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77. Fables

de Fénelon.

prévoir lui-même les torts dont il se rendroit coupable, par l'emportement de son humeur. Ainsi, les avis et les reproches étoient toujours le résultat nécessaire et naturel des excès auxquels il s'étoit abandonné.

Si on veut connoître la méthode de Fénelon et suivre l'éducation de son élève, on n'a qu'à lire les Fables et les Dialogues qu'il écrivit pour le jeune prince (1). Chacune de ces fables, chacun de ces dialogues fut composé dans le moment même où l'instituteur le jugeoit utile ou nécessaire, pour rappeler à l'élève la faute qu'il venoit de commettre, et lui inculquer, d'une manière plus sensible et plus précise, la leçon qui devoit l'instruire.

On a imprimé ces fables et ces dialogues sans y observer un ordre et une suite, dont un pareil recueil n'avoit en effet aucun besoin. Fénelon ne les composoit, comme on l'a déjà dit, que pour la circonstance et pour le moment; mais il seroit facile d'en suivre, pour ainsi dire, la chronologie, en les comparant au progrès que l'âge et l'instruction devoient amener dans l'éducation du duc de Bourgogne. On observera que ces fables et ces dialogues ne conviennent qu'à un prince, et à un prince destiné à régner. Tout se rapporte à cet objet presque

(1) OEuvres de Fénelon, t. XIX.

exclusif; tout se rallie à ce grand intérêt, auquel tant d'autres intérêts venoient se réunir. On voit par la simplicité, la précision et la clarté de quelques-unes de ces fables, qui furent probablement écrites les premières, qu'elles s'adressent à un enfant dont il falloit éviter de fatiguer l'intelligence, et à l'esprit duquel on ne devoit présenter que ce qu'il pouvoit saisir et conserver.

Ces fables prennent ensuite un caractère un peu plus élevé; elles renferment quelques allusions à l'histoire et à la mythologie, à mesure que les progrès de l'instruction mettoient le jeune prince à portée de les saisir et de s'en faire l'application. C'est ainsi que Fénelon le familiarisoit peu à peu avec cette ingénieuse féerie, que les poëtes de l'antiquité avoient créée, pour embellir des couleurs brillantes de leur imagination les premiers événements du monde, et pour suppléer aux faits que la révélation ne leur avoit point appris, sur la véritable origine des choses.

Le style de ces Fables a toujours une élégance naturelle, qui flatte agréablement l'oreille d'un enfant né avec du goût, et qui contribue à lui donner de bonne heure le sentiment de la convenance, de la propriété et du choix des mots. Elles ont toujours un but moral; mais non pas ce moral vague et indéfini, dont il est difficile qu'un enfant puisse sentir le mérite et l'utilité, puisque rien encore ne

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78.

Leur but moral.

l'a placé dans les circonstances où il puisse se reconnoître et se retrouver.

Les Fables que Fénelon écrivoit pour le duc de Bourgogne, se rapportoient presque toujours à un fait qui venoit de se passer, et dont l'impression encore récente ne lui permettoit pas d'éluder l'application: c'étoit un miroir dans lequel il étoit forcé de se reconnoître, et qui lui offroit souvent des traits peu flatteurs pour son jeune amour-propre. Les vœux les plus tendres, les espérances les plus douces, venoient ensuite embellir ces humiliantes images, dans la crainte que l'enfant ne conçût une aversion trop naturelle pour un genre d'instruction qui ne lui auroit jamais rappelé que des souvenirs affligeants ou des reproches sévères. C'étoit avec cette variété de tons, avec ces ménagements délicats, avec ces nuances imperceptibles, toujours nécessaires pour ne pas irriter l'amourpropre des enfants, presque aussi susceptible que celui des hommes, que Fénelon parvenoit à faire goûter au duc de Bourgogne les premiers conseils de la raison, et les premières leçons de la

vertu.

S'il veut lui inspirer plus d'aménité dans les manières, et plus de douceur dans le caractère, il suppose « que le soleil veut respecter le sommeil d'un « jeune prince, pour que son sang puisse se rafraî

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chir, sa bile s'apaiser; pour qu'il puisse obtenir

« la force et la santé dont il aura besoin, et je « ne sais quelle douceur tendre qui pourroit seule « lui manquer. Pourvu qu'il dorme, qu'il rie, qu'il «< adoucisse son tempérament, qu'il aime les jeux « de la société, qu'il prenne plaisir à aimer les « hommes et à se faire aimer d'eux, toutes les grâces de l'esprit et du corps viendront en foule « pour l'orner (1). »

«

S'il veut l'exciter à mettre plus d'attention à ses études, et à apporter plus d'exactitude à ses compositions, il le peint à lui-même sous la figure du jeune Bacchus, peu fidèle aux leçons de Silène, et dont un Faune moqueur relève toutes les fautes en riant. Le jeune Bacchus ne pouvant souffrir les railleries du Faune, toujours prêt à se moquer de ses expressions, si elles ne sont pures et élégantes, lui dit, d'un ton fier et impatient : « Comment «oses-tu te moquer du fils de Jupiter? Le Faune

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répond sans s'émouvoir: Hé! comment le fils de

Jupiter ose-t-il faire quelque faute (2)? »

Fénelon veut retracer au duc de Bourgogne, dans une seule fable, tous les défauts de son caractère; et il compose la fable du Fantasque. Le duc de Bourgogne est obligé d'y lire la fidèle histoire de toutes ses inégalités et de tous ses emportements (3).

(1) Fable xx11o. (OEuvres de Fénelon, t. XIX, p. 62.) (2) Fable xx1. (Ibid. p. 61.)

(3) Opuscules divers; le Fantasque. (Ibid. p. 449, etc.)

79.

Opuscule

du Fantasque.

« Qu'est-il donc arrivé de funeste à Mélanthe ? <«< Rien au dehors, tout au dedans... Il se coucha << hier les délices du genre humain ; ce matin, on «<est honteux pour lui, il faut le cacher. En se le<< vant, le pli d'un chausson lui a déplu; toute « la journée sera orageuse, et tout le monde en «< souffrira. Il fait peur, il fait pitié; il pleure « comme un enfant, il rugit comme un lion. Une << vapeur maligne et farouche trouble et noircit << son imagination, comme l'encre de son écritoire « barbouille ses doigts. N'allez pas lui parler des «< choses qu'il aimoit le mieux il n'y a qu'un mo«ment; par la raison qu'il les a aimées, il ne les « sauroit plus souffrir. Les parties de divertisse«ments qu'il a tant désirées, lui deviennent en<«< nuyeuses; il faut les rompre. Il cherche à con« tredire, à se plaindre, à piquer les autres; il « s'irrite de voir qu'ils ne veulent point se facher... Quand il manque de prétexte pour attaquer les <«< autres, il se tourne contre lui-même; il se blâme, <«< il ne se trouve bon à rien, il se décourage; il <«< trouve fort mauvais qu'on veuille le consoler. « Il veut être seul, et il ne peut supporter la so<«<litude; il revient à la compagnie, et s'aigrit contre « elle. On se tait; ce silence affecté le choque. « On parle tout bas; il s'imagine que c'est contre <«<lui. On parle tout haut; il trouve qu'on parle « trop, et qu'on est trop gai pendant qu'il est triste.

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