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nières traces des sentiments qui ont uni si longtemps Bossuet et Fénelon, comme on aime à retrouver les vestiges des monuments consacrés par la présence des grands hommes qui les ont habités. Hélas! le moment n'est pas éloigné, où nous aurons à rendre compte des affligeantes controverses qui divisèrent deux évêques, que la postérité se plaît à réunir dans les mêmes sentiments de respect et d'admiration.

Les heureux résultats de l'éducation du duc de Bourgogne donnèrent à Fénelon autant d'admirateurs à Paris qu'à Versailles. On peut même dire que l'opinion de Paris et du reste de la France étoit plus désintéressée que celle de la cour. Les courtisans ne considèrent souvent, dans les dispositions ou les qualités qu'annonce l'héritier du trône, que l'influence qu'elles peuvent avoir sur leur existence personnelle; ses bonnes ou ses mauvaises qualités sont également l'objet de leurs spéculations. Il est même plus ordinaire d'arriver à la faveur et aux grâces, en profitant des foiblesses ou des vices du souverain, que de se confier à ses vertus, pour en attendre des honneurs et des récompenses. Mais tout ce qui est étranger à la cour, est nécessairement étranger à tous ces petits calculs d'intérêt et d'amour-propre; les habitants des villes et des campagnes, tout ce qui compose une nation, a tout à craindre et rien à espérer des mauvaises qualités d'un

prince. C'est ce sentiment naturel qui excite l'inquiète sollicitude du peuple, sur le caractère des maîtres que la Providence lui réserve; c'est cet intérêt si puissant, qui fait hasarder tant de conjectures puériles, si souvent démenties par l'événement, tant de pronostics sinistres, tant d'illusions flatteuses. C'est ce sentiment qui attacha tant d'espérance aux vertus du duc de Bourgogne, et qui a laissé tant de gloire à Fénelon.

On voit, par le discours que lui adressa, en 1693, le directeur de l'Académie françoise, que l'opinion publique étoit déjà fixée, sur toutes les parties brillantes de son génie et de son caractère. La mort de Pellisson avoit fait vaquer une place à l'Académie; et elle s'étoit empressée de lui donner l'abbé de Fénelon pour successeur. Un usage constant a appelé à l'Académie françoise tous les précepteurs des princes de la famille royale. On est dispensé d'observer que Fénelon n'avoit pas besoin de ce titre pour y être admis (1); on peut seulement remarquer, dans le compliment que lui adressa le directeur

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(1)

« Pourrions-nous le croire si les registres de l'Acadé<< mie françoise ne l'attestoient, que le jour où Fénelon fut élu par cette compagnie, deux académiciens ne rougirent de lui donner une boule d'exclusion? Heureusement « pour eux, et surtout pour nous qui devons être leur histoa rien, ils seront à jamais inconnus. » (D'Alembert, Hist. des membres de l'Académie françoise, t. I, p. 306.)

a pas

109.

Fénelon est reçu à l'Acadé

mie françoise.

1693.

de l'Académie, le jour de sa réception (31 mars 1693), que Fénelon étoit déjà jugé par ses contemporains comme il l'a été par la postérité.

Cependant il n'avoit encore donné au public que son traité De l'Éducation des Filles, et celui du Ministère des Pasteurs. Mais l'éducation du duc de Bourgogne étoit un ouvrage d'un tout autre genre et d'une tout autre importance. Cet ouvrage étoit déjà, pour ainsi dire, jugé par le public; et le directeur de l'Académie n'étoit que l'organe de la France entière, lorsqu'en pensant à tout ce qu'avoit dû coûter cette éducation, et à tout ce qu'elle avoit produit (1), il admiroit, dans Fénelon, « la vaste « étendue de ses connoissances en tout genre d'éru<< dition, sans confusion et sans embarras; son juste << discernement pour en faire l'application et l'usage; « cet agrément et cette facilité d'expression qui « venoit de la clarté et de la netteté des idées; <«< cette mémoire dans laquelle, comme dans une bibliothèque qui le suivoit partout, il trouvoit à << propos les exemples et les faits historiques dont il « avoit besoin; enfin, cette imagination, de la beauté « de celle qui fait les plus grands hommes dans tous « les arts;... cette douceur qui lui étoit propre, et << par laquelle il avoit su rendre le travail aimable

(1) Réponse de M. Bergeret à l'abbé de Fénelon, le jour de sa réception. (OEuvres de Fénelon, t. XXI, p. 134, etc.)

« aux jeunes princes, et leur faire trouver du plai<< sir dans l'étude. »

Ce jugement porté sur Fénelon, dès l'entrée de sa carrière, et avant qu'il eût écrit tous les ouvrages qui l'ont placé au premier rang des auteurs du siècle de Louis XIV, annonce qu'il s'étoit déjà montré tel qu'il a toujours été. Si l'on veut peindre aujourd'hui Fénelon, on est obligé d'emprunter les mêmes traits et les mêmes expressions.

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Fénelon prononça, selon l'usage, le jour de sa réception, un discours trop connu pour qu'il soit besoin de le rapporter en entier (1). Il suffira de rappeler ce qu'il dit du cardinal de Richelieu, qu'il représente « constant dans ses maximes inviolable dans ses promesses; faisant sentir ce « que peuvent la réputation du gouvernement et << la confiance des alliés... Le temps, qui efface << les autres noms, fait croître le sien; et, à mesure qu'il s'éloigne de nous, il est mieux dans son point <<< de vue. >>

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(1) Ibid. p. 125, etc. Les auteurs de la Bibliothèque Britannique, en parlant de ce discours de Fénelon, disent: « qu'il « brille dans le recueil des harangues académiques, velut « inter ignes luna minores; qu'on y voit son goût pour Homère, pour la poésie naïve et touchante, pour ces traits « d'une noble simplicité des Raphaël et des Carraches, qu'il « a si bien imités à sa manière. » (1742, avril, mai, juin, vol. XIX, p. 34.)

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110.

Son Discours

de réception.

Fénelon, en faisant l'éloge de Pellisson, qu'il remplaçoit à l'Académie, rappelle ses disgrâces, ses longs malheurs, son noble courage, sa généreuse fidélité à l'amitié. Destiné à éprouver à son tour la disgrâce de son souverain, Fénelon écrivoit sans le savoir sa propre histoire, et se peignoit lui-même tel qu'il devoit être un jour, lorsqu'il disoit de Pellisson « Pour montrer toute sa vertu, il ne lui << manquoit que d'être malheureux ; il le fut. >>

»

Dans ce même discours, Fénelon fait connoître le véritable mérite des grands écrivains d'un siècle auquel il devoit lui-même ajouter tant de gloire, en montrant comment ils avoient su éviter cette recherche d'expressions, cette affectation d'esprit qu'on avoit justement reprochées à l'hôtel de Rambouillet. « On n'abuse plus, comme on « le faisoit autrefois, de l'esprit et de la parole;... « on ne s'attache plus aux paroles, que pour expri« mer toute la force des pensées; et on n'admet « que les pensées vraies, solides, concluantes pour

le sujet où l'on se renferme. L'érudition, autrefois « si fastueuse, ne se montre plus que pour le be« soin l'esprit même se cache, parce que toute la « perfection de l'art consiste à imiter si naïvement << la simple nature, qu'on le prenne pour elle. « Ainsi, on ne donne plus le nom d'esprit à une imagination éblouissante; on le réserve pour « un génie réglé et correct, qui tourne tout en sen

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