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sentoit toujours la religion sous les formes les plus douces et les plus attrayantes, qui s'attachoit toujours à prévenir le découragement et le désespoir, en donnant à la miséricorde de Dieu autant d'étendue qu'à sa justice, s'armoit d'une inexorable sévérité, lorsqu'il s'agissoit des maximes de la morale, et des règles de la probité. Il est permis de douter que ceux mêmes qui affectoient le plus de rigidité, eussent porté la rigueur au même degré que Fénelon.

Nous croyons inutile de rapporter ce mémoire, qui ne concerne que les intérêts de deux familles particulières. Nous dirons seulement, qu'il s'agissoit d'une alliance entre deux maisons de la cour, dont l'une devoit la plus grande partie de son immense fortune à l'abus qu'un ministre puissant avoit fait de son crédit, pour s'attribuer des droits et des avantages qui paroissoient excéder l'intention du souverain, et les limites où sa bienfaisance doit s'arrêter. Fénelon fut consulté par celle des deux familles qu'un scrupule délicat alarmoit, sur les inconvénients d'une alliance dont les avantages étoient

tion, aussi bien que les avis de Fénelon à M. Colbert, archevêque de Rouen, étoient renvoyés au livre IV de cette Histoire, dans les éditions précédentes. Mais tous ces détails étant relatifs à des faits antérieurs à la nomination de Fénelon à l'archevêché de Cambrai, il nous a paru plus naturel de les placer dans ce second livre. (ÉDIT.)

balancés par l'obligation de renoncer à des biens injustement acquis.

Ce mémoire offre des détails curieux sur cette question particulière, et donne l'idée des sentiments religieux qui dominoient alors dans les familles les plus puissantes on y voit comment une juste et estimable délicatesse les portoit à soumettre l'ambition même aux règles de la conscience et de la morale.

Fénelon s'y montre aussi exact qu'impartial, dans la discussion des faits et des circonstances qui n'admettent aucune excuse légitime, ou qui peuvent atténuer le vice originaire d'une fortune transmise ensuite à des héritiers légitimes. Il établit d'abord en principe, « qu'il y a une extrême différence << entre les enfants de N....., nourris dans l'igno«rance des faits et dans l'estime de leur père, qu'ils « peuvent supposer très-juste, et un étranger qui << veut bien s'exposer aux risques d'entrer dans les charges d'une succession si suspecte. La seule opi<< nion publique, dit Fénelon, engage à examiner « de près; et le seul doute, dans l'examen, suffit «< pour arrêter un homme de bonne foi (1).:

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Fénelon épuise jusqu'au scrupule, toutes les suppositions qui pouvoient offrir à la conscience de grands dangers et de graves embarras; et il in

(1) OEuvres de Fénelon, t. III, p. 440.

5.

Conseils

à M. Colbert, archevêque de Rouen, sur le luxe des bâtiments.

dique les précautions les plus sages, pour éviter d'introduire, dans une famille vertueuse, des richesses obtenues par des moyens violents ou abusifs.

Il n'attendoit pas toujours qu'on le consultát, pour communiquer ses vues à de vertueux amis, sur des affaires délicates, persuadé que le devoir le plus sacré de l'amitié est la vérité: ayant souvent observé, que la foiblesse ou une molle complaisance coûte à nos amis des erreurs et des fautes, dont un peu plus de franchise ou de fermeté auroit pu les préserver; il ne craignoit pas de leur adresser des conseils toujours utiles, et quelquefois sévères, pour leur épargner des regrets ou des remords.

Il eut occasion de faire usage de cette règle de morale, dont l'application est toujours si difficile et si délicate, envers le propre frère des duchesses de Beauvilliers et de Chevreuse. M. Colbert, archevêque de Rouen (1), s'étoit laissé séduire

par

l'idée

(1) Jacques-Nicolas Colbert, fils du grand Colbert, et frère du marquis de Seignelay, fut nommé coadjuteur de Rouen en 1680, et devint archevêque titulaire en 1691, par la mort de son prédécesseur, François Rouxel de Médavi. || Il mourut en 1707, avec la réputation d'un prélat aussi distingué par ses lumières, que par son zèle et sa piété. Il ne faut pas le confondre avec Charles-Joachim Colbert, son

de reconstruire, sur un plan plus élégant et plus moderne, son palais archiepiscopal et son château de Gaillon, antiques et majestueux monuments de la fortune du cardinal d'Amboise (1). Élevé à Versailles, au milieu des nouvelles et magnifiques créations de Louis XIV et de Mansard, M. Colbert trouvoit que l'architecture gothique du quinzième siècle, offroit un contraste barbare avec l'architecture noble et gracieuse dont l'Italie avoit offert des modèles à la France, depuis que deux reines, du nom de Médicis, y avoient apporté le goût des

arts.

L'archevêque de Rouen n'avoit pas sans doute imaginé de consulter Fénelon sur des plans d'architecture; mais Fénelon fut instruit de ses projets; et il n'attendit pas que l'archevêque de Rouen lui en parlât, pour lui en faire sentir les conséquences, les

cousin, évêque de Montpellier, mort en 1738, et si connu par son opposition à la bulle Unigenitus.||

(1) Georges, cardinal d'Amboise, passa de l'archevêché de Narbonne à celui de Rouen en 1494, devint premier ministre de Louis XII, légat perpétuel en France, et mourut en 1510, âgé seulement de cinquante ans, au moment où la fortune, qui l'avoit toujours servi si heureusement, sembloit lui promettre la papauté. || Ce fut lui qui acheva la construction du palais archiepiscopal de Rouen, et celle du château de Gaillon, commencées en 1461 par le cardinal d'Estouteville, un de ses prédécesseurs. (Voyez la Gallia christiana, t. XI, p. 91 et 94. Toussaint Duplessis, Hist. de Normandie, t. II, p. 11.) ||

dangers, et même le peu de convenance. La lettre qu'il lui écrivit sur ce sujet, le 8 avril 1692, renferme en peu de mots tout ce que la raison, le bon goût et la connoissance du monde, peuvent ajouter aux maximes de la morale chrétienne, pour détourner un évêque d'une entreprise qui pouvoit compromettre sa fortune et sa tranquillité. On n'a jamais peint avec plus de force, de grâce et de vérité, les suites déplorables de la facilité avec laquelle on s'abandonne trop souvent à la séduction des architectes, et au danger de ces ruineuses fantaisies, dont on ne connoît jamais l'étendue ni les bornes, parce qu'on finit par s'étourdir soi-même, après avoir eu l'imprudence de s'y engager. Des exemples domestiques, que Fénelon lui rappeloit, devoient faire sentir, à M. Colbert en particulier, la force et la sagesse des considérations qu'il lui présentoit. Fénelon, après avoir établi les règles inviolables que l'Église a consacrées, sur le légitime emploi des revenus ecclésiastiques, ne craint pas de faire entendre à M. Colbert, avec une franchise tempérée par la grâce et la délicatesse qu'il savoit mêler aux vérités les plus austères, que le public auroit le droit de s'étonner qu'il ne se trouvât pas logé avec assez de grandeur et de magnificence, dans un palais bâti par le cardinal d'Amboise, dans les jours de sa toute-puissance, et longtemps habité par des ministres, par des cardinaux, et même par des princes du sang. Nous rap

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