armée contre le pécheur. Jam enim securis.....

Ce sermon a été prêché devant la Cour, le 13 décembre 1669.

Il faut se rappeler que Bossuet a prêché deux Avens à la Cour : l'un en 1665, et l'autre en 1669. Or il ne prêcha pas en 1665 le troisième dimanche de l'Avent : il étoit enfermé depuis quelques jours près du jeune duc de Foix, qui mourut de la petite vérole, maladie contagieuse et qu'on redoutoit beaucoup à cette époque. Il faut donc admettre pour notre sermon la date de 1669.

Si Bossuet n'a pas prêché le troisième dimanche de l'Avent 1665, il n'a pas non plus laissé de sermon pour ce jour-là: il n'écrivoit donc pas d'avance les stations qu'il devoit prêcher.

ému: Vox Domini concutientis desertum, et commovebit Dominus desertum Cades'. C'est la voix de saint Jean-Baptiste qui, non content de menacer les pécheurs « de la colère qui doit venir, » à ventura irà, sachant que ce qui est éloigné ne les touche pas, leur montre dans les paroles de mon texte la main de Dieu déjà appuyée sur eux et leur dénonce de près sa vengeance toute présente Jam enim securis ad radicem arborum posita est. Mais, mes frères, comme cette voix du grand précurseur retentira (a) en vain au dehors, si le Saint-Esprit ne parle au dedans, prions la divine Vierge qu'elle nous obtienne la grace d'être émus de la parole de Jean-Baptiste, comme Jean-Baptiste lui-même fut ému dans les entrailles de sa mère par la parole de cette Vierge, lorsqu'elle alla visiter sainte Elisabeth, et lui communiqua dans cette visite (b) une partie de la grace qu'elle avoit reçue avec plénitude par les paroles de l'ange que nous allons réciter : Ave.

Faisons paroître à la Cour le prédicateur du désert; produisons aujourd'hui un saint Jean-Baptiste avec toute son austérité. La Cour n'est pas inconnue à cet illustre solitaire ; et s'il n'a pas dédaigné de prêcher autrefois dans la Cour d'Hérode, il prêchera bien plus volontiers dans une Cour chrétienne et religieuse, qui a besoin toutefois et de ses exhortations et de son autorité pour être touchée. Paroissez donc, divin précurseur, parlez avec cette vigueur plus que prophétique, et faites trembler les pécheurs superbes sous cette terrible cognée qui porte déjà son coup, non aux branches et aux rameaux, mais au tronc et à la racine de l'arbre, c'est-à-dire à la source même de la vie : Jam enim securis ad radicem arborum posita est.

Pour entendre exactement les paroles de ce grand prophète, remarquons, s'il vous plaît, Messieurs, qu'il ne nous représente pas seulement ni une main armée contre nous, ni un bras levé pour nous frapper; le coup, comme vous voyez, a déjà porté, puisqu'il dit que la cognée est à la racine. Mais encore que le tranchant soit déjà entré bien avant, saint Jean toutefois nous

1 Psal. XXVIII, 8.

(a) Var.: Résonnera, — (6) Et lui porta par cette visite.

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