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qui s éteint en nous; ce n'est pas cette santé fragile que nous perdons, mais Dieu nous livre à nos passions, qui sont nos maladies les plus dangereuses. Nous ne voyons plus, nous ne goûtons plus les vérités de la foi. Aveugles et endurcis, nous tombons dans un assoupissement et dans une insensibilité mortelle; et pendant que Dieu nous y abandonne par une juste punition, nous ne sentons pas sa main vengeresse, et nous croyons qu'il nous pardonne et qu'il nous épargne. (a) Que nous sert de vivre et de subsister aux yeux des hommes, si cependant nous sommes morts, perdus devant Dieu et devant ses anges? (b) Pour faire mourir un arbre, il n'est pas toujours nécessaire qu'on le déracine. Voyez ce grand chêne desséché qui ne pousse plus, qui ne fleurit plus, qui n'a plus de glands ni de feuilles; il a la mort dans le sein et dans la racine (c); il n'en est pas moins ferme sur son tronc, il n'en étend pas moins ses vastes rameaux. Chrétien dont le cœur est endurci, voilà ton image. Bois aride, Dieu n'a pas encore frappé ta racine et ne t'a pas précipité de ton haut pour te jeter dans le feu (d); mais il a retiré l'esprit de vie.

Craignez donc, pécheur endormi, craignez le dernier endurcissement. Eveillons-nous, il est temps. Pourquoi endurcissez-vous vos cœurs comme Pharaon? Eveillez-vous sans délai, puisque chaque délai aggrave vos peines. Car attendez-vous à vous éveiller que vous soyez retourné parmi vos plaisirs? Et quand faut-il que le chrétien veille, sinon quand Jésus-Christ parle ? Faites réflexion sur vous-même; pensez-vous être bien loin de cette mortelle léthargie, de cet endurcissement funeste dont vous êtes menacé si terriblement par tant d'oracles de l'Ecriture? Songez à vos premières chutes; votre cœur vous frappoit alors: Percussit eum cor David'. Vos remords étoient plus vifs et vos retours à Dieu plus fréquens. Vous périssiez, mais souvent vous versiez des larmes sur votre perte, et vos tristes funérailles étoient du moins honorées 1 II Reg., XXIV, 10.

(a) Note marg. Si quis furtum faciens statim oculum perdidisset, omnes dicerent Deum præsentem vindicasse oculum; cordis amisit, et ei pepercisse putatur Deus (S. August., in Psal. LVII, n. 18).— (b) Nomen habes quòd vivas, et mortuus es (Apoc., III, 1): « On vous appelle vivant; mais en effet vous êtes mort. » — (c) Var. Quoiqu'il ait la mort dans le sein et dans la racine, il n'en est pas moins ferme..... (d) Dans la flamme.

de quelque deuil. Maintenant vous paroissez confirmé dans votre crime; les saints avertissemens ne vous touchent plus, les sacremens vous sont inutiles. Craignez enfin, chrétiens, que Dieu ne vous livre au sens réprouvé, et que votre ame ne devienne un vaisseau cassé et rompu qui ne puisse plus contenir la grace. C'est de quoi sont menacés par le Saint-Esprit ceux qui profanent les sacremens par leurs rechutes et qui entretiennent leurs mauvais désirs par leur complaisance. « Je les briserai, dit le Seigneur, comme un pot de terre, et les réduirai tellement en poudre qu'il ne restera pas le moindre fragment sur lequel on puisse porter une étincelle de feu ou puiser une goutte d'eau. » (a) Etrange état de cette ame cassée et rompue! Elle s'approche du sacrement de pénitence et de ce fleuve de grace qui en découle; il ne lui en demeure pas une goutte d'eau. Elle écoute de saints discours qui seroient capables d'embraser les cœurs; elle n'en rapporte pas la moindre étincelle. C'est un vaisseau tout à fait brisé et rompu; et si elle ne fait un dernier effort pour rappeler l'esprit de la grace et pour exciter la foi endormie, elle périra sans ressource.

Ah! mes frères, j'espère de vous de meilleures choses, encore que je parle ainsi. Quoi! ma parole est-elle inutile? L'esprit de mon Dieu n'agit-il pas? Ne se remue-t-il pas quelque chose au fond de vos cœurs? Ah! s'il est ainsi, vous vivez, et votre santé n'est pas déplorée. Ne perdons pas ce moment de force: donnez des regrets, donnez des soupirs; ce sont les signes de vie que le céleste médecin vous demande. Après laissez agir sa main charitable. « Car pourquoi voulez-vous périr? Je ne veux point la mort de celui qui meurt; convertissez-vous et vivez, dit le Seigneur tout-puissant » Et quare moriemini, domus Israel? quia nolo mortem morientis, revertimini et vivite1.

Mais je n'ai rien fait, chrétiens, d'avoir peut-être un peu excité votre attention au soin de votre salut par la parole de Jésus-Christ et de l'Evangile, si je ne vous persuade de vous occuper souvent de cette pensée. Toutefois ce n'est pas l'ouvrage d'un homme mor1 Ezech., XVIII, 31, 32.

(a) Note marg.: Comminuetur sicut conteritur lagena figuli contritione pervalida: et non invenietur de fragmentis ejus testa in quâ portetur igniculus de incendio, aut hauriatur parùm aquæ de foved (Isai., XXX, 14).

tel, de mettre dans l'esprit des autres ces vérités importantes; c'est à Dieu de les y graver. Et comme je n'ai rien fait aujourd'hui que vous réciter ses saintes paroles, je produirai encore en finissant ce qu'il a prononcé de sa propre bouche dans le Deuteronome. « Ecoutez, Israël; le Seigneur votre Dieu est le seul Seigneur. Vous l'aimerez de tout votre cœur, de toute votre ame et de toute votre force. Mettez dans votre cœur mes paroles et les lois que je vous donne aujourd'hui; racontez-les à vos enfans et les méditez en vous-même, soit que vous soyez assis dans votre maison, soit que vous marchiez dans le chemin. (a) En vous couchant et en vous levant, qu'elles vous soient toujours présentes; que mes préceptes roulent sans cesse devant vos yeux, en sorte que vous ne les perdiez jamais de vue. » Telle est la loi inviolable des anciens que Dieu avoit donnée à nos pères. Pesez-en toutes les paroles. Elle leur commande d'avoir Dieu et ses saints commandemens dans le cœur, d'en parler souvent, afin d'en rafraîchir la mémoire; d'y avoir toujours un secret retour, de ne s'en éloigner point parmi les affaires; et néanmoins de prendre un temps pour y penser en repos et dans son cabinet avec une application particulière; de s'éveiller et de s'endormir dans cette pensée, afin que notre ennemi étant toujours attentif à nous surprendre, nous soyons toujours en garde contre ses embùches. Ne me dites pas que cette attention n'est d'usage que pour les cloîtres et pour la vie retirée. Ce précepte formel a été écrit pour tout le peuple de Dieu. Les juifs, tout charnels et grossiers qu'ils sont, reconnoissent encore aujourd'hui que cette obligation indispensable leur est imposée. Si nous prétendons, chrétiens, que ce précepte ait moins de force dans la loi de grace et que les chrétiens soient moins obligés à cette attention que les juifs, nous déshonorons le christianisme et faisons honte à JésusChrist et à l'Evangile. Le faux prophète des Arabes, dont le paradis est tout sensuel et dont toute la religion n'est que politique, n'a pas laissé de prescrire à ses malheureux sectateurs d'adorer cinq fois le jour, et vous voyez combien ils sont ponctuels à cette observance. Les chrétiens se croiroient-ils dispensés de penser à

(a) Note marg. Sedens in domo tud et ambulans in itinere, dormiens atque consurgens..... Movebuntur ante oculos tuos (Deut., VI, 4 et seq.).

Dieu, parce qu'on ne leur a point marqué d'heures précises? C'est qu'ils doivent veiller et prier toujours (a). Ne pensez pas que cette pratique vous soit impossible: le passage que j'ai récité vous en donne un infaillible moyen. Si Dieu ordonne aux Israélites de s'occuper perpétuellement de ses saints préceptes, il leur ordonne auparavant de l'aimer et de prendre à cœur son service. Aimez, dit-il, le Seigneur, et mettez en votre cœur ses saintes paroles. Tout ce que nous avons à cœur nous revient assez de soi-même, sans forcer notre attention, sans tourmenter notre esprit et notre mémoire. Demandez à une mère s'il faut la faire souvenir de son fils unique (b). Faut-il vous avertir de songer à votre fortune et à vos affaires? Lorsqu'il semble que votre esprit soit ailleurs, n'êtesvous pas toujours vigilans et toujours trop vifs et secrètement attentifs sur cette matière, sur laquelle le moindre mot vous éveille? Si vous pouviez prendre à cœur votre salut éternel et vous faire une fois une grande affaire de celle qui devroit être la seule, nos salutaires avertissemens ne vous seroient pas un supplice, et vous penseriez de vous-même mille fois le jour à un intérêt de cette importance. Mais certes ni nous n'aimons Dieu, ni nous ne songeons à nous-mêmes, et ne sommes chrétiens que de nom. Excitons - nous enfin, et prenons à cœur notre éternité.

Grand Roi, qui surpassez de si loin tant d'augustes prédécesseurs, que nous voyons infatigablement occupé aux grandes affaires de votre Etat qui embrassent les affaires de toute l'Europe, je propose à ce grand génie un ouvrage plus important et un objet bien plus digne de son attention; c'est le service de Dieu et votre salut. Car, Sire, que vous servira d'avoir porté à un si haut point la gloire de votre France, de l'avoir rendue si puissante par mer et par terre, et d'avoir fait par vos armes et par vos conseils, que le plus célèbre, le plus ancien, le plus noble royaume de l'univers soit aussi en toute manière le plus redoutable, si après avoir rempli tout le monde de votre nom et toutes les histoires de vos faits, vous ne travaillez encore à des œuvres qui soient comptées devant Dieu et qui méritent d'être écrites au livre de

(a) Var. C'est que le chrétien doit veiller et prier sans cesse, et vivre toujours attentif à son salut éternel. - (b) De son cher enfant.

vie? Votre Majesté n'a-t-elle pas vu dans l'évangile de ce jour l'étonnement du monde alarmé, dans l'attente du jour effroyable où Jésus-Christ paroîtra en sa majesté? Si les astres, si les élémens, si les grands ouvrages que Dieu semble avoir voulu bâtir si solidement pour les faire durer toujours sont menacés de leur ruine, que deviendront les ouvrages qu'auront élevés des mains mortelles? Ne voyez-vous pas ce feu dévorant qui précède la face du juge terrible, qui abolira en un même jour et les villes, et les forteresses, et les citadelles, et les palais, et les maisons de plaisance, et les arsenaux, et les marbres, et les inscriptions, et les titres, et les histoires, et ne fera qu'un grand feu et peu après qu'un amas de cendre de tous les monumens des rois! Peut-on s'imaginer de la grandeur en ce qui ne sera un jour que de la poussière? Il faut remplir d'autres fastes et d'autres annales.

Dieu, Messieurs, fait un journal de notre vie : une main divine (a) écrit notre histoire, qui nous sera un jour représentée et sera représentée à tout l'univers. Songeons donc à la faire belle. Effaçons par la pénitence ce qui nous y couvriroit de confusion et de honte. Eveillons-nous, l'heure est venue. Les raisons de nous presser deviennent tous les jours plus fortes. La mort avance, le péché gagne, l'endurcissement s'accroît; tous les momens fortifient le discours que je vous ai fait, et il sera plus pressant encore demain qu'aujourd'hui. L'Apôtre le dit à la suite de mon texte : Propior est nostra salus: « Notre salut est tous les jours plus proche. » Si notre salut s'approche, notre damnation s'approche aussi; l'un et l'autre marche d'un pas égal. « Car comment échapperons-nous, dit le même Apôtre, si nous négligeons un tel salut? » Quomodo nos effugiemus, si tantam neglexerimus salutem2? Faisons donc notre salut, puisque Dieu nous envoie un tel Sauveur Jésus-Christ va venir au monde « plein de grace et de vérité ; » soyons fidèles à sa grace et attentifs à sa vérité, afin que nous participions à sa gloire. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

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(a) Note marg. Ecrit ce que nous avons fait et ce que nous avons manqué de faire.

TOM. VIII.

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