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observer comment le génie pénétrant de Bossuet alloit au-devant de l'avenir: « Je ne m'aperçois « pas, dit-il, que les théologiens se déclarent en « votre faveur; au contraire, ils s'élèvent tous contre « vous. Mais vous apprenez aux laïques à les mé« priser; un grand nombre de jeunes gens se lais« sent flatter à vos nouveautés. En un mot, ou je « me trompe bien fort, ou je vois un grand parti << se former contre l'Église; et il éclatera en son « temps, si, de bonne heure, on ne cherche à s'en« tendre, avant qu'on s'engage tout à fait.... Croyezmoi, monsieur; pour savoir de la physique et de

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l'algèbre, et pour avoir même entendu quelques «< vérités générales de la métaphysique, il ne s'en« suit pas pour cela qu'on soit fort capable de pren«< dre parti en matière de théologie.

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Il ne paroît pas que Bossuet ait jamais changé de sentiment sur le système de Malebranche. Toutefois il est à remarquer que l'évêque de Meaux, sur la fin de sa vie, sans adopter les opinions qu'il avoit d'abord si hautement désapprouvées, relâcha quelque chose de la sévérité de son jugement, et, par un procédé bien digne de sa grande âme, alla lui-même trouver le P. Malebranche, pour lui offrir son amitié. Ce fait, dont Malebranche a parlé, avec sa modestie ordinaire, dans le Recueil de ses réponses, publié à Paris en 1709 (1), est confirmé par sa vie manus(1) Recueil des réponses, etc. t. III, p. 31.

39.

Droiture des

intentions

de Malebranche;

sa soumission

à l'Église.

crite, citée dans le quatrième tome des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique du dix-huitième siècle. (Article Malebranche.) Quant à Fénelon, nous ne voyons pas non plus qu'il ait changé d'avis sur cette matière; on voit au contraire, par plusieurs de ses lettres au P. Lami, Bénédictin, et spécialement par celle du 8 mars 1709 (1), qu'il conserva toujours une grande opposition pour le système de Malebranche.

Mais, quoi qu'il en soit du fond de cette discussion, il faut rendre justice à Malebranche: si son imagination l'égara quelquefois, jamais son cœur ne fut complice des écarts de son esprit ; jamais philosophe ne fut plus religieux, plus paisible, plus ennemi de tout esprit de contention et de parti. Il unissoit toute l'élévation d'un génie supérieur, à cette modeste simplicité qui en forme le véritable caractère. Livré tout entier à des méditations métaphysiques, il avoit plus que de l'indifférence pour tout ce qui tenoit à l'érudition et aux connoissances positives; indifférence excusable sans doute, et même estimable, lorsqu'elle se borne à écarter les études inutiles et de pure curiosité; mais toujours blåmable, lorsqu'elle est portée jusqu'au mépris des connoissances utiles ou nécessaires || (2). Entraîné

(1) Quatrième lettre au P. Lami. (Œuvres de Fénelon, t. III, p. 362.)

(2) Malebranche n'a pas évité cet excès, dans le qua

par son imagination à de brillantes illusions, il élevoit souvent l'édifice de ses systèmes sur des idées abstraites, auxquelles il ne donnoit aucun point d'appui; aussi lui reprochoit-on de bátir en l'air. Mais ses intentions étoient aussi pures que ses conceptions étoient nobles et élevées; il eut constamment pour but, dans ses systèmes, de lier la religion à la philosophie, alliance toujours utile et désirable, pourvu qu'on sache respecter les limites des deux empires. Son génie trop systématique, se sentant continuellement arrêté par les bornes immua

trième livre de la Recherche de la vérité, où il traite des sources de nos erreurs. A cette occasion, il s'élève contre la vaine curiosité qui porte certains hommes à étudier des choses rares et extraordinaires, pour se faire, dans l'esprit du vulgaire ignorant, la réputation de savants (ch. 6 et 7); et, sous prétexte de combattre ce désordre grossier, il tourne habilement l'érudition en ridicule, et représente généralement les érudits comme des hommes que le seul désir de la gloire porte à passer leur vie dans des recherches frivoles et inutiles (ch. 6). Rien de plus injuste et de plus mal fondé que ce reproche, pris dans sa généralité. Malebranche, en signalant les excès ridicules de la fausse science, devoit aussi rendre hommage aux vrais savants, qui, par les recherches de l'érudition, ont rendu de tout temps, et rendoient encore à cette époque, de si grands services à la religion et aux sciences. Pour corriger ce qu'il y a d'excessif, sur ce point, dans la doctrine de Malebranche, il suffit de parcourir le Traité du P. Mabillon, sur les Études monastiques. On sait que l'auteur de cet excellent ouvrage joignoit une rare modestie à la plus vaste érudition. (ÉDIT.)

bles que la religion et la théologie opposent aux imaginations indiscrètes, se trouvoit dans un élément plus favorable, en parcourant ces vastes esoù la métaphysique aime à s'égarer.

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¶ Au reste, ces jeux de son imagination ne corrompirent jamais la sincérité de sa soumission aux décisions de l'Église, du moins pendant la dernière moitié de sa vie (1). Souvent, dans ses écrits contre

(1) Il paroît que Malebranche, avant ses contestations avec Arnauld, n'avoit pas toujours suivi les sentiments orthodoxes, sur les matières de la grâce. Il avoit d'abord signé, en 1661, avec la communauté de l'Oratoire de Saint-Honoré, dont il étoit membre, le formulaire dressé par l'assemblée du clergé de France, sur le fait de Jansenius; puis, celui du pape Alexandre VII, en 1665. Mais depuis la Paix de Clément IX, ses relations avec Arnauld, et avec quelqués autres théologiens du même parti, lui ayant fait naître des scrupules au sujet de cette signature, il la rétracta par un acte du 15 juillet 1673, qu'il envoya au monastère de PortRoyal, pour y être conservé dans les archives. Cet acte, publié après la mort de Malebranche, dans un recueil historique sur les affaires du temps, et reproduit, en 1755, par D. Clémencet, dans l'Histoire générale de Port-Royal (t. VI, p. 452), a donné lieu à un écrivain récent de rendre suspecte la soumission de Malebranche aux décisions du saint-siége, sur les matières de la grâce. (Tabaraud, Suppl. aux Histoires de Bossuet et de Fénelon, p. 103.) Mais pour justifier, sur ce point, le P. Malebranche, il suffit de remarquer qu'à l'époque où il signa l'acte dont il s'agit, plusieurs théologiens catholiques, faute de bien connoître les circonstances de la Paix de Clément IX, étoient persuadés

Arnauld, il témoigne le plus profond respect pour la doctrine de l'Église et du saint-siége, sur les matières de la grâce; et il combat avec force les opinions de son adversaire, comme subversives de la liberté, comme incompatibles avec les définitions de l'Église contre Luther, Calvin et Jansénius; bien plus, comme renouvelant la doctrine hérétique de l'évêque d'Ypres, contenue dans les cinq propositions que les derniers papes ont condamnées dans le sens où il les défendoit (1). Enfin, dans le dernier de ses ouvrages, publié l'année même de sa mort, il opposa les mêmes arguments au docteur

que le Pape avoit toléré, en cette occasion, la distinction du fait et du droit, à l'abri de laquelle les novateurs s'efforçoient d'éluder les décisions du saint-siége contre Jansénius. Nous avons remarqué ailleurs, que Bossuet lui-même avoit été quelque temps dans cette persuasion. (Hist. littér, de Fénelon, 3o partie, n. 49-52.) La suite des faits que nous allons rapporter, montre clairement que le temps et la réflexion firent bien changer, sur ce point, l'opinion de Malebranche, comme celle de Bossuet et d'un grand nombre d'autres théologiens. (ÉDIT.)

(1) Recueil de toutes les réponses du P. Malebranche à M. Arnauld. Paris, 1709, 4 vol. in-12. Voyez en particulier, t. I, p. 39, 40, 499, 514, etc. t. II, p. 149, 155, 196.

Toutes ces Réponses avoient paru successivement avant la mort d'Arnauld, arrivée en 1694. Malebranche lui-même, dans la Préface de ce Recueil, indique les principaux endoits à consulter, pour connoître ses véritables sentiments sur les matières de la grâce. (ÉDIT.)

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