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la multitude des chrétiens: » Nunc enim pauciores hostes habetis præ multitudine christianorum 1. Réciproquement il enseigne aux princes que le glaive leur est donné contre les méchans, que leur main (a) doit être pesante seulement pour eux, et que leur autorité doit être le soulagement du fardeau des autres (b).

Le voilà, Messieurs, ce tableau que je vous ai promis; la voilà représentée au naturel et comme en raccourci, cette immortelle beauté de la morale chrétienne. C'est une beauté sévère, je l'avoue; je ne m'en étonne pas, c'est qu'elle est chaste. Elle est exacte; il le faut, car elle est religieuse. Mais au fond quelle plus sainte morale! quelle plus belle économique! quelle politique plus juste! Celui-là est ennemi du genre humain qui contredit de si saintes lois. Aussi qui les contredit, si ce n'est des hommes passionnés, qui aiment mieux corrompre la loi que de rectifier leur conscience; et, comme dit Salvien, « qui aiment mieux déclamer contre le précepte que de faire la guerre au vice? » Mavult quilibet improbus execrari legem, quàm emendare mentem, mavult præcepta odisse quàm vitia 2.

Pour moi, je me donne de tout mon cœur à ces saintes institutions. Les mœurs seules me feroient recevoir la foi. Je crois en tout à celui qui m'a si bien enseigné à vivre. La foi me prouve les mœurs; les mœurs me prouvent la foi. Les vérités de la foi et la doctrine des mœurs sont choses tellement connexes et si saintement alliées, qu'il n'y a pas moyen de les séparer. (c) Jésus-Christ. a fondé les mœurs sur la foi; et après qu'il a si noblement élevé (d) cet admirable édifice, serai-je assez téméraire pour dire à un si sage architecte qu'il a mal posé les fondemens? Au contraire ne jugerai-je pas par la beauté manifeste de ce qu'il me montre, que la même sagesse a disposé ce qu'il me cache?

Et vous, que direz-vous, ô pécheurs? En quoi êtes-vous blessés, et quelle partie voulez-vous retrancher de cette morale? Vous avez de grandes difficultés : est-ce la raison qui les dicte, ou la passion qui les suggère? Hé! j'entends bien vos pensées; hé! je

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2 Salv., lib. IV Advers. Avar., p. 312.

(b) Et qu'ils doivent autant qu'ils peuvent soulager le far(c) Note marg. Exemple. (d) Var. : Si bien élevé.

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vois de quel côté tourne votre cœur. Vous demandez la liberté. Hé! n'achevez pas (a), je vous entends trop. Cette liberté que vous demandez, c'est une captivité misérable de votre cœur. Souffrez qu'on vous affranchisse et qu'on rende votre cœur à un Dieu à qui il est, et qui le redemande avec tant d'instance. Il n'est pas juste, mon frère, que l'on entame la loi en faveur de vos passions, mais plutôt qu'on retranche de vos passions ce qui est contraire à la loi. Car autrement que seroit-ce? Chacun déchireroit le précepte: Lacerata est lex 1. Il n'y a point d'homme si corrompu à qui quelque péché ne déplaise (b). Celui-là est naturellement libéral; tonnez, fulminez tant qu'il vous plaira contre les rapines, il applaudira à votre doctrine. Mais il est fier et ambitieux; il lui faut laisser venger cette injure et envelopper ses ennemis ou ses concurrens dans cette intrigue dangereuse. Ainsi toute la loi sera mutilée; et nous verrons, comme disoit le grand saint Hilaire dans un autre sujet, «une aussi grande variété dans la doctrine que nous en voyons dans les mœurs, et autant de sortes de foi qu'il y a d'inclinations différentes : » Tot nunc fides existere quot voluntates, et tot nobis doctrinas esse quot mores 2.

Laissez-vous donc conduire à ces lois si saintes, et faites-en votre règle. Et ne me dites pas qu'elle est trop parfaite et qu'on ne peut y atteindre. C'est ce que disent les lâches et les paresseux. Ils trouvent obstacle à tout, tout leur paroît impossible; et lorsqu'il n'y a rien à craindre, ils se donnent à eux-mêmes de vaines frayeurs et des terreurs imaginaires. Dicit piger: Leo est in viâ et leæna in itineribus. Dicit piyer: Leo est foris, in medio platearum occidendus sum : « Le paresseux dit: Je ne puis partir, il y a un lion sur ma route; la lionne me dévorera sur les grands chemins. » II trouve toujours des difficultés, et il ne s'efforce jamais d'en vaincre aucune. En effet vous qui nous objectez que la loi de l'Evangile est trop parfaite et surpasse les forces humaines, avez-vous jamais essayé de la pratiquer? Contez-nous done vos efforts, montrez-nous les démarches que vous avez faites. Avant que de vous 1 Habac., 1, 4.-S. Hilar., lib. II Ad Constant., n. 4. 3 Prov., XXVI, 13. Ibid., XXII, 13.

(a) Var. Ne parlez pas davantage.

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(b) Il n'y a pas d'homme assez corrompu qu'il n'y ait quelque péché qui ne lui déplaise.

plaindre de votre impuissance, que ne commencez-vous quelque chose? Le second pas, direz-vous, vous est impossible; oui, si vous ne faites jamais le premier. Commencez donc à marcher, et avancez par degrés. Vous verrez les choses se faciliter, et le chemin s'aplanir manifestement devant vous. Mais qu'avant que d'avoir tenté, vous nous disiez tout impossible; que vous soyez fatigué et harassé du chemin sans vous être remué de votre place, et accablé d'un travail que vous n'avez pas encore entrepris, c'est une lâcheté non-seulement ridicule, mais insupportable. Au reste comment peut-on dire que Jésus-Christ nous ait chargés par-dessus nos forces, lui qui a eu tant d'égards à notre foiblesse, qui nous offre tant de secours, qui nous laisse (a) tant de ressources; qui non content de nous retenir sur le penchant par le précepte, nous tend encore la main dans le précipice par la rémission des péchés qu'il nous présente?

TROISIÈME POINT.

Je vous confesse, Messieurs, que mon inquiétude est extrême dans cette troisième partie, non que j'aie peine à prouver ce que j'ai promis au commencement, c'est-à-dire l'infinité de la bonté du Sauveur. Car quelle éloquence assez sèche et assez stérile pourroit manquer de paroles? Qu'y a-t-il de plus facile, et qu'y a-t-il, si je. puis parler de la sorte, de plus infini et de plus immense que cette divine bonté, qui non-seulement reçoit ceux qui la recherchent et se donne tout entière à ceux qui l'embrassent, mais encore rappelle ceux qui s'éloignent et ouvre toujours des voies de retour à ceux qui la quittent? Mais les hommes le savent assez, ils ne le savent que trop pour leur malheur. Il ne faudroit pas publier si hautement une vérité de laquelle tant de monde abuse. Il faudroit le dire tout bas aux pécheurs affligés de leurs crimes, aux consciences abattues et désespérées. Il faudroit démêler dans la multitude quelque ame désolée, et lui dire à l'oreille et en secret: «Ah! Dieu pardonne sans fin et sans bornes: » Misericordiæ ejus non est numerus 1. Mais c'est lâcher la bride à la licence, que de mettre devant les 1 Orat. Miss. pro gratiar. act.

(a) Var. Donne.

yeux des pécheurs superbes cette bonté qui n'a point de bornes; et c'est multiplier les crimes, que de prêcher ces miséricordes qui sont innombrables: Misericordiæ ejus non est numerus.

Et toutefois, chrétiens, il n'est pas juste que la dureté et l'ingratitude des hommes ravissent à la bonté du Sauveur les louanges qui lui sont dues. Elevons donc notre voix, et prononçons hautement que sa miséricorde est immense. L'homme devoit mourir dans son crime; Jésus-Christ est mort en sa place. Il est écrit du pécheur que son sang doit être sur lui; mais le sang de JésusChrist et le couvre et le protége. O homme, ne cherchez plus l'expiation de vos crimes dans le sang des animaux égorgés. Dussiezvous dépeupler tous vos troupeaux par vos hécatombes, la vie des bêtes ne peut point payer pour la vie des hommes. Voici JésusChrist qui s'offre, homme pour les hommes, homme innocent pour les coupables, Homme-Dieu pour des hommes purs et pour de simples mortels. Vous voyez donc, chrétiens, non-seulement l'égalité dans le prix, mais encore la surabondance. Ce qui est offert est infini; et afin que celui qui offre fût de même dignité, lui-même qui est la victime, il a voulu aussi être le pontife. Pécheurs, ne perdez. jamais l'espérance. Jésus-Christ est mort une fois, mais le fruit de sa mort est éternel; Jésus-Christ est mort une fois, mais «< il est .toujours vivant afin d'intercéder pour nous, » comme dit le divin Apôtre 1.

Il y a donc pour nous dans le ciel une miséricorde infinie; mais pour nous être appliquée en terre, elle est toute communiquée à la sainte Eglise dans le sacrement de pénitence. Car écoutez les paroles de l'institution : «Tout ce que vous remettrez sera remis, tout ce que vous délierez sera délié 2. » Vous y voyez une bonté qui n'a point de bornes. C'est en quoi elle diffère d'avec le baptême. « Il n'y a qu'un baptême, » dit le saint Apôtre, et il ne se répète plus. (a) Les portes de la pénitence sont toujours ouvertes. Venez dix fois, venez cent fois : venez mille fois, la puissance de l'Eglise n'est point épuisée. Cette parole sera toujours véritable : Tout ce que vous pardonnerez sera pardonné 3. Je ne vois ici ni terme prescrit,

1 Hebr., VII, 25.

2 Matth., XVI, 19.

3 Joan., XX, 23.

(a) Note marg. Unus Dominus, una fides, unum baptisma (Eph. IV, 5).

ni nombre arrêté, ni mesure déterminée. Il y faut donc reconnoître une bonté infinie (a). La fontaine du saint baptême est appelée dans les Ecritures, selon une interprétation, «une fontaine scellée,» fons signatus '. Vous vous y lavez une fois; on la referme, on la scelle; il n'y a plus de retour pour vous. Mais nous avons dans l'Eglise une autre fontaine, de laquelle il est écrit dans le prophète Zacharie: «En ce jour, au jour du Sauveur, en ce jour où la bonté paroîtra au monde, il y aura une fontaine ouverte à la maison de David et aux habitans de Jérusalem pour la purification du pécheur: » In die illà erit fons patens domui David et habitantibus Jerusalem in ablutionem peccatoris. Ce n'est point une fontaine scellée qui ne s'ouvre qu'avec réserve, qui n'est point permise à tous, parce qu'elle exclut à jamais ceux qu'elle a une fois reçus: fons signatus. Celle-ci est une fontaine non-seulement publique, mais toujours ouverte, erit fons patens; et ouverte indifféremment à tous les habitans de Jérusalem, à tous les enfans de l'Eglise. Elle reçoit toujours les pécheurs; à toute heure et à tous momens les lépreux peuvent venir se laver dans cette fontaine du Sauveur, toujours bienfaisante et toujours ouverte.

Mais c'est ici, chrétiens, notre grande infidélité; c'est ici que l'indulgence multiplie les crimes, et que la source des miséricordes devient une source infinie de profanations sacriléges. Que diraije ici, chrétiens, et avec quels termes assez puissans déplorerai-je tant de sacriléges qui infectent les eaux de la pénitence? « Eau du baptême, que tu es heureuse, disoit autrefois Tertullien ; que tu es heureuse, eau mystique, qui ne laves qu'une fois! » Felix aqua quæ semel abluit; « qui ne sers point de jouet aux pécheurs ! » Felix aqua quæ semel abluit, quæ ludibrio peccatoribus non est 3 ! C'est le bain de la pénitence toujours ouvert aux pécheurs, toujours prêt à recevoir ceux qui retournent; c'est ce bain de miséricorde qui est exposé au mépris par sa facilité bienfaisante, dont les eaux servent contre leur nature à souiller les hommes : quos abluit inquinat, parce que la facilité de se laver fait qu'ils ne craignent point de salir leur conscience (b). Qui ne se plaindroit,

1 Cant., Iv, 12. — 2 Zach., XIII, 1. — 3 De Bapt., n. 15.

3

(a) Var: Et c'est pourquoi nous y comprenons une bonté infinie.—(6) Leur au e. 13

TOM. VIII.

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