Oldalképek
PDF
ePub

Madame de Maintenon fit passer sa réponse par le duc de Chevreuse; et le ton de sa lettre laissoit apercevoir combien elle étoit déjà prévenue contre madame Guyon. « Vous pouvez dire à madame Guyon, que j'ai encore parlé au Roi, et qu'il a fort

[ocr errors]
[ocr errors]

approuvé un nouvel examen de ses écrits. On em« ploiera, pour cela, des personnes d'une grande « vertu et d'un grand savoir: c'est de quoi vous « pouvez l'assurer. Je souhaite bien sincèrement «< qu'elle ne soit pas dans l'erreur (1). »

Madame Guyon insistoit toujours, pour qu'on lui nommât des commissaires, moitié ecclésiastiques et moitié laïques; elle fondoit sa demande sur ce qu'étant accusée dans ses mœurs, et des commissaires ecclésiastiques se faisant toujours une peine de prononcer sur des délits de cette nature, elle avoit besoin, pour son entière justification, d'un jugement prononcé par des juges laïques.

Cette demande fut écartée; et madame de Maintenon en expose la raison dans une lettre au duc de Beauvilliers: « Je n'ai jamais rien cru des bruits « que l'on faisoit courir sur les mœurs de madame Guyon; je les crois très-bonnes et très-pures; mais <«< c'est sa doctrine qui est mauvaise, du moins par les suites. En justifiant ses mœurs, il seroit à <«< craindre qu'on ne donnât cours à ses sentiments,

[ocr errors]

(1) Lettres de madame de Maintenon, t. 1o, p. 250.

32.

Nomination de trois commissaires. Juin 1694.

« et que les personnes déjà séduites ne crussent que « c'est les autoriser. Il vaut mieux approfondir une «< bonne fois ce qui a rapport à la doctrine; après

[ocr errors]
[ocr errors]

quoi, tout le reste tombera de lui-même. Je m'y emploierai fortement. Quant à M. de Châlons et « à M. le supérieur de Saint-Sulpice, qu'elle veut << associer à M. de Meaux, je ne crois pas que cette << demande lui soit refusée (1). »

Dès que l'on avoit pris le parti de soumettre la doctrine de madame Guyon à un examen régulier, Bossuet avoit dû nécessairement être placé à la tête des commissaires. Ce grand homme étoit devenu en France, si l'on peut s'exprimer ainsi, le juge naturel de toutes les questions de doctrine. Il étoit déjà instruit, comme on l'a vu, de tout ce qui intéressoit madame Guyon; et elle ne pouvoit récuser un juge dont elle avoit invoqué elle-même les lumières et l'autorité.

Mais Bossuet s'étoit si franchement expliqué, avec madame Guyon elle-même, sur toutes ses idées de spiritualité, et sur l'article du pur amour en particulier, qu'elle prévoyoit bien que si ce prélat étoit | seul chargé d'un nouvel examen, ou qu'on lui adjoignît des commissaires aussi sévères, elle n'auroit rien de favorable à en attendre. C'est ce qui la porta à demander pour commissaires, avec l'évêque de

(1) Lettres de madame de Maintenon, t. 1o, p. 250.

Meaux, M. de Noailles, évêque de Châlons, et M. Tronson. || Elle comptoit parmi ses prosélytes les plus zélées la comtesse de Guiche, nièce de l'évêque de Châlons; et peut-être lui vint-il en pensée que cette considération pourroit contribuer à disposer le prélat en sa faveur. Quant à M. Tronson, elle savoit combien il étoit affectionné à Fénelon; mais elle savoit aussi combien M. Tronson étoit incapable de sacrifier la vérité à l'amitié. ||

33.

Intérêt

de Maintenon porte à Fénelon.

Au milieu de toutes ces discussions, qui prenoient chaque jour un caractère plus inquiétant, que madame telle étoit l'estime générale que les personnes les plus prévenues contre madame Guyon, conservoient à Fénelon, qu'elles s'occupoient toujours à le détacher de cette cause, qui leur sembloit presque désespérée. Madame de Maintenon ne pouvoit renoncer à l'intérêt qu'il lui avoit inspiré; et on en retrouve encore les expressions les plus touchantes, dans une lettre confidentielle qu'elle écrivit alors à madame de Saint-Géran. « Encore une lettre de << madame Guyon! Cette femme est bien importune; «< il est vrai qu'elle est bien malheureuse. Elle me prie aujourd'hui de faire associer à l'évêque de « Meaux, l'évêque de Châlons et le supérieur de Saint-Sulpice, pour juger définitivement des points <«< sur lesquels on accuse sa foi : elle me promet une « obéissance aveugle. Je ne sais si le Roi voudra « donner encore cette nouvelle mortification à M. de

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

«

Paris; car enfin cette hérésie est née dans son diocèse, et c'est à lui à en décider le premier. Comptez qu'il ne laissera pas perdre ses droits. M. l'abbé « de Fénelon a trop de piété pour ne pas croire qu'on peut aimer Dieu uniquement pour lui« même, et trop d'esprit pour croire qu'on peut <«<l'aimer au milieu des vices les plus honteux. Il « m'a protesté qu'il ne se mêloit de cette affaire, que pour empêcher qu'on ne condamnât, par inattention, les sentiments des vrais dévots. Il << n'est point l'avocat de madame Guyon, quoiqu'il << en soit l'ami; il est le défenseur de la piété et de la perfection chrétienne. Je me repose sur sa pa« role, parce que j'ai connu peu d'hommes aussi francs que lui; et vous pouvez le dire (1). › ¶ Ce fut pour dissiper entièrement les soupçons que pouvoit inspirer contre ses sentiments personle 22 juin 1694. nels, son attachement à madame Guyon, que lon signa, le 22 juin 1694, une Déclaration par

34. Déclaration signée par Fénelon

10

[ocr errors]
[ocr errors]

Féne

la

quelle il s'engageoit à souscrire, sans équivoque et sans restriction, à tout ce qui seroit décidé sur les voies intérieures, par les trois commissaires qui venoient d'être nommés, pour l'examen de la doctrine et des écrits de madame Guyon. Cette Déclaration étoit conçue en ces termes : « Je déclare devant

[ocr errors]

(1) Lettres de madame de Maintenon, t. II, p. 321. - Corresp. de Fénelon, t. VII, p. 52.

[ocr errors]

Dieu, comme si j'allois comparoître tout à l'heure << à son jugement, que je souscrirai, sans équivoque << ni restriction, à tout ce que M. Tronson décidera, << avec messeigneurs de Meaux et de Châlons, sur « les matières de spiritualité, pour prévenir toutes « les erreurs et illusions du quiétisme, et autres « semblables. Je consens même qu'on montre le présent écrit, toutes et quantes fois que ces trois « personnes le jugeront nécessaire; et je promets « que je parlerai en conformité, dans toutes les oc« casions où ils le croiront à propos. « Fait à Issy, le 22 juin 1694.

Signé L'abbé de Fénelon.

J'ajoute que je suis prêt à souscrire à toutes les «< condamnations que l'Église fera des personnes, << sans aucune exception, si elle le jugeoit nécessaire <«< dans la suite, pour flétrir davantage la doctrine

<< erronée. »>

Il étoit impossible assurément de s'expliquer d'une manière plus propre à dissiper tous les soupçons. Aussi M. Tronson, en faisant connoître cette Déclaration à l'évêque de Chartres, se montre-t-il pleinement satisfait des dispositions de Fénelon, et persuadé qu'on ne peut exiger de lui autre chose (1).

35.

|| Les trois commissaires nommés pour l'examen de Madame Guyon

(1) Corresp. de Fénelon, t. VII, p. 53.

se retire

à Meaux;

« ElőzőTovább »