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aux plus habiles théologiens. Bossuet lui-même, au témoignage de plusieurs auteurs contemporains, à la première lecture qu'il fit des écrits de madame Guyon, les trouva remplis d'une lumière et d'une onction extraordinaires (1). Ce ne fut qu'après un examen plus approfondi, qu'il reconnut leur venin, et la conformité qu'ils avoient, sur plusieurs points, avec la doctrine de Molinos. Les principales erreurs qu'il y remarqua peuvent se rapporter aux quatre suivantes :

1o La perfection de l'homme, même dès cette vie, consiste dans un acte continuel de contemplation et d'amour, qui renferme en lui seul tous les actes de la religion, et qui, une fois produit, subsiste toujours, à moins qu'on ne le révoque expressément. Ce principe, souvent supposé ou expliqué dans les écrits de madame Guyon, est énoncé en termes formels, dans une lettre imprimée à la suite de son ouvrage intitulé: Moyen court et très-facile de faire oraison. « Je voudrois, dit le P. Falconi, auteur de «< cette lettre, que tous vos jours, tous vos mois, << toutes vos années, et votre vie tout entière, fût employée dans un acte continuel de contempla« tion, avec une foi la plus simple, et un amour le

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Avertisse

(1) Hist. de Fénelon, par Ramsay, p. 25. ment des OEuvres spirituelles de Fénelon. (Édit. in-12 de 1740, p. xcvi.) On sait que cet Avertissement est du marquis de Fénelon.

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plus pur qu'il seroit possible... En cette disposi« tion, quand vous vous mettrez en prière, il ne « sera pas toujours nécessaire de vous donner à Dieu << de nouveau, puisque vous l'avez déjà fait; car, « comme si vous donniez un diamant à votre amie, «< après l'avoir mis entre ses mains, il ne faudroit plus lui dire et lui répéter tous les jours que vous « lui donnez cette bague, que vous lui en faites un

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présent; il ne faudroit que la laisser entre ses << mains, sans la reprendre;... ainsi, quand une fois « vous vous êtes absolument mise entre les mains « de Notre-Seigneur, par un amoureux abandon, « vous n'avez qu'à demeurer là (1). »

2o Il suit de ce principe, et la nouvelle mystique paroît en conclure, qu'une âme arrivée à la perfection, n'est plus obligée aux actes explicites, distingués de la charité; qu'elle doit supprimer généralement et sans exception tous les actes de sa propre industrie, comme contraires au parfait repos en Dieu. « Il faut, dit-elle, seconder le dessein de Dieu, qui « est de dépouiller l'âme de ses propres opéra« tions, pour substituer les siennes en leur place. « Laissez-le donc faire, et ne vous liez à rien par « vous-même ; quelque bon qu'il paroisse, il n'est « pas tel alors pour vous, s'il vous détourne de ce Dieu veut de vous... Il faut que tout ce qui

« que

(1) Lettre de Falconi, à la suite du Moyen court, etc. p. 157, etc.

« est de l'homme et de sa propre industrie, pour « noble et relevé qu'il puisse être; il faut, dis-je, que « tout cela meure (1).

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3o Dans ce même état de perfection, l'âme doit être indifférente à toutes choses, pour le corps et pour l'âme, pour les biens temporels et éternels. « Pour la pratique de l'abandon, elle doit être de perdre sans cesse toute volonté propre dans la « volonté de Dieu; renoncer à toutes les incli<«< nations particulières, quelque bonnes qu'elles « paroissent, sitôt qu'on les sent naître, pour se << mettre dans l'indifférence; et ne vouloir que « ce que Dieu a voulu dès son éternité; être indif« férent à toutes choses, soit pour le corps, soit « pour l'âme, pour les biens temporels et éter«nels; laisser le passé dans l'oubli, l'avenir à la « Providence, et donner le présent à Dieu (2). » 4o Dans l'état de la contemplation parfaite, l'âme doit rejeter toutes les idées distinctes, et par par consé quent la pensée même des attributs de Dieu et des mystères de Jésus-Christ. « Dès que l'âme commence « à recouler à son Dieu, comme un fleuve dans son

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origine, elle doit être toute perdue et abîmée en

« lui; il faut même alors qu'elle perde la vue aper

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çue de Dieu, et toute connoissance distincte, pour

petite qu'elle soit..... Alors, une âme, sans avoir

(1) Moyen court, etc. n. 17 et 24, p. 68 et 122.

(2) Ibid. n. 6, p. 28.

« pensé à aucun état de Jésus-Christ, depuis les « dix et vingt ans, conserve toute la force de cette pensée imprimée en elle-même par état (1).

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On voit assez, par cet exposé, la différence essentielle qui existe entre le quiétisme grossier de Molinos et le quiétisme mitigé de madame Guyon. La doctrine de Molinos fait consister la perfection de l'homme, en cette vie, dans un acte continuel de contemplation et d'amour, qui dispense l'âme de tous les actes des vertus distinguées de la charité, et la réduit à un état d'inaction absolue, même dans le temps des plus affreuses tentations. Madame Guyon admet, il est vrai, le principe fondamental de Molinos, c'est-à-dire, l'acte continuel de contemplation et d'amour, qui renferme à lui seul tous les actes des vertus distinctes; mais elle rejette avec horreur les conséquences que Molinos tire de ce faux principe, contre la résistance positive aux tentations. On verra même bientôt, que, malgré l'inexactitude de son langage, ses sentiments intérieurs, aussi bien que sa conduite personnelle, ont toujours été irréprochables, au jugement même des prélats qui s'élevèrent avec plus de sévérité contre ses écrits.

(1) Interprét. sur les Cant. ch. 6, n. 4, p. 143 et 144. Manuscrit de madame Guyon : intitulé Les Torrents, cité par l'évêque de Chartres dans son Ordonnance du 21 novembre 1695, contre les écrits de madame Guyon, dont nous parlerons plus bas, no 43. (Édit.)

15. Différence

entre

le quiétisme de Molinos

et celui de madame Guyon.

16.

Histoire de

ses rapports

Nous croyons que ce court exposé des erreurs du quiétisme suffit pour introduire le lecteur dans l'étude des questions agitées sur ce sujet, entre Bossuet et Fénelon (1). Nous devons maintenant rapporter à quelle occasion s'éleva cette controverse, et par quel malheureux concours de circonstances les prélats les plus recommandables de l'Église de France, et les personnages les plus vertueux de la cour de Louis XIV, se trouvèrent mêlés à ces affligeantes discussions.

Jeanne-Marie Bouvières de la Mothe, connue madame Guyon; sous le nom de madame Guyon, étoit née à Montargis, le 13 avril 1648, d'une famille considérée le P. Lacombe. dans cette ville. Elle fut mariée, à seize ans, au fils du célèbre Guyon, qui devoit sa noblesse et sa for

avec

(1) Pour suppléer à la brièveté avec laquelle les erreurs du quiétisme étoient exposées dans son Histoire, le cardinal de Bausset avoit inséré, parmi les Pièces justificatives de ce livre (n. II et III), la Lettre du cardinal Caraccioli au pape Innocent XI, du 30 janvier 1682, et celle du P. Bourdaloue à madame de Maintenon, du 10 juillet 1694. Les détails que nous avons ajoutés, sur ce point, au texte du cardinal de Bausset nous ont engagé à supprimer ces deux numéros des Pièces justificatives.

Nous remarquerons encore, que, dans la troisième édition de cette Histoire, l'exposition des erreurs de Molinos et de madame Guyon, étoit immédiatement suivie de l'exposition de celles du livre des Maximes. Nous avons cru devoir renvoyer cet exposé un peu plus bas, où il sera naturellement amené par la suite des faits. (Ci-après, t. II, liv. III, n. 15.) (ÉDIT.)

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