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bonheur d'associer à ses desseins l'abbé le Ragois de Bretonvilliers, qui appartenoit à une famille honorée dans la magistrature, et qui jouissoit d'un patrimoine considérable. M. de Bretonvilliers entreprit, de concert avec M. Olier, de construire à ses frais un édifice capable de rassembler un trèsgrand nombre de jeunes ecclésiastiques, pour les former aux diverses fonctions de leur ministère. Ce monument, dont les avantages devoient s'étendre sur une longue suite de générations, fut encore dirigé par un sentiment de charité qui méritoit à son auteur la reconnoissance publique. M. de Bretonvilliers profita du moment où les troubles de la Fronde et la guerre civile avoient réduit le peuple de Paris à une extrême misère; il employa à la construction de ce vaste bâtiment toute cette multitude inquiète et turbulente qui manquoit de subsistance, et qui étoit capable de se porter aux derniers excès pour s'en procurer (1).

La société de Saint-Sulpice avoit reçu un régime aussi différent de celui des Jésuites dans l'esprit

(1) Le bâtiment construit par M. de Bretonvilliers a été démoli, en 1802, pour ouvrir la place Saint-Sulpice, et dégager le magnifique péristyle de l'église. Mais l'esprit du séminaire de Saint-Sulpice et des vertus qui y régnoient n'étoit point attaché à des murs et à des pierres; il subsiste encore tout entier dans les ecclésiastiques respectables qui ont perpétué cette sainte œuvre.

que dans l'objet de son institution : elle avoit voulu se renfermer, et elle s'est constamment renfermée dans le cercle des fonctions nécessaires au succès de sa vocation; elle ne s'étoit point vouée à combattre; elle s'étoit bornée à édifier et à être utile. Destinée à former des ministres à l'Église, pour les différents ordres de la hiérarchie, elle s'étoit pénétrée du véritable esprit qui convient à la sainteté du sacerdoce; elle s'attachoit à donner à ses jeunes élèves le goût et l'habitude des études sérieuses, à diriger l'ordre de leur travail et l'emploi de leur temps, à établir dans leur esprit les premiers fondements de tout le système des sciences ecclésiastiques; mais elle pensoit qu'un développement plus approfondi de ces premiers germes de la science et du talent appartenoit surtout aux qualités naturelles, à des dispositions plus ou moins heureuses, à la nature des fonctions et des places qu'ils seroient appelés à remplir, à l'expérience que donnent l'âge et la connoissance des affaires et des hommes; enfin, à un concours de circonstances qu'il est impossible de prévoir et de prévenir.

Tels étoient les caractères qui formoient l'esprit de cette institution; et les instituteurs en offroient le modèle le plus touchant dans leur vie entière. Réunis les liens d'une association volontaire, par qui n'engageoient point la liberté de ceux qui la composoient, et dont l'autorité ecclésiastique et

civile avoit consacré le régime, ils donnoient l'exemple d'une soumission invariable et sans bornes à l'autorité des premiers pasteurs. Cette soumission formoit un caractère si remarquable en eux, que jamais on ne les a vus s'en écarter, dans les circonstances les plus délicates et les plus difficiles. Chargés de divers établissements, dans des diocèses dont les évêques avoient quelquefois adopté des opinions différentes sur les controverses ecclésiastiques, ils surent toujours allier le respect et l'obéissance avec la fidélité à leurs principes ils furent toujours aimés et estimés de ceux même dont ils ne partageoient pas les sentiments. Leur modestie étoit portée au point qu'ils redoutoient la gloire, comme l'écueil le plus dangereux. Ils mettoient autant d'art à se dérober à la célébrité, que d'autres en mettent à la chercher. Leur abnégation chrétienne les auroit portés à se soustraire à la considération elle-même, si la considération n'eût pas été un tribut payé à leurs vertus. Consultés souvent par les dépositaires de la puissance et de la faveur, souvent à portée d'obtenir et d'exercer un grand crédit, ils échappoient à l'ambition comme on échappe à la servitude. Etrangers à tous les sentiments que l'ambition, l'intérêt ou l'orgueil peuvent exciter parmi les hommes, jamais ils ne furent mêlés à aucun combat de partis, de corps

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ou d'opinions; ils ne s'attachoient qu'aux décisions et à l'autorité de l'Église (1).

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On croiroit leur faire injure si on vantoit ici

(1) C'est une justice qui a été rendue à la congrégation de Saint-Sulpice, par un célèbre critique, plus porté à blâmer qu'à louer : « Je suis sûr, dit Richard Simon, que si «<les Jansénistes n'avoient attaqué les Jésuites que sur la morale, ils auroient eu presque tout le monde de leur côté; « il n'y a personne, quelque méchant qu'il soit, qui ose se <«< déclarer en faveur de la méchante morale. Vous savez que « Messieurs de Saint-Sulpice font profession ouverte de « n'être point Jansenistes pour la doctrine; cependant, pour <«< ce qui est de la morale, ils en usent tout autrement; et je crois qu'en cela ils ont pris le bon parti. » (Lettres choisies de Richard Simon, t. IV, p. 188. Amsterdam, 1730.) En s'exprimant ainsi, Richard Simon paroît avoir, comme Pascal, le tort d'attribuer à tout le corps des Jésuites des opinions dangereuses, fausses ou hasardées, qui n'appartenoient qu'à un petit nombre de ses membres. De pareilles fictions peuvent contribuer aux succès d'une satire, lorsqu'elle réunit d'ailleurs tous les genres d'agréments qui peuvent plaire à l'esprit ou flatter la malignité des hommes; mais on doit convenir que, dans une discussion sérieuse, qui intéresse la doctrine ou la morale, elles blessent également la charité et la sincérité chrétienne. On peut ajouter que ces opinions répréhensibles n'appartenoient pas plus à quelques Jésuites, qu'à des religieux de quelques autres ordres. La bonne foi exigeoit, au moins, qu'on fit observer qu'elles avoient été réfutées de la manière la plus forte par des membres de cette même société. Il est certain, en effet, que Nicole a puisé ses principaux raisonnements contre le probabilisme, dans les écrits du jésuite Comitolo, qu'il se donne bien de garde de citer.

leur piété. Elle étoit, comme eux, vraie, simple, naturelle, sans effort et sans ostentation; elle étoit toute en sentiments; et ils savoient la faire aimer et respecter par cette nombreuse jeunesse dont ils étoient environnés. Ils avoient vu passer sous leurs yeux une longue suite de générations appelées à occuper les places les plus éminentes. La plus tendre sollicitude les associoit aux vertus de leurs anciens élèves, bien plus qu'à leur gloire et à leurs honneurs.

Jamais on n'a porté le désintéressement à un degré aussi remarquable. Ceux d'entre eux qui avoient conservé quelque portion de leur patrimoine, regardoient comme un devoir de soulager la maison où ils étoient employés, des frais que pouvoit entraîner leur présence. Le seul prix de leurs utiles services étoit de consacrer leur vie entière à en rendre de nouveaux. Leur sage économie leur offroit souvent les moyens de conserver à l'Église des sujets précieux, par le secours d'une éducation gratuite; ceux même qui étoient l'objet de leur bienfaisance ne parvenoient jamais à connoître leurs bienfaiteurs.

Je n'ajouterai qu'un seul mot, pour donner la mesure de leur désintéressement. La congrégation de Saint-Sulpice a existé pendant cent cinquante ans; elle avoit de nombreux établissements dans toutes les parties de la France; et il n'est pas ar

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