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attaché à la marquise de Laval; il avoit été élevé avec elle; elle étoit la fille unique du marquis Antoine de Fénelon, qui avoit servi de père à Fénelon. La marquise de Laval parut se flatter que le crédit du précepteur des enfants de France pourroit faire obtenir à son fils, âgé sculement de quatre ans, la lieutenance de Roi de la Marche, qui étoit depuis longtemps dans sa famille (1). Mais Fénelon lui exposa avec candeur les motifs qui ne lui ne lui permettoient pas d'intervenir dans une sollicitation de cette nature. Il lui écrivit (2) : « M. de Lostanges, << à qui le Roi avoit donné la lieutenance de Roi de « la Marche, a été tué au siége de Mons; ainsi « voilà cette charge vacante comme auparavant, « et par conséquent madame de Laval dans les « mêmes termes où elle étoit. Elle sait bien que je ne dois, ni ne puis, en l'état où je suis, de« mander des graces au Roi. Si j'en avois quelqu'une à demander, ce ne seroit pas pour moi; « ce seroit pour elle et pour M. son fils. Mais je « ne puis me relácher d'une règle étroite, que la « bienséance de mon état, et ce que le Roi attend « de moi, m'engagent à suivre. J'avertis donc ma« dame de Laval, afin qu'elle puisse agir suivant qu'elle croira qu'il lui convient de le faire pour

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(1) Voyez ci-dessus, p. 54, note 2.

(2) Lettre de Fénelon à la marquise de Laval, 17 avril 1691. (Corresp. de Fénelon, t. II, p. 25.)

« M. son fils. Je la supplie même de ne compter <«< pour rien mes sentiments. Il est vrai que je crois « que les démarches qu'on feroit, ou qu'on feroit « faire, seroient inutiles. Le Roi ne donne point des <«< charges à des enfants, surtout quand les pères << n'ont pas été tués dans le service, et que ce ne << sont point des charges de sa maison; car pour les << anciens domestiques, il les traite d'une manière <«< bien différente du reste des gens. C'est suivant «< cette règle, que le Roi a toujours rejeté tout ce qu'on lui a dit en faveur du fils de madame de Laval, pour cette lieutenance de Roi. Voilà une espèce de mémoire que j'avois fait d'abord ; je << vous l'envoie tel que je l'ai fait. En vérité, je « voudrois de tout mon cœur pouvoir agir pour « M. votre fils; mais quand il s'agiroit de ma vie, je ne demanderois rien au Roi. Si je pouvois << vous entretenir, vous conviendriez que je ferois « une extrême faute de faire autrement. D'ailleurs

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Ce n'étoit pas seulement sur des demandes à former et des grâces à obtenir, que Fénelon avoit à combattre les espérances de sa famille et sa tendresse pour elle. Il se voyoit souvent obligé de résister aux empressements de ses amis, qui gémissoient d'être privés de la douceur habituelle de sa société. La marquise de Laval, devenue depuis peu sa

belle-sœur, par son mariage avec le comte de Fénelon, portoit quelquefois dans l'amitié cette inquiétude, cette exigence, cette jalousie délicate, qui lui faisoit trouver que Fénelon ne l'aimoit pas encore assez au gré de son cœur. Elle ne vouloit pas comprendre que Fénelon, attaché à l'éducation de l'héritier du trône, avoit des devoirs à remplir, dont il devoit un compte rigoureux à Dieu et au Roi; que dans sa place, il appartenoit encore plus à l'État qu'à sa famille ; que ses jours et ses moments n'étoient plus à lui; et qu'en acceptant la servitude honorable à laquelle il s'étoit voué, s'il n'avoit pas renoncé à l'amitié, il avoit perdu la liberté d'en jouir avec cette douce assiduité qui en fait le bonheur et le charme. Il cherchoit au moins à consoler sa bellesœur, par ces tendres expressions où toute la bonté de son cœur se peint avec la simplicité la plus aimable (1): « Je ne suis point content, ma chère sœur, << de la manière dont nous nous sommes vus. Quand

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je vais vous voir, j'y apporte toujours, ce me semble, la meilleure disposition du monde, pour << vous témoigner une vraie amitié, et pour vous parler à cœur ouvert. Mais la brièveté du temps, <«<et votre prévention que je ne vous aime point

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(1) Lettre de Fénelon à la marquise de Laval, 4 septembre 1694. (Corresp. de Fénelon, t. II, p. 51.)

108. Jugement

de Bossuet sur l'éducation du duc de Bourgogne; opinion publique sur ce point.

<< assez, me tiennent dans une certaine réserve dont

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je ne suis point content. Je vous conjure de croire « que je vous aime, que je vous estime, et que je << vous honore. »

Et comment Fénelon auroit-il pu faire du duc de Bourgogne ce qu'il en avoit fait, si cet objet presque exclusif de ses devoirs, de ses sentiments et de ses vœux, n'eût pas occupé son âme tout entière, et rempli tous ses jours et tous ses moments? Le succès le plus heureux avoit justifié ses soins et ses espérances; et la cour étonnée ne pouvoit comprendre comment le court espace de quelques années avoit suffi pour vaincre ce caractère indomptable, et changer en vertus les qualités les plus effrayantes.

Tout ce que l'on racontoit de l'esprit, de l'instruction et des talents du duc de Bourgogne, parut étonner Bossuet lui-même, qui se méfioit en général de tous ces prodiges prématurés. Il ne voulut s'en rapporter qu'à son propre jugement. Il demanda, et on lui ménagea une entrevue particulière avec le jeune prince. Ce prélat, après l'avoir entretenu longtemps, sur différentes matières relatives à son éducation, ne put s'empêcher de marquer tout à la fois sa surprise et son admiration. Il prédit qu'il n'en seroit pas de la réputation du duc de Bourgogne comme de celle que

la flatterie fait quelquefois aux enfants des rois, et qui s'évanouit dès qu'ils paroissent sur le théâtre du monde (1).

Le suffrage de Bossuet étoit fait pour toucher et pour encourager Fénelon. Ces deux grands hommes étoient encore dans des rapports de confiance et d'intimité, qui tournoient toujours à l'avantage de la religion. Bossuet avoit établi chez lui, à Versailles, lorsqu'il y exerçoit les fonctions de précepteur du premier Dauphin, des conférences sur l'Écriture sainte. Il suffit de nommer les personnes qui assistoient à ces conférences, pour donner une idée du mérite de leur travail : c'étoient l'abbé Fleury, l'abbé de Langeron, l'abbé Renaudot, l'abbé de Longuerue, Pellisson, Cordemoi, M. de la Broue, depuis évêque de Mirepoix, et Fénelon (2).

On retrouve toujours, à l'époque dont nous parlons, les mêmes sentiments de confiance et d'amitié dans leurs lettres. Comme ils étoient alors à portée de se voir fréquemment à Versailles, il nous est resté peu de monuments de cette ancienne correspondance; mais ce que nous en avons, suffit pour attester la sincère estime dont ils étoient pénétrés l'un pour l'autre. On aime à suivre jusqu'aux der

(1) Vie de Fénelon, par le P. de Querbeuf, p. 135. (2) Voyez, ci-dessus, la note 1 de la p. 51.

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