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C'étoit là que Bossuet alloit chercher quelquefois le repos de la solitude, pour échapper au tourbillon des devoirs et des affaires, qui remplissoient tous ses moments à Paris et à la cour: retraite sacrée, qui pouvoit seule soustraire ce grand homme à l'empressement indiscret de tant de personnes de tous les rangs et de toutes les professions, qui venoient sans cesse interroger l'oracle de l'Église gallicane. Là, Fénelon, son fidèle ami l'abbé de Langeron, et le célèbre abbé Fleury, étoient assurés de jouir de Bossuet tout entier; les repas, la promenade, et les intervalles nécessaires qui séparent les moments consacrés à l'étude, devenoient des occasions et des moyens d'instruction, sous la forme d'une simple conversation.

La Correspondance de Fénelon nous offre un précieux monument de ces premiers rapports de deux grands hommes, faits pour se connoître, s'aimer et s'estimer; c'est une pièce de vers adressée à Bossuet par Fénelon, probablement pendant l'hiver de l'année 1687 (1). Le poëte y dépeint en traits vifs et animés les agréments de Germigny, et soupire après le retour du printemps, qui doit rendre à ce riant séjour toutes les grâces et les beautés dont l'hiver

(1) OEuvres de Fénelon, t. XXI, p. 302. On a vu plus haut (p. 51, note 1), que les premiers rapports de Fénelon avec Bossuet remontent à peu près à l'époque dont nous parlons. (ÉDIT.)

l'a dépouillé. Voici quelques traits de cette pièce, qui dut faire sourire la gravité de Bossuet :

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De myrte et de laurier, de jasmins et de roses,

De lis, de fleurs d'orange, en son beau sein écloses,
Germigny se couronne, et sème les plaisirs.

Taisez-vous, aquilons, dont l'insolente rage

Attaque le printemps, caché dans son bocage;

- Zéphyrs, portez-lui seuls mes plus tendres soupirs. »

Après une courte peinture des beautés de Ger

migny, le poëte termine ainsi :

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Hiver, cruel hiver, dont frémit la nature,

Ah! si tu flétrissois cette vive peinture!

. Hâtez-vous donc, forêts, montagnes d'alentour;

« Défendez votre gloire, arrêtez son audace;

α

.

Tremblez, nymphes, tremblez, c'est Tempé qu'il menace:

Des Grâces et des Jeux c'est le riant séjour. »

¶A cette pièce de vers étoit joint un simple billet sur quelques affaires indifférentes, mais qui fournit une preuve touchante de la douce confiance et de l'aimable abandon que Bossuet avoit su inspirer à Fénelon, dans ces premiers temps de leur liaison. « Voilà, Monseigneur, disoit Fénelon, ce qu'un de <«< mes amis vous envoie; il vous prie d'en faire « part à Germigny, pour le consoler dans les dis« grâces de la saison.... Je ne sais aucune nouvelle. « Ce n'en est pas une de vous dire, Monseigneur, « que je suis tout ce que je dois être, et que je n'o<«< serois dire, à cause que vous avez défendu à mes << lettres tout compliment.

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37.

Il réfute le

lebranche, sur

la nature

Nous ne pouvons douter qu'à cette époque, si

système de Ma- heureuse pour l'un et pour l'autre, Fénelon ne se fit un devoir de soumettre à Bossuet, avec un reset la grace. pect religieux, tous ses travaux et tous ses essais. On trouve en effet une preuve remarquable de cette mutuelle confiance, dans la Réfutation du système de Malebranche sur la nature et la gráce, composée par Fénelon dans le temps de sa liaison avec l'évêque de Meaux, et que ce prélat examina avec le plus vif intérêt, pour répondre aux désirs de Fénelon (1). Nous avons entre les mains une copie authentique de cet ouvrage, dont l'original se trouvoit encore, il y a quelques années, parmi les manuscrits dont le dépôt nous a été confié. Il paroît que cette copie avoit été destinée à l'impression en 1716; car toutes les pages en sont paraphées par le censeur, dont on lit, à la fin, une approbation datée du 13 novembre de cette année. Nous n'avons pu découvrir par quel accident le manuscrit original a disparu, au milieu du désordre le malheur des temps a introduit dans une mul

que

(1) OEuvres de Fénelon, t. III, p. 1, etc. Le système de Malebranche, que Fénelon réfute dans cet ouvrage, est principalement développé dans le Traité de la nature et de la gráce, publié en 1680, et que l'auteur défendit ensuite dans plusieurs écrits, réunis sous ce titre : Recueil de toutes les réponses du P. Malebranche à M. Arnauld. (1709, 4 vol. in-12.) (ÉDIT.)

titude de dépôts précieux. Nous avons d'autant plus de sujet de déplorer ce malheur, qu'indépendamment de ce que le manuscrit original étoit entièrement écrit de la main de Fénelon, il portoit à la marge des notes intéressantes, également écrites de la main de Bossuet, à qui Fénelon avoit soumis son travail. Au reste, la copie que nous en avons peut facilement suppléer à l'original. On y distingue, au simple coup d'œil, les corrections, les changements et les observations que Bossuet avoit ajoutés au travail de Fénelon.

On sait que le Traité de la nature et de la gráce, du père Malebranche, produisit dans le temps, entre ce célèbre métaphysicien et Arnauld, des discussions très-longues et très-animées, qui ne finirent qu'à la mort d'Arnauld. Il étoit déjà honorable pour Fénelon, jeune encore, de pouvoir lutter avec un philosophe tel que Malebranche, dont l'imagination éblouissante savoit donner à des illusions sublimes toutes les couleurs de la vérité. Mais ce qui étoit encore plus glorieux pour Fénelon, c'étoit de savoir déjà s'exprimer sur les questions les plus importantes de la théologie et de la métaphysique, de manière à mériter l'approbation de Bossuet, juge si profond et si éclairé dans ces

matières.

Nous n'entreprendrons pas de donner ici l'analyse détaillée de cet ouvrage, destiné, par sa nature,

38. Conformité

des sentiments

de Bossuet

et de Fénelon, sur ce sujet.

aux philosophes et aux théologiens de profession, et dont les discussions profondes sont peu à la portée du plus grand nombre des lecteurs (1). Nous remarquerons seulement que l'ouvrage de Fénelon contre Malebranche exprime incontestablement le sentiment commun des théologiens, sur le système du célèbre Oratorien. Bossuet en particulier s'explique très-fortement sur ce point dans plusieurs de ses écrits, et particulièrement dans une lettre à l'évêque de Castorie, du 23 juin 1683, où il représente les opinions du P. Malebranche comme fausses, insensées et pernicieuses (2). Il les qualifie encore plus sévèrement dans une lettre du 21 mai 1687, adressée à un jeune homme, admirateur passionné de ces opinions. << Plus je me souviens, dit-il (3), d'être chrétien, plus je me sens éloigné des idées que << son système nous présente..... Je n'y trouve rien

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qui ne me rebute; tout m'y paroît dangereux. || » Dans la suite de cette lettre, Bossuet, peu accoutumé à transiger avec la vérité, se joue, avec un mélange de plaisanterie et de gravité, du ridicule enthousiasme de ce jeune métaphysicien, C'est dans cette lettre vraiment intéressante, que l'on peut

(1) Les lecteurs curieux de ces sortes de discussions peuvent consulter l'analyse de l'ouvrage de Fénelon, dans la première partie de son Hist. litt. p. 23, etc. (ÉDIT.)

(2) OEuvres de Bossuet, t. XXXVII, p. 283.
(3) Ibid. p. 373 et suiv.

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