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<«< un commerce enchanteur;..... une aisance qui en «< donnoit aux autres; cet air, ce bon goût, qu'on « ne tient que de l'usage de la meilleure compagnie <«<et du grand monde, qui se trouvoit répandu de « soi-même dans toutes ses conversations (1). >>

Mais madame de Maintenon observoit l'abbé de Fénelon sous des rapports plus sérieux, et non moins attachants. Lorsque sa liaison avec lui commençoit à s'établir d'une manière plus suivie, elle écrivoit à madame de Saint-Géran, le 15 avril 1691: « J'ai « vu encore aujourd'hui l'abbé de Fénelon. Il a bien « de l'esprit; il a encore plus de piété : c'est juste<< ment ce qu'il me faut (2). »

Ce fut donc la piété de Fénelon, encore plus que son esprit, qui inspira à madame de Maintenon le désir de le voir et de l'entretenir plus habituellement. Elle étoit alors occupée à donner à la maison de Saint-Cyr des règlements conformes à l'esprit de religion et aux vues de sagesse qu'elle s'étoit proposées dans cet établissement. Madame de Maintenon avoit autant de modestie que de lumières; elle ne se crut pas capable, avec le seul secours de son excellent esprit et de sa droite raison, de donner à Saint-Cyr l'ordre et la régularité, qui devoient garantir ce magnifique établissement de

(1) Mémoires de Saint-Simon, t. XVII, p. 177; t. XXII, p. 136, édit. in-12.

(2) Lettres de madame de Maintenon, t. II, p. 318.

toutes les variations, dont les institutions nouvelles sont encore plus souvent menacées, que celles que le temps et l'expérience ont affermies. Elle réclama les conseils et les instructions de tout

ce que l'Église de Paris offroit alors de plus vertueux et de plus éclairé. C'étoient des hommes aussi célèbres par leurs connoissances que par leur piété; c'étoient le P. Bourdaloue, MM. Tiberge et Brisacier, supérieurs des Missions étrangères; M. Joly, supérieur général de Saint-Lazare; l'abbé Godetdes-Marais, depuis évêque de Chartres (1). Fénelon fut associé à ces hommes respectables.

On reconnut bientôt que, par la flexibilité de son esprit, il étoit propre à tous les genres d'instruction, et que tout ce qui pouvoit être utile à la religion et au bien public, avoit un droit égal à l'activité de son zèle et à l'emploi de ses talents. Par un contraste singulier, on vit le même homme qui élevoit le petit-fils de Louis XIV, et préparoit à la France un grand roi, enseigner à des religieuses les vertus humbles et cachées du cloître, et à de jeunes pensionnaires les premiers éléments du christianisme. Il étonnoit, par son habileté et son expérience dans la conduite des âmes, ces hommes vénérables qui avoient blanchi dans l'exercice de ces

(1) Voyez, dans le t. XI de la Corresp. de Fénelon, les Notices sur MM. Brisacier, Tiberge, Joly, et Godet-des-Marais. (p. 293, 321, 328, 367.)

3.

Elle le prie de lui faire connoître

ses défauts.

pénibles et difficiles fonctions. Ses écrits et ses instructions passoient par les mains de madame de Maintenon, qui y trouvoit chaque jour de nouveaux motifs pour goûter le caractère et les principes de l'abbé de Fénelon. Il réunissoit tout ce qui pouvoit convenir à sa piété et plaire à son goût.

Elle voulut peut-être éprouver sa sincérité, en exigeant de lui un service, toujours délicat à demander, toujours difficile à rendre. Elle le pria de lui exposer par écrit les défauts qu'il avoit pu observer en elle; et Fénelon donna à madame de Maintenon le tableau des défauts de madame de Maintenon.

¶ Cette idée peut sans doute paroître singulière à quelques lecteurs peu familiarisés avec les principes et la pratique de la perfection chrétienne; mais elle ne semblera pas extraordinaire, si l'on se rappelle que, dans les principes même de la philosophie païenne, à plus forte raison dans les principes du christianisme, un des meilleurs moyens d'avancer dans la vertu, est d'avoir un véritable ami qui nous avertisse de nos défauts (1). Aussi est-ce l'usage constant des personnes de piété, de laisser à leur directeur une pleine liberté de les

Rodri

(1) Selectæ e prof. script. Hist. lib. V, cap. 28. guez, Perfect, chrét, Traité de la Correction frat. et Traité de la Direction. (Édit. in-4°, t. III, 7 et 8e Traités.) (ÉDIT.)

avertir de leurs défauts, et même de leurs imperfections. Peut-on s'étonner, après cela, que madame de Maintenon ait donné ce témoignage de confiance à Fénelon, dans un temps où elle avoit une si haute idée de ses lumières et de sa piété?

Au reste, si l'idée étoit singulière, il faut avouer que l'exécution en est remarquable. Si madame de Maintenon s'étoit méfiée de la sincérité de celui qu'elle consultoit sur une matière si délicate, elle dut être rassurée; et la franchise de Fénelon dut ajouter à son estime et à sa confiance pour lui. Nous ne rapporterons que les traits les plus saillants de sa réponse; ils suffiront pour montrer que madame de Maintenon étoit aussi digne d'entendre la vérité, que Fénelon de la lui dire(1).

«

« Je ne puis, Madame, vous parler sur vos défauts qu'au hasard. Vous n'avez jamais agi de << suite avec moi, et je compte pour peu ce que les << autres m'ont dit de vous; mais n'importe, je vous « dirai ce que je pense.

« Vous êtes bonne à l'égard de ceux pour qui « vous avez du goût et de l'estime; mais vous êtes

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froide, dès que ce goût vous manque : quand vous « êtes sèche, votre sécheresse va assez loin; ce qui « vous blesse, vous blesse vivement.

(1) Cette lettre paroît avoir été écrite vers l'an 1690. Elle se trouve dans la Corresp. de Fénelon, t. V, p. 466.

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« Vous tenez, par un sentiment de mauvaise gloire, <«< au plaisir de soutenir votre prospérité avec mo« dération, et de paroître, par votre cœur, au-des<< sus de votre place.

« Vous êtes naturellement disposée à la confiance « pour les gens de bien, dont vous n'avez pas << assez éprouvé la prudence; mais quand vous com<«< mencez à vous défier, votre cœur s'éloigne d'eux << trop brusquement. Il y a cependant un milieu, << entre l'excessive confiance qui se livre, et la dé<< fiance qui ne sait plus à quoi s'en tenir lorsqu'elle << sent que ce qu'elle croyoit tenir lui échappe.

« On dit, et selon toute apparence avec vérité, « que vous êtes sévère; qu'il n'est pas permis d'avoir << des défauts avec vous; et qu'étant dure à vous« même, vous l'êtes aussi aux autres; que quand << vous commencez à trouver quelque foible dans <«<les gens que vous avez espéré de trouver parfaits, « vous vous en dégoûtez trop vite, et que vous << poussez trop loin le dégoût.

«

«<> On dit que vous vous mêlez trop peu des af« faires. Ceux qui vous parlent ainsi, sont inspirés «< par l'inquiétude, par l'envie de se mêler du gou<< vernement, et par le dépit contre ceux qui distri« buent les grâces, ou par l'espoir d'en obtenir par « vous. Le zèle du salut du Roi ne doit point vous <«< faire aller au delà des bornes que la Providence « semble vous avoir marquées.

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