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mettent une partie de leur grandeur dans leur licence effrénée. Il me souvient en ce lieu de ce beau mot de Tacite, qui, parlant des excès de Domitien après que son père fut parvenu à l'empire, dit que « sans se mêler d'affaires publiques, il commença seulement à faire le fils du prince par ses adultères et par ses débauches: » Nihil quidquam publici muneris attigerat, sed stupris et adulteriis filium principis agebat1.

Ainsi nous les voyons ces emportés qui se plaisent à faire les grands par leur licence, qui s'imaginent s'élever bien haut audessus des choses humaines par le mépris des lois, à qui la pudeur même semble une foiblesse indigne d'eux, parce qu'elle montre dans sa retenue quelque apparence de crainte; si bien qu'ils ne font pas seulement un sensible outrage, mais une insulte publique à l'Eglise, à l'Evangile, à la conscience des hommes. De tels pécheurs scandaleux corrompent les bonnes mœurs par leurs pernicieux exemples. Ils déshonorent la terre et chargent de reproches, si je l'ose dire, la patience du ciel qui les souffre trop longtemps. Mais Dieu saura bien se justifier d'une manière terrible, et peut-être dès cette vie par un châtiment exemplaire. Que si Dieu durant cette vie les attend à pénitence; si, manque d'écouter sa voix, ils se rendent dignes qu'il les réserve à son dernier jugement, ils y boiront non-seulement le breuvage de honte éternelle qui est préparé à tous les pécheurs, mais encore « ils avaleront, dit Ezéchiel, la coupe large et profonde de dérision et de moquerie, et ils seront accablés par les insultes sanglantes de toutes les créatures » Calicem sororis tuæ bibes profundum et latum; eris in derisum et in subsannationem, quæ est capacissima. Tel sera le juste supplice de leur impudence.

Prévenons, Messieurs, cette honte qui ne s'effacera jamais. Car ne nous persuadons pas que nous recevrons seulement à ce tribunal une confusion passagère; au contraire nous devons entendre, dit saint Grégoire de Nazianze, que par la vérité immuable de ce dernier jugement, Dieu imprimera sur nos fronts « une marque éternelle d'ignominie, » notam ignominiæ sempiternam3. Et, ajoute saint Jean Chrysostome, cette honte sera plus terrible 1 Tacit., Hist., lib. IV.. 2 Ezech., XXIII, 32. - 3 Orat. XV, tom. I, pag. 230. 9

TOM. VIII.

que tous les autres supplices. Car c'est par elle, mes frères, que le pécheur, chargé de ses crimes et poursuivi sans relâche par sa conscience, ne pourra se souffrir soi-même; et il cherchera le néant, et il ne lui sera pas donné. O mes frères, que la teinture de cette honte, si je puis parler de la sorte, sera inhérente alors! O qu'il nous est aisé maintenant de nous en laver pour jamais! Allons rougir, mes frères, dans le tribunal de la pénitence. Hé! ne désirons pas qu'on y plaigne toujours notre foiblesse. Qu'on la blâme, qu'on la reprenne, qu'on la réprime, qu'on la châtie.

Le temps est court, dit l'Apôtre ', et l'heure n'est pas éloignée. Je ne dis pas celle du grand jugement, car le Père s'est réservé ce secret; mais je dis l'heure de la mort, en laquelle sera fixé notre état. En tel état que nous serons morts, en cet état immuable nous serons représentés au grand jour de Dieu. O quel renversement en ce jour! 0 combien descendront des hautes places! 0 combien chercheront leurs anciens titres, regretteront vainement leur grandeur perdue! O quelle peine de s'accoutumer à cette bassesse! Fasse le Dieu que j'adore que tant de grands qui m'écoutent, ne perdent pas leur rang en ce jour! Que cet auguste Monarque ne voie jamais tomber sa couronne; qu'il soit auprès de saint Louis qui lui tend les bras et qui lui montre sa place. O Dieu! que cette place ne soit point vacante! Que celui-là soit haï de Dieu et des hommes qui ne souhaite pas sa gloire même sur la terre, et qui ne

veut pas la procurer de toutes ses forces par ses fidèles services.

Dieu sait sur ce sujet les vœux de mon cœur. Mais, Sire, je trahis votre Majesté et je lui suis infidèle, si je borne mes souhaits pour vous dans cette vie périssable. Vivez donc heureux, fortuné, victorieux de vos ennemis, père de vos peuples. Mais vivez toujours bon et toujours juste; vivez toujours humble et toujours pieux, toujours prêt à rendre compte à Dieu de cette noble partie du genre humain qu'il vous a commise. C'est par là que nous vous verrons toujours roi, toujours auguste, toujours couronné, et dans la terre et au ciel; et c'est la félicité que je souhaite à votre Majesté, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen. I Cor., VII, 29.

EXORDE D'UN SERMON

POUR

LE PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT.

Tunc videbunt Filium hominis venientem in nube, cum potestate magna et majestate.

Alors ils verront le Fils de l'homme venir sur une nuée, avec une grande puissance et une grande gloire. Luc, xx1, 27.

Il y a cette différence, parmi beaucoup d'autres, entre la gloire de Jésus-Christ et celle des grands du monde, que la bassesse étant en ceux-ci du fond même de la nature et la gloire accidentelle et comme empruntée, leur élévation est suivie d'une chute inévitable et qui n'a point de retour; au lieu qu'en la personne du Fils de Dieu, comme la grandeur est essentielle et la bassesse empruntée, ses chutes, qui sont volontaires, sont suivies d'un état de gloire certain et d'une élévation toujours permanente. Ecoutez comme parle l'Histoire sainte de ce grand roi de Macédoine dont le nom même semble respirer les victoires et les triomphes. En ce temps Alexandre, fils de Philippe, défit des armées presque invincibles, prit des forteresses imprenables, triompha des rois, subjugua les peuples, et toute la terre se tut devant sa face, saisie d'étonnement et de frayeur 1. Que ce commencement est superbe, auguste! mais voyez la conclusion. Et après cela, poursuit le texte de l'historien sacré, il tomba malade, et se sentit défaillir, et il vit sa mort assurée, et il partagea ses Etats que la mort lui alloit ravir, et ayant régné douze ans il mourut. C'est à quoi aboutit toute cette gloire; là se termine l'histoire du grand Alexandre. L'histoire de JésusChrist ne commence pas à la vérité d'une manière si pompeuse; mais elle ne finit pas aussi par cette nécessaire décadence. Il est vrai qu'il y a des chutes. Il est comme tombé du sein de son Père dans celui d'une femme mortelle, de là dans une étable, et de là encore par divers degrés de bassesse jusqu'à l'infamie de la croix, jusqu'à l'obscurité du tombeau. J'avoue qu'on ne pouvoit pas tem1 I Machab., 1, 1-8.

ber plus bas; aussi n'est-ce pas là le terme où il aboutit, mais celui d'où il commence à se relever. Il ressuscite, il monte aux cieux, il y entre en possession de sa gloire; et afin que cette gloire qu'il y possède soit déclarée à tout l'univers, il en viendra un jour en grande puissance juger les vivans et les morts.

C'est cette suite mystérieuse des bassesses et des grandeurs de Jésus-Christ que l'Eglise a dessein de nous faire aujourd'hui remarquer, lorsque dans ce temps consacré à sa première venue dans l'infirmité de notre chair, elle nous fait lire d'abord l'Evangile de sa gloire et de son avénement magnifique, afin que nous contemplions ces deux états dissemblables dans lesquels il lui a plu de paroître au monde, premièrement le jouet, et ensuite la terreur de ses ennemis; là jugé comme un criminel, ici juge souverain de ses juges mêmes. Suivons, Messieurs, les intentions de l'Eglise; avant que de contempler combien Jésus-Christ est venu foible, considérons aujourd'hui combien il apparoîtra redoutable; et prions la divine Vierge, dans laquelle il s'est revêtu miséricordieusement de notre foiblesse, de vouloir nous manifester le mystère de sa grandeur, en lui disant avec l'ange: Ave.

TROISIÈME SERMON

POUR

LE PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT (a).

Justus es, Domine, et rectum judicium tuum.

Seigneur, vous êtes juste, et votre jugement est droit. Psal. cxviii, 137.

La crainte précède l'amour, et Dieu fait marcher devant sa face son esprit de terreur avant que de répandre dans les cœurs l'esprit (a) Prêché dans l'Avent de 1668, à Saint-Thomas du Louvre. Bossuet a prêché trois Avents: deux devant la Cour dans les années 1665 et 1669; un à Saint-Thomas du Louvre, en 1668.

Or le sermon qu'on va lire a été prêché dans l'Avent, et rien n'annonce qu'il

de charité et de grace. Il faut que l'homme apprenne à trembler sous sa main suprême et à craindre ses jugemens avant que d'être porté à la confiance; autrement cette confiance pourroit dégénérer en témérité et se tourner en une audace insensée.

Le Sauveur paroîtra bientôt plein de vérité et de grace. Il vient apporter la paix, il vient exciter l'amour, il vient établir la confiance. Mais l'Eglise qui est occupée durant ce temps de l'Avent à lui préparer ses voies, fait marcher la crainte devant sa face, parce que toujours instruite par le Saint-Esprit et très-savante en ses voies, elle sait qu'il veut ébranler les ames avant que de les rassurer, et donner de la terreur avant que d'inspirer l'amour.

Entrons, chrétiens, dans ses conduites; regardons Jésus-Christ comme juge avant que de le regarder comme Sauveur. Voyons-le descendre dans les nuées du ciel avec cette majesté redoutable, avant que de contempler cette douceur, ces condescendances, ces tendresses infinies pour le genre humain, qui nous paroîtront bientôt dans sa sainte et bienheureuse naissance.

Que si vous pensez peut-être que le jugement a deux parties et que si les méchans y sont condamnés au feu éternel, les bons aussi y sont recueillis dans un éternel repos, écoutez ce que dit JésusChrist lui-même : « Celui qui croit, dit-il, ne sera point jugé 1. » Il ne dit pas qu'il ne sera point condamné, mais qu'il ne sera point jugé, afin que nous entendions que ce qu'il veut nous faire comprendre principalement dans le jugement dernier (a), c'est sa rigueur implacable et cette terrible exécution de la dernière sentence qui sera prononcée contre les rebelles.

Qui me donnera, chrétiens, des paroles assez efficaces pour pénétrer votre cœur et percer vos chairs de la crainte de ce jugement? O Seigneur, parlez vous-même dans cette chaire : vous seul avez

1 Joan., III, 18.

l'ait été devant la Cour; il faut donc en fixer l'époque à l'Avent de 1668, prêché à Saint-Thomas du Louvre.

On trouve un autre indice de cette date, non-seulement dans l'écriture du manuscrit, mais dans les esquisses abrégées qui terminent les trois points du discours. Car vers 1669, Bossuet, sûr de lui-même et maître de l'expression, n'avoit plus besoin que de quelques traits rapides pour achever ses tableaux du haut de la chaire.

(a) Var.: Universel.

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