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sans être soupçonné d'être inspiré par aucun motif d'intérêt, ou par aucun préjugé de parti.

L'institut des Jésuites, auquel aucun autre institut n'a jamais été, n'a jamais pu être comparé, pour l'énergie, la prévoyance et la profondeur de conception qui en avoit tracé le plan et combiné tous les ressorts, avoit été créé pour embrasser dans le vaste emploi de ses attributs et de ses fonctions toutes les classes, toutes les conditions, tous les éléments qui entrent dans l'harmonie et la conservation des pouvoirs politiques et religieux. En remontant à l'époque de son établissement, on découvre facilement que l'intention publique et avouée de cet institut avoit été de défendre l'Église catholique contre les Luthériens et les Calvinistes, et que son objet politique, dans l'intention des souverains qui accueillirent ce nouvel ordre religieux, || étoit de protéger l'ordre social, et la forme de gouvernement établie dans chaque pays, contre le torrent des opinions anarchiques, qui marchent toujours de front avec les innovations religieuses. Partout où les Jésuites pouvoient se faire entendre, ils maintenoient toutes les classes de la société dans un esprit d'ordre, de sagesse et de conservation. Appelés, dès leur origine, à l'éducation des principales familles de l'État, ils étendoient leurs soins jusque sur les classes inférieures, qu'ils entretenoient dans l'heureuse habitude des vertus religieu

9.

Institut

des Jésuites.

ses et morales. Tel étoit surtout l'utile objet de ces nombreuses congrégations qu'ils avoient créées dans toutes les villes, et qu'ils avoient eu l'habileté de lier à toutes les professions et à toutes les institutions sociales. Des exercices de piété simples et faciles, des instructions familières appropriées à chaque condition, et qui n'apportoient aucun préjudice aux travaux et aux devoirs de la société, servoient à maintenir dans tous les états cette régularité de mœurs, cet esprit d'ordre et de subordination, cette sage économie, qui conservent la paix et l'harmonie des familles, et assurent la prospérité des empires (1).

Si, dès sa naissance, cette société eut tant de combats à soutenir contre les Luthériens et les Calvinistes, c'est que, partout où les Luthériens et les Calvinistes cherchoient à faire prévaloir leur doctrine, les guerres et les convulsions politiques devenoient la suite nécessaire de leurs principes religieux.

Familiarisés avec tous les genres de connoissances, les Jésuites s'en servirent avec avantage pour conquérir cette considération toujours attachée à la

(1) On se ressouvient encore, dans les principales villes de commerce, que jamais il n'y eut plus d'ordre et de tranquillité, plus de probité dans les transactions, moins de faillites et moins de dépravation, que lorsque ces congrégations y existoient.

supériorité des lumières et des talents, La confiance de tous les gouvernements catholiques, et les succès de leur méthode, firent passer presque exclusivement entre leurs mains le dépôt de l'instruction publique.

Ils eurent le mérite d'honorer leur caractère religieux et moral par une sévérité de mœurs, une tempérance, une noblesse et un désintéressement personnel que leurs ennemis mêmes n'ont pu leur contester. C'est la plus belle réponse à toutes les satires qui les ont accusés de professer des principes relâchés.

Ce corps étoit si parfaitement constitué, qu'il n'a eu ni enfance ni vieillesse. On le voit, dès les premiers jours de sa naissance, former des établissements dans tous les États catholiques, combattre avec intrépidité toutes les sectes nées du luthéranisme, fonder des missions dans le Levant et dans les déserts de l'Amérique, se montrer aux mers de la Chine, du Japon et des Indes. Il existoit depuis deux siècles, et il avoit la même vigueur que dans les temps de sa maturité. Il fut animé, jusqu'au dernier soupir, du même esprit qui lui avoit donné la vie. On ne fut jamais obligé de suppléer par de nouvelles lois à l'imperfection de celles qu'il avoit reçues de son fondateur. L'émulation que cet ordre inspiroit étoit utile et nécessaire à ses rivaux mêmes; et à l'époque de sa destruction, il entraîna

dans sa chute les insensés qui avoient eu l'imprudence de triompher de sa catastrophe.

On ne pourra jamais comprendre par quel esprit de vertige les gouvernements dont les Jésuites avoient le mieux mérité ont eu l'imprudence de se priver de leurs plus utiles défenseurs. A peine se ressouvient-on aujourd'hui des causes puériles et des accusations dérisoires qui ont servi de prétexte à leur proscription. On se rappelle seulement que les juges, qui déclarèrent le corps entier convaincu des plus graves délits, ne purent trouver un seul coupable parmi tous les membres qui le composoient. La destruction des Jésuites a porté le coup le plus funeste à l'éducation publique dans toute l'Europe catholique; aveu remarquable, qui se trouve aujourd'hui dans la bouche de leurs ennemis, comme dans celle de leurs amis.

Cette société sut honorer ses malheurs par un courage noble et tranquille; sa religieuse et impassible résignation attesta la pureté de ses principes et de ses sentiments. Ces hommes, qu'on avoit peints si dangereux, si puissants, si vindicatifs, fléchirent, sans murmurer, sous la main terrible qui les écrasoit; ils eurent la générosité de respecter et de plaindre la foiblesse du pontife condamné à les sacrifier. Leur proscription a été le premier essai et comme le modèle de ces jeux cruels de la fureur et de la folie, qui ont brisé en

un moment l'ouvrage de la sagesse des siècles, et dévoré en un jour les richesses des générations passées et futures.

Mais au moment où commence notre histoire

de Fénelon, s'élevoit à côté des Jésuites une société rivale, appelée, pour ainsi dire, à les combattre, avant même que de naître. L'école de PortRoyal ne fut, dans son origine, que la réunion des membres d'une seule famille; et cette famille étoit celle des Arnauld, déjà connue par sa haine héréditaire pour les Jésuites (1). Elle eut le mérite de produire des hommes distingués par de grandes vertus et de grands talents. Réunis par les mêmes sentiments et les mêmes principes, ils se recommandoient à l'estime publique par la sévérité de leurs mœurs et par un généreux mépris des honneurs et des richesses. Une circonstance singulière leur avoit donné une espèce d'existence indépen

(1) Le docteur Antoine Arnauld, si célèbre par son opposition aux Jésuites, et par son attachement au parti de Jansenius, étoit fils d'Antoine Arnauld, procureur général de la reine Catherine de Médicis, et connu aussi par son opposition aux Jésuites; il manifesta surtout cette disposition dans le plaidoyer qu'il prononça, en 1594, pour l'Université contre les Jésuites, et dans un autre écrit, publié en 1603, pour empêcher leur rétablissement en France. Voyez, à ce sujet, le Dictionn. de Moreri, art. Arnauld, — D'Avrigny, Mém, pour servir à l'hist. eccl. du dix-septième siècle, t. I, nov. 1609. — Varin, La vérité sur les Arnauld, (ÉDIT.)

10. École de Port-Royal.

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