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ture et les beaux-arts, ceux qui nous révèlent avec le plus de charme et de délicatesse tous les secrets du cœur humain, ont été écrits le plus souvent par des hommes qui vivoient dans le silence de la retraite, ou qu'une heureuse conformité de principes religieux, de goûts estimables, d'études utiles ou agréables, avoient unis de confiance et d'amitié. Sans doute ces écrivains célèbres n'étoient pas entièrement étrangers au monde ; il faut bien voir les hommes, lorsqu'on veut les connoître et les juger; mais ceux même d'entre eux que le bonheur des circonstances avoit mis à portée d'observer les grands modèles, et d'être recherchés par tout ce que le rang, la naissance et la faveur avoient élevé audessus d'eux, évitoient de se laisser éblouir par le prestige de ces brillantes illusions; ils s'attachoient à tourner au profit de leur sagesse et de leurs lumières les observations qu'ils recueilloient du spectacle des jeux de la fortune et du combat éternel des passions; ils retournoient toujours avec un nouveau plaisir dans leur paisible et vertueuse retraite, pour y retrouver le bonheur le plus pur et le plus vrai, dans les douces affections de la nature et de l'amitié (1).

(1) Voyez, parmi les Pièces justificatives du liv. I, n. 4, un morceau très-curieux de l'abbé Gédoyn, sur la vie retirée que menoient autrefois à Paris les magistrats et les de lettres.

gens

34.

Mort du mar

Tandis que Fénelon se livroit aux occupations

quis Antoine utiles et honorables d'un emploi obscur et presque

de Fénelon.

1683.

ignoré; tandis qu'il se disposoit, par l'étude et la méditation, à acquérir les connoissances et les talents nécessaires pour rendre un jour à l'Église des services plus éclatants, il eut à pleurer la mort d'un oncle qui avoit dirigé ses premiers pas dans la carrière du monde, et qui lui avoit été encore plus utile en tournant son cœur vers les sublimes idées de la perfection chrétienne (1). C'étoit sous ses yeux, c'étoit dans sa maison, et dans l'intimité de cette douce confiance qu'un père se plaît à montrer à l'enfant de son choix, à celui qu'il a adopté pour le consacrer tout entier à Dieu et à la vertu, que Fénelon s'étoit pénétré du sentiment profond des devoirs de son état et de la grandeur de son ministère.

Ce que nous avons déjà dit du marquis de Fénelon, de son caractère, de ses principes, de l'éclat de ses démarches dans l'affaire des duels, et de la vie austère qu'il avoit embrassée, prouve en effet qu'il étoit digne de servir de guide à son neveu dans les voies de la religion. On peut même croire que

(1) Le marquis Antoine de Fénelon mourut le 8 octobre 1683, et fut enterré, ainsi qu'il l'avoit demandé, dans la chapelle souterraine du séminaire de Saint-Sulpice. Voyez, au n. 1 des Pièces justificatives de ce livre, la Notice généal, sur la famille de Fénelon, $5.

la rigidité de ses maximes avoit contribué à prémunir Fénelon contre les dangers auxquels auroient pu l'exposer son extrême sensibilité, la douceur naturelle de son caractère, la facilité brillante de son imagination, et cette bienveillance qui l'invitoit toujours à supposer dans les hommes toutes les vertus dont il portoit le goût et le sentiment au fond de

son cœur.

Mais il lui restoit trois amis précieux, qu'il continua de cultiver avec autant d'assiduité que d'affection. Bossuet avoit déjà conçu pour le neveu de son ancien ami cette prédilection qui supposoit des rapports si vertueux entre l'âme de deux hommes dont les caractères, différents à plusieurs égards, se rapprochoient et s'unissoient en tout ce qui concernoit les intérêts de la religion et la gloire de l'Église.

Le duc de Beauvilliers avoit d'abord accueilli l'abbé de Fénelon comme le neveu de l'un des hommes qu'il estimoit le plus, et comme l'élève le plus cher de M. Tronson. Mais cet élève étoit devenu son maître et son guide, en même temps que son ami le plus tendre; et le duc de Beauvilliers prenoit déjà conseil du jeune abbé de Fénelon pour les affaires de sa conscience. Ils avoient l'un et l'autre un attrait particulier pour les maximes de cette spiritualité pure et désintéressée, qui transporte tous nos sentiments et toutes nos affections dans le

35.

Étroite liaison

de Fénelon avec Bossuet

et avec le duc de Beauvilliers.

sentiment presque

exclusif de l'amour de Dieu pour lui-même, sans aucun retour humain sur notre propre bonheur.

M. Tronson suivoit avec un intérêt paternel son ancien élève, dans la carrière qui s'ouvroit devant lui. Il ne cessoit de l'entretenir, par ses sages avis, dans cet esprit de recueillement et de méditation, si nécessaire pour le préserver des illusions de l'amour-propre et de l'ambition: deux sentiments qui peuvent quelquefois égarer les hommes les plus vertueux, en leur présentant la gloire de leur ministère comme attachée à leur considération personnelle.

Fénelon trouvoit toujours, dans ses entretiens avec Bossuet, de nouveaux motifs pour estimer et respecter ce grand homme, et de nouveaux avantages pour sa propre instruction. Ce fut d'après ses conseils et sa méthode, qu'il s'attacha à étudier les principes de la véritable doctrine dans les sources les plus pures de l'antiquité. Il apprenoit de lui à éclaircir les difficultés qui se rencontrent assez fréquemment dans les écrits des Pères de l'Église, et qui peuvent quelquefois arrêter les esprits peu familiarisés avec leur langage, et avec la nature des questions qu'ils ont eu à traiter, pour combattre tant d'hérésies différentes et souvent opposées. Il lui montroit la mauvaise foi des hérétiques, qui affectent souvent de s'appuyer sur un texte isolé, pour sup

poser qu'ils ne se sont point écartés de l'ancienne doctrine de l'Église. Il lui faisoit sentir que c'étoit surtout dans les livres sacrés, et dans leur interprétation consacrée par la tradition, qu'il devoit chercher les principes et les preuves de tout le corps de la tradition.

C'est certainement à l'école de Bossuet que Fénelon, déjà familiarisé avec la science des saintes Écritures, par les instructions publiques qu'il avoit données pendant son séjour à la communauté de Saint-Sulpice, contracta cette heureuse facilité d'employer naturellement et sans effort les pensées et les expressions des écrivains sacrés, pour en composer son style. Cette langue inspirée lui devint si naturelle, qu'on en retrouve sans cesse l'application dans tous ses écrits, et même dans ses lettres les plus indifférentes. Il ne pouvoit assurément choisir un plus grand maître dans cette science que Bossuet, qui étoit parvenu à ne pouvoir plus s'énoncer dans sa propre langue, sans y transporter involontairement toute la magnificence des prophètes et toute la hauteur de ce style sublime, qui porte avec lui le sceau de l'inspiration.

Un grand avantage pour Fénelon, comme l'une de ses distractions les plus douces, étoit la liberté d'accompagner Bossuet à sa maison de Germigny (1).

(1) Maison de campagne des évêques de Meaux.

36.

Voyages de

Fénelon à Germigny.

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