Oldalképek
PDF
ePub

pour

18.

par son oncle à M. de Harlay, archevêque de Paris.

Son oncle l'avoit également présenté à M. de Il est présenté Harlay, archevêque de Paris, qui jouissoit alors d'un grand crédit à la cour, et qui réunissoit, à un extérieur agréable et noble, de grands talents l'administration, et une heureuse facilité de s'exprimer avec autant de grâce que de dignité. Il présida pendant trente-cinq ans les assemblées du clergé; et il sut toujours les diriger d'une manière aussi convenable pour le clergé que conforme aux vues du gouvernement. M. de Harlay accueillit l'abbé de Fénelon avec une bienveillance particulière ; il lui prodigua tous ces témoignages de goût, de confiance et de bonne volonté, qui étoient dans l'habitude de son caractère et de ses manières, et auxquels un grand usage du monde et de la cour prêtoit la séduction la plus flatteuse pour un jeune homme encore étranger au monde et aux affaires.

Mais M, de Harlay vit avec peine l'abbé de Fénelon s'attacher avec une prédilection marquée à Bossuet, que sa grande réputation et sa qualité de précepteur du Dauphin présentoient déjà à l'ar

comme on voit, antérieurs à la mort du marquis de Fénelon, qui arriva au mois d'octobre 1683. Par suite de ces premiers rapports, Fénelon assista quelque temps, dans la société de Bossuet, aux Promenades philosophiques, et aux Conférences sur l'Écriture sainte, qui eurent lieu à SaintGermain et à Versailles, sous la direction de ce prélat, de 1672 à 1685. (Hist. de Bossuet, liv. V, n. 1, etc.) (ÉDIT.)

chevêque de Paris, comme un concurrent redoutable à la cour et dans les affaires du clergé. Blessé d'une préférence aussi sensible, M. de Harlay ne fut pas assez maître de lui-même, pour ne pas laisser apercevoir à Fénelon combien il en étoit affecté. Peut-être s'imagina-t-il aussi que des considérations d'un autre genre empêchoient Fénelon de le cultiver avec tout l'empressement qu'il avoit attendu de lui.

Quoi qu'il en soit, Fénelon ne se présentoit à l'archevêché que très-rarement, et dans les seules circonstances où le respect et la bienséance lui en faisoient un devoir. Ce fut dans une de ces occasions que M. de Harlay lui dit d'un ton de reproche où il entroit plus d'amertume que de bienveillance: M. l'abbé, vous voulez étre oublié, vous le serez. Rien n'est peut-être plus propre à donner une rapports avec juste idée de la sagesse de caractère et du juge

19.

Ses premiers

Bossuet.

ment prématuré de Fénelon, que cette vénération filiale qu'il montroit pour l'évêque de Meaux, dont le génie, les talents et les vastes connoissances commandoient sans doute l'admiration, mais dont l'austérité de principes et de mœurs pouvoit effrayer un jeune homme à peine admis à sa familiarité. Fénelon fut entraîné rapidement, par un sentiment irrésistible, vers ce grand homme, dont les vertus, les leçons et les exemples lui rappeloient les Pères des premiers siècles du christianisme. Chaque

jour lui acquit de nouveaux droits à l'estime et à la confiance de Bossuet; et celui-ci, de son côté, vit avec satisfaction s'élever sous ses yeux un jeune ecclésiastique qui promettoit déjà tout ce qu'il fut dans la suite. Malgré ses grandes occupations, il se chargea de le diriger dans la carrière qui s'ouvroit devant lui, et dans laquelle il est si facile de s'égarer, ou du moins de perdre un temps précieux, lorsqu'on n'est pas conduit par une main habile et exercée. Bossuet y mit une complaisance et un intérêt qui indiquent le sentiment de goût et d'estime qu'il avoit pris pour son jeune élève. Il se montroit toujours disposé à l'accueillir, à répondre à tous ses doutes, et à lui ouvrir tous ces trésors de science que son vaste génie et ses longs travaux l'avoient mis à portée d'acquérir.

Cette liaison subsista pendant un très-grand nombre d'années avec la même intimité. Nous en retrouverons fréquemment des témoignages, jusqu'à l'époque affligeante qui mit en opposition de sentiments ces deux grands hommes; mais nous aurons occasion d'observer que, même dans leurs discussions les plus animées, ils ne cessèrent jamais d'avoir l'un pour l'autre une estime mutuelle, fondée sur l'opinion qu'ils avoient de leur vertu et de leur sincère attachement à l'Église et à la religion.

20.

L'évêque de

Fénelon fut obligé, en 1681, de suspendre momentanément ses fonctions de supérieur des Nou- Sarlat lui résigne

son prieuré

de Carenac, en 1681;

pompeuse réception de Fénelon

dans ce doyenné.

velles-Catholiques, pour faire un voyage en Périgord. L'évêque de Sarlat, son oncle, venoit de lui résigner son doyenné de Carenac, pour l'aider à se soutenir à Paris. Ce bénéfice, de la valeur de trois ou quatre mille livres de rente, fut le seul qu'eut Fénelon jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans.

Nous trouvons parmi ses manuscrits une lettre qu'il écrivit, en cette occasion, à la marquise de Laval, sa cousine. Il lui fait, dans un style plein de goût et de gaieté, le récit de la pompeuse réception dont on honora son entrée à Carenac. On voit, par ce récit, que, dans les provinces comme à Paris, l'éloquence des harangues a toujours été à peu près la même dans tous les temps et dans tous les lieux. « Oui, madame, n'en «< doutez pas (1), je suis un homme destiné à des « entrées magnifiques. Vous savez celle qu'on m'a « faite à Bellac, dans votre gouvernement (2). Je vais << vous raconter celle dont on m'a honoré en ce lieu. «< M. de Rouffillac pour la noblesse; M. Bose,

(1) Lettre de Fénelon à la marquise de Laval, du 20 mai 1681. (Corresp. de Fénelon, t. II, p. 9.)

(2) Pierre de Laval, époux de la marquise de Laval, étoit lieutenant de Roi dans la province de la Marche, où Bellac étoit situé. Dans le système d'administration alors en usage, le lieutenant de Roi étoit chargé de commander dans la province, eu l'absence du gouverneur; en ce sens, cette province pouvoit être appelée son gouvernement. (ÉDIT.)

curé, pour le clergé; M. Rigaudie, prieur des << moines, pour l'ordre monastique, et les fermiers « de céans, pour le tiers état, viennent jusqu'à Sarlat me rendre leurs hommages. Je marche, accompagné majestueusement de tous ces députés; j'arrive au port de Carenac, et j'aperçois le quai « bordé de tout le peuple en foule. Deux bateaux, pleins de l'élite des bourgeois, s'avancent; et en

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

α

« même temps je découvre que, par un stratagème galant, les troupes de ce lieu les plus aguerries « s'étoient cachées dans un coin de la belle île que << vous connoissez; de là, elles vinrent, en bon or« dre de bataille, me saluer avec beaucoup de mousquetades. L'air est déjà tout obscurci par la fua mée de tant de coups, et l'on n'entend plus que le <«< bruit affreux du salpêtre. Le fougueux coursier « que je monte, animé d'une noble ardeur, veut se jeter dans l'eau ; mais moi, plus modéré, je mets pied à terre. Au bruit de la mousqueterie est ajouté celui des tambours. Je passe la belle « rivière de Dordogne, presque toute couverte des « bateaux qui accompagnent le mien. Au bord, « m'attendent gravement tous les moines en corps; <«<leur harangue est pleine d'éloges sublimes; ma réponse a quelque chose de grand et de doux. « Cette foule immense se fend, pour m'ouvrir un chemin; chacun a les yeux attentifs, pour lire a dans les miens quelle sera sa destinée. Je monte

«

[ocr errors]
[ocr errors]
« ElőzőTovább »