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cache sa tête, il recèle profondément ses desseins, il enveloppe son corps, c'est-à-dire toute la suite de son intrigue dans le tissu artificieux d'une histoire faite à plaisir. Ce que vous pensiez avoir vu si distinctement n'est plus qu'une masse informe et confuse, où il ne paroît ni commencement ni fin; et cette vérité si bien démêlée est tout à coup disparue : Qui totum jam deprehendendo viderat, tergiversatione prava defensionis illusus, totum pariter ignorat'. Cet homme que vous croyiez si bien convaincu étant ainsi retranché et enveloppé en lui-même, ne vous présente plus que des piquans; il s'arme à son tour contre vous, et vous ne pouvez plus le toucher sans que votre main soit ensanglantée, je veux dire sans que votre honneur soit blessé par mille sanglans reproches contre votre injurieuse crédulité et contre vos soupçons téméraires.

C'est ainsi que font les pécheurs : ils se cachent, s'ils peuvent, comme fit Adam; et s'ils ne peuvent pas se cacher non plus que lui, ils ne laissent pas toutefois de s'excuser à son exemple. Adam, le premier de tous les pécheurs, aussitôt après son péché s'enfonce dans le plus épais de la forêt, et voudroit pouvoir cacher et lui et son crime. Quand il se voit découvert, il a recours aux excuses. Ses enfans malheureux héritiers de son crime, le sont aussi de ses vains prétextes. Ils disent tout ce qu'ils peuvent; et quand ils ne peuvent rien dire, ils rejettent toute leur faute sur la fragilité de la nature, sur la violence de la passion, sur la tyrannie de l'habitude. Ainsi on n'a plus besoin de se tourmenter à chercher des excuses, le péché s'en sert à lui-même et prétend se justifier par son propre excès. Mais quand aurai-je achevé, si je me laisse engager à ce détail infini des excuses particulières? Il suffit de dire en général : Tous s'excusent, tous se défendent; ils le font en partie par crainte, en partie aussi par orgueil et en partie par artifice. Ils se trompent quelquefois eux-mêmes, et ils tâchent après de tromper les autres. Quelquefois convaincus en leur conscience de l'injustice de leurs actions, ils veulent seulement amuser le monde par des raisons colorées; puis se laissant emporter eux-mêmes à leurs belles inventions, en les débitant ils se les impriment dans l'esprit, et adorent le vain fantôme qu'ils ont supposé pour trom1 S. Greg. Magn., Pastor., ubi suprà.

per le monde, en la place de la vérité; tant l'homme se joue soimême et sa propre conscience: Adeo nostram quoque conscientiam ludimus, dit le grave Tertullien'.

Dieu est lumière, Dieu est vérité, Dieu est justice. Sous l'empire de Dieu, ce ne sera jamais par de faux prétextes, mais par une humble reconnoissance de ses péchés, qu'on évitera la honte éternelle qui en est le juste salaire. Tout sera manifesté devant le tribunal de Jésus-Christ. Une lumière très-claire de justice et de vérité sortira du trône, dans laquelle les pécheurs verront qu'il n'y a point d'excuse valable pour colorer leur rébellion, mais que le comble du crime, c'est l'audace de l'excuser et la présomption de le défendre.

Car il faut, Messieurs, remarquer ici une doctrine importante: c'est qu'au lieu que dans cette vie notre raison vacillante se met souvent du parti de notre cœur dépravé, dans les malheureux réprouvés il y aura une éternelle contrariété entre leur esprit et leur cœur. L'amour de la vérité et de la justice sera éteint pour jamais dans la volonté de ces misérables, et toutefois à leur honte toujours la connoissance en sera très-claire dans leur esprit. C'est ce qui fait dire à Tertullien cette parole mémorable dans le livre du Témoignage de l'ame: Meritò omnis anima et rea et testis est 2 : « Toute ame pécheresse, dit ce grand homme, est tout ensemble et la criminelle et le témoin : » criminelle par la corruption de sa volonté, témoin par la lumière de sa raison; criminelle par la haine de la justice, témoin par la connoissance certaine de ses lois sacrées; criminelle parce qu'elle est toujours obstinée au mal, témoin parce qu'elle condamne toujours son obstination. Effroyable contrariété et supplice insupportable! C'est donc cette connoissance de la vérité qui sera la source immortelle d'une confusion infinie. C'est ce qui fait dire au prophète : Alii evigilabunt in opprobrium ut videant semper 3: « Plusieurs s'éveilleront à leur honte pour voir toujours. » Ceux qui s'étoient appuyés sur des conseils accommodans et sur des condescendances flatteuses, qui pensoient avoir échappé à la honte et s'étoient endormis dans leurs péchés à l'abri de leurs excuses vainement plausibles, « s'éveilleront tout à coup 1 Ad Nat., lib. I, n. 16.- De Testim, anim., sub fin., n. 6.-3 Daniel., XII, 2.

à leur honte pour voir toujours, » evigilabunt ut videant semper. Et qu'est-ce qu'ils verront toujours? Cette vérité qui les confond, cette vérité qui les juge. Alors ils rougiront doublement et de leurs crimes et de leurs excuses. La force de la vérité manifeste renversera leurs foibles défenses; et leur ôtant à jamais tous les vains prétextes dont ils avoient pensé pallier leurs crimes, elle ne leur laissera que leur péché et leur honte. Dieu s'en glorifie en ces mots par la bouche de Jérémie : Discooperui Esau; j'ai dépouillé le pécheur, j'ai dissipé les fausses couleurs par lesquelles il avoit voulu pallier ses crimes, j'ai manifesté ses mauvais desseins si subtilement déguisés, et il ne peut plus se couvrir par aucun prétexte Discooperui Esau, revelavi abscondita ejus, et celari non poterit 1.

Mais réveillez vos attentions pour entendre ce qui servira davantage à la conviction et à la confusion des impies: les justes qu'on leur produira, les gens de bien qui leur seront confrontés. C'est ici que ces péchés trop communs, hélas! trop aisément commis, trop promptement excusés; péchés qui précipitent tant d'ames et qui causent dans le genre humain des ruines si épouvantables; péchés qu'on se pardonne toujours si facilement, et qu'on croit avoir assez excusés quand on les appelle péchés de fragilité; ah! ces péchés désormais ne trouveront plus aucune défense. Car il y aura le troupeau d'élite, petit à la vérité à comparaison des impies, grand néanmoins et nombreux en soi, dans lequel il paroîtra des ames fidèles, qui dans la même chair et dans les mêmes tentations ont néanmoins conservé sanst ache, ceux-là la fleur sacrée de la pureté, et ceux-ci l'honnêteté du lit nuptial. D'autres aussi vous seront produits. Ceux-là sont à la vérité tombés par foiblesse; mais s'étant aussi relevés, ils porteront contre vous ce témoignage fidèle, que malgré la fragilité ils ont toujours triomphé autant de fois qu'ils ont voulu combattre; et, comme dit Julien Pomère, « ils montreront par ce qu'ils ont fait ce que vous pouviez faire à leur exemple aussi bien qu'eux : » Cum fragilitate carnis in carne viventes, fragilitatem carnis in carne vincentes, quod fecerunt utique fieri posse docuerunt 2.

1 Jerem., XLIX, 10. 2 De Vits contempl., lib. III, cap. XII.

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Pensez ici, chrétiens, ce que vous pourrez répondre; pensez-y pendant qu'il est temps et que la pensée en peut être utile. N'alléguez plus vos foiblesses, ne mettez plus votre appui en votre fragilité. La nature étoit foible; la grace étoit forte. Vous aviez une chair qui convoitoit contre l'esprit; vous aviez un esprit qui convoitoit contre la chair. Vous aviez des maladies; vous aviez aussi des remèdes dans les sacremens. Vous aviez un tentateur; mais vous aviez un Sauveur. Les tentations étoient fréquentes; les inspirations ne l'étoient pas moins. Les objets étoient toujours présens; et la grace étoit toujours prête; et vous pouviez du moins fuir ce que vous ne pouviez pas vaincre. Enfin de quelque côté que vous vous tourniez, il ne vous reste plus aucune défaite, aucun subterfuge, ni aucun moyen d'évader; vous êtes pris et convaincu. C'est pourquoi le prophète Jérémie dit que les pécheurs seront en ce jour comme ceux qui sont surpris en flagrant délit : Quomodo confunditur fur, quando deprehenditur. Il ne peut pas nier le fait, il ne peut pas l'excuser; il ne peut ni se défendre par la raison, ni s'échapper par la fuite. « Ainsi, dit le saint Prophète, seront étonnés, confus, interdits les ingrats enfans d'Israël; » sic confusi sunt domus Israel. Nul n'échappera cette honte. Car écoutez le Prophète : Tous, dit-il, seront confus, « eux et leurs rois et leurs princes, et leurs prêtres et leurs prophètes: » ipsi et reges eorum, principes et sacerdotes et prophetæ eorum 2. Leurs rois, car ils trouveront un plus grand roi et une plus haute majesté; leurs princes, car ils perdront leur rang dans cette assemblée et ils seront pêle mêle avec le peuple; leurs prêtres, car leur sacré caractère et leur sainte onction les condamnera; leurs prophètes, leurs prédicateurs, ceux qui leur ont porté les divins oracles, car la parole qu'ils ont annoncée sera en témoignage contre eux. « L'homme paroîtra, dit Tertullien, devant le trône de Dieu n'ayant rien à dire: » Et stabit ante aulas Dei nihil habens dicere 3. Nous resterons interdits et si puissamment convaincus, que même nous n'aurons pas cette misérable consolation de pouvoir nous plaindre; Sic confusi erunt domus Israel, ipsi et reges, etc.

Mais, Messieurs, quand j'appellerois à mon secours les expres1 Jerem., 11, 26. — Ibid. — 3 De Testim. anim., n. 6.

sions les plus fortes et les figures les plus violentes de la rhétorique, je ne puis assez expliquer quelle sera la confusion de ceux dont les crimes scandaleux ont déshonoré le ciel et la terre.

Vous voyez que je suis entré dans ma troisième partie, que je veux conclure en peu de paroles, mais par des raisons convaincantes. Pour en poser les fondemens, je remarquerai, Messieurs, que cette honte que Dieu réserve aux pécheurs en son jugement, a plusieurs degrés et nous est différemment exprimée dans son Ecriture. Elle nous dit très-souvent, et nous en avons déjà cité les passages, qu'il confondra ses ennemis, qu'il les couvrira d'ignominie. C'est ce qui sera commun à tous les pécheurs. Mais nous lisons aussi dans les saints prophètes que Dieu et ses serviteurs se riront d'eux, qu'il leur insultera par des reproches mêlés de dérision et de raillerie, et que non content de les découvrir et de les convaincre, comme nous avons déjà dit, il les immolera à la risée de tout l'univers.

Je pense pour moi, Messieurs, que cette dérision est le propre et véritable partage des pécheurs publics et scandaleux. Tous les pécheurs transgressent la loi, tous aussi méritent d'être confondus; mais tous n'insultent pas publiquement à la sainteté de la loi. Ceux-là s'en moquent, ceux-là lui insultent, qui font trophée de leurs crimes et les font éclater sans crainte à la face du ciel et de la terre. A ces pécheurs insolens, s'ils ne s'humilient bientôt par la pénitence, est réservée dans le jugement cette dérision, cette moquerie terrible et cette juste et inévitable insulte d'un Dieu outragé. Car qu’y a-t-il de plus indigne? Nous les voyons tous les jours dans le monde, ces pécheurs superbes, qui avec la face et le front d'une femme débauchée, osent, je ne dis plus excuser, mais encore soutenir leurs crimes. Ils ne trouveroient pas assez d'agrément dans leur intempérance, s'ils ne s'en vantoient publiquement, «< s'ils ne la faisoient jouir, dit Tertullien, de toute la lumière du jour et de tout le témoignage du ciel: » Delicta vestra et loco omni et luce omni et universà cœli conscientià fruuntur. « Ils annoncent leurs péchés comme Sodome, » disoit un prophète Peccatum suum sicut Sodoma prædicaverunt ; et ils 1 Ad Nat., lib. I, n. 16. 2 Isa., III, 9.

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