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à tous les caractères, à toutes les situations et à tous les maux, que Fénelon acquit la connoissance de toutes les maladies morales et physiques qui affligent l'humanité. Ce fut par cette communication habituelle et immédiate avec toutes les classes de la société, qu'il obtint la triste conviction de tous les malheurs qui pèsent sur le plus grand nombre des hommes. C'est à la profonde impression qu'il en conserva toute sa vie, que l'on doit cette tendre commisération qu'il montre dans tous ses écrits pour les infortunés, et qu'il sut encore mieux montrer dans ses actions.

Un avantage précieux que Fénelon recueillit du ministère ecclésiastique, fut cette prodigieuse et incroyable facilité qu'il contracta, de parler et d'écrire avec une abondance, une clarté et une élégance qui firent l'étonnement et l'admiration de ses contemporains. C'est en lisant, non-seulement ses ouvrages imprimés, mais encore les manuscrits qui restent de lui, qu'on a peine à concevoir comment, au milieu de tous les devoirs, de tous les soins et de toutes les traverses qui ont rempli sa vie, il a pu suffire à cette singulière fécondité, qui se reproduit sous mille formes différentes, et sur toutes sortes de sujets.

Il se consacra pendant trois années entières au ministère ecclésiastique; et ce fut alors qu'il fut chargé, par le curé de la paroisse de Saint-Sulpice,

14.

Il est appelé à
Sarlat par son

oncle, en 1674.

d'expliquer l'Écriture sainte au peuple, les jours de dimanches et de fêtes; fonction qui commença à le faire connoître, et dont il retira pour lui-même les plus grands avantages. Il prenoit en même temps un intérêt particulier et une part très-active aux catéchismes de la paroisse, où l'on conserve encore aujourd'hui, comme un précieux monument de sa piété, les Litanies de l'enfant Jésus, qu'il composa pour leur usage. Ce fut vraisemblablement aussi dans le même but qu'il composa quelques Cantiques spirituels, qu'une ancienne tradition de la paroisse de Saint-Sulpice lui attribue || (1).

Ce fut l'année même de sa promotion au sacerdoce, ou quelques mois auparavant (2), que Fénelon fut appelé à Sarlat, en 1674, par son oncle. Nous avons une de ses lettres, écrite de Sarlat, au marquis de Fénelon (3); || elle porte seulement la date du 13 juillet, sans indication d'année; mais il y parle de la mort du marquis de Saint-Abre, son oncle maternel, tué au combat de Sintzheim, le 16 juin 1674, comme d'un événement assez ré

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(1) Il s'agit principalement ici du cantique sur la communion, commençant par ces mots : Mon bien-aimé ne paroît pas encore; et du cantique sur la passion de Jésus-Christ, Au sang qu'un Dieu va répandre. (Hist. des catéchismes de la paroisse de Saint-Sulpice, par l'abbé Faillon; Paris, 1831, in-18, p. 46, etc.) (ÉDIT.)

(2) Voyez ci-dessus, la note 1 de la p. 39.
(3) Corresp. de Fénelon, t. II, p. 6.

cent. Il y est aussi question de quelques démarches qu'on se proposoit de faire en sa faveur, pour lui procurer la députation de la province ecclésiastique de Bordeaux à l'assemblée générale du clergé de 1675. Ces démarches n'eurent point de succès, parce qu'il avoit pour concurrents les abbés d'Épinai de Saint-Luc et de Marillac, plus âgés que lui, et beaucoup plus avancés dans les dignités ecclésiastiques.

15.

consacrer

aux missions

du Levant.

Ce fut aussi vers cette époque, que Fénelon Il songe à se conçut le projet de se consacrer aux missions du Levant; du moins, on croit en voir la preuve dans une lettre écrite de sa main, et datée de Sarlat, 9 octobre, sans indication d'année; mais qui paroît avoir été écrite en 1675 ou 1676 || (1).

« Divers petits accidents ont toujours retardé « jusqu'ici mon retour à Paris; mais enfin, Monseigneur, je pars, et peu s'en faut que je ne vole. « A la vue de ce voyage, j'en médite un plus grand. « La Grèce entière s'ouvre à moi; le sultan effrayé recule; déjà le Péloponèse respire en liberté, et l'église de Corinthe va refleurir; la voix de l'apôtre s'y fera encore entendre. Je me sens transporté dans ces beaux lieux et parmi ces ruines précieuses, pour y recueillir, avec les plus cu<< rieux monuments, l'esprit même de l'antiquité.

«

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(1) Corresp. de Fénelon, t. II, p. 290, etc.

« Je cherche cet aréopage, où saint Paul annonça <«< aux sages du monde le Dieu inconnu (1). Mais le << profane vient après le sacré, et je ne dédaigne « pas de descendre au Pirée, où Socrate fait le plan de sa république. Je monte au double som<< met du Parnasse ; je cueille les lauriers de Delphes, « et je goûte les délices de Tempé.

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Quand est-ce que le sang des Turcs se mêlera << avec celui des Perses sur les plaines de Marathon, « pour laisser la Grèce entière à la religion, à la philosophie et aux beaux-arts, qui la regardent << comme leur patrie?

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Petamus arva, divites et insulas (2).

« Je ne t'oublierai pas, ô île consacrée par les « célestes visions du disciple bien-aimé ! ô heureuse « Pathmos, j'irai baiser sur ta terre les pas de l'apôtre, et je croirai voir les cieux ouverts. Là, je « me sentirai saisi d'indignation contre le faux prophète qui a voulu développer les oracles du <«< véritable; et je bénirai le Tout-Puissant, qui, bien loin de précipiter l'Église comme Babylone, en«< chaîne le dragon, et la rend victorieuse. Je vois déjà le schisme qui tombe, l'Orient et l'Occident « qui se réunissent, et l'Asie qui voit renaître le

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(1) Act. xvII, 23.

(2) Horat. Epod. XV1, V. 41, 42.

jour, après une si longue nuit; la terre sanctifiée du Sauveur et arrosée de son sang, « les par pas « délivrée de ses profanateurs, et revêtue d'une « nouvelle gloire; enfin, les enfants d'Abraham, épars sur la face de toute la terre, et plus noma breux que les étoiles du firmament, qui, rassem« blés des quatre vents, viendront en foule recon« noître le Christ qu'ils ont percé, et montrer à «< la fin des temps une résurrection. En voilà assez, Monseigneur ; et vous serez bien aise d'apprendre

« que

c'est ici ma dernière lettre et la fin de mes • enthousiasmes, qui vous importunent peut« être. Pardonnez-les à ma passion de vous entre« tenir de loin, en attendant que je le puisse faire « de près.

« F. DE FÉNELON. >>>>

On voit, par le style et le ton de cette lettre, que Fénelon étoit encore dans ce premier âge de la vie, où une imagination jeune, brillante, et nourrie de toute la fleur de la littérature, se plaît à embellir tous les objets qui se présentent à elle, et à y répandre les couleurs vives et animées, dont elle a reçu l'impression encore récente. || Le manuscrit original de la lettre ne nous apprend pas à qui elle étoit adressée; mais le titre ajouté par une main étrangère sur ce manuscrit donne lieu de penser qu'elle étoit adressée au duc de Beauvilliers, avec qui Fénelon se lia de très-bonne heure, par

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