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« et plus encore pour un prêtre, de se voir obligé « d'entrer en composition avec l'ennemi de son sa« lut! En vérité, Monsieur, votre poste est bien

«

dangereux; et avouez de bonne foi qu'il est bien « difficile de ne pas s'y affoiblir, et qu'il faut une <<< vertu bien consommée pour s'y soutenir.

« Si jamais l'étude et la méditation de l'Écriture << sainte vous ont été nécessaires, c'est bien mainte<< nant qu'elles le sont d'une manière indispensable. Il << semble que vous n'en ayez eu besoin jusqu'ici, que « pour vous remplir de bonnes idées, et vous nour«rir de la vérité ; mais vous en aurez besoin désor« mais, pour vous garantir des mauvaises impres<«<sions, et vous préserver du mensonge..... Il vous <«< est certainement d'une conséquence infinie de ne perdre jamais de vue le redoutable moment de « votre mort, où toute la gloire du monde doit disparoître comme un songe, et où toute la créature,

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qui auroit pu vous servir d'appui, fondra sous <«< vous. Vos amis vous consoleront sans doute, sur ce « que vous n'avez pas recherché votre emploi ; et « c'est assurément un juste sujet de consolation, et << une grande miséricorde que Dieu vous a faite. << Mais il ne faut pas trop vous appuyer là-dessus; on << a souvent plus de part à son élévation qu'on ne «< pense; il est très-rare qu'on l'ait appréhendée, << et qu'on l'ait fuie sincèrement; on voit peu de « personnes arriver à ce degré de régénération. L'on

<< ne recherche pas toujours, avec l'empressement << ordinaire, les moyens de s'élever; mais on ne man« que guère de lever adroitement les obstacles. On « ne sollicite pas fortement les personnes qui peuvent <«< nous servir, mais on n'est pas fâché de se mon<«<trer à eux par les meilleurs endroits; et c'est jus<< tement à ces petites découvertes humaines, qu'on peut attribuer le commencement de son élévation. Ainsi personne ne sauroit s'assurer entièrement qu'il ne se soit pas appelé soi-même; ces démar«ches de manifestation de talents, qu'on fait sou« vent sans beaucoup de réflexion, ne laissent pas « d'être fort à craindre; et il est toujours bon de « les effacer par les sentiments d'un cœur contrit << et humilié.

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« Je ne sais si vous ne trouverez pas cette lettre «< un peu trop libre et un peu trop longue, et si « elle ne vous paroîtra pas plutôt un sermon fait <«< mal à propos, qu'un compliment judicieux. Je sc« rois certainement et plus court et plus retenu, « si je désirois moins votre salut. S'il y a quelque chose, dans ma lettre, de moins respectueux qu'il ne faudroit, prenez-vous-en à la tendresse « de mon cœur, qui ne peut être touché que vive<< ment de vos véritables intérêts... Comptez, s'il vous plaît, que je ne cesserai de demander à Dieu qu'il vous pénètre du sentiment inviolable de a sa charité, afin que nulle tentation ne change

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« ou n'affoiblisse les pieux sentiments qu'elle vous inspirera. C'est la prière que fait l'Eglise pour « obtenir la charité pour ses enfants. Je suis avec <«< un très-profond respect, etc. »

Fénelon étoit digne d'entendre ce langage dicté par l'intérêt le plus vrai et le sentiment le plus respectable. Il y retrouvoit tous les principes dont il avoit été nourri, et qui avoient servi si utilement à régler sa conduite. Mais cette voix paternelle dut lui rappeler de tristes souvenirs, et des regrets trop légitimes. Des trois instituteurs qui avoient guidé son enfance et sa jeunesse, M. Tronson étoit le seul qui lui restât. Son oncle, le marquis Antoine de Fénelon, étoit mort dès 1683; mais il pleuroit encore la perte plus récente de son oncle l'évêque de Sarlat (1). Sans doute deux parents si tendres et si religieux, qui avoient servi de père à leur neveu, auroient éprouvé la plus douce satisfaction, en voyant toute la France applaudir à un choix qui justifioit leurs soins et leurs espérances; sans doute Fénelon dut regretter d'avoir perdu des témoins si chers de la pureté de ses intentions, et des guides si utiles pour le garantir des écueils dont il alloit être environné. La lettre de M. Tronson, ses conseils, cette onction touchante qui rap

(1) Mort le 1er mai 1688, âgé de quatre-vingt trois ans. Voyez au n. I des Pièces justificatives, la Notice généal. sur la famille de Fénelon, § 6.

68. Le marquis

de Denonville

est nommé

peloit à Fénelon les plus précieux souvenirs de sa jeunesse, et sembloit réunir dans la bouche d'un seul homme la voix respectée de ses plus chers bienfaiteurs, durent rouvrir son cœur à la douleur, et mêler des larmes et des inquiétudes à la pensée de tout le bien qu'il vouloit et qu'il pouvoit faire. 1 En nommant le duc de Beauvilliers gouverneur du duc de Bourgogne, le Roi lui avoit associé, en qualité de sous-gouverneur, le marquis de Denon- sous-gouverneur. ville, digne de ce choix par les services qu'il avoit rendus à l'État pendant' plus de trente ans, dans divers emplois militaires, et particulièrement dans celui de gouverneur du Canada, qui lui avoit été donné en 1684 (1). Il étoit encore dans son gouvernement, lorsqu'il apprit sa nomination à l'emploi de sous-gouverneur du duc de Bourgogne; et il se mit aussitôt en devoir de revenir en France, où il arriva dans les premiers jours de l'année 1690. Peu de jours après son arrivée, il prêta le serment de sous-gouverneur entre les mains du duc de Beauvilliers, qui l'installa, ce jour-là même, dans l'exercice de son emploi. Tous les autres officiers inférieurs au gouverneur et au précepteur, prêtèrent successivement leur serment, selon l'usage, entre les mains du gouverneur (2).

(1) Voyez au n. VI des Pièces justificatives, les Provisions du marquis de Denonville.

(2) Nous tirons ces détails de la Gazette de France, et du

69.

L'abbé de Lan

Le duc de Beauvilliers avoit trop d'estime et de geron, lecteur; confiance en l'abbé de Fénelon, pour ne pas s'en et l'abbé Fleury, sous-précepteur. reposer sur son discernement, du choix de tous les

instituteurs qui devoient travailler sous ses ordres et sous sa direction. L'abbé de Langeron fut nommé lecteur; il étoit le plus ancien ami de Fénelon; il étoit digne de l'être. Son esprit, ses talents, ses connoissances très-étendues et très-variées, auroient suffi, indépendamment de tout autre titre, pour

Journal manuscrit de Dangeau, qui se conserve à la Biblio-
thèque royale. Voici ce qu'on lit, à ce sujet, dans ce der-.
nier recueil, sous la date du 14 janvier 1690: « M. de De-
« nonville, qui est revenu depuis peu de jours du Canada,
« dont il étoit gouverneur, a prêté aujourd'hui serment
<< entre les mains de M. de Beauvilliers, de la charge de sous-
« gouverneur de monseigneur le duc de Bourgogne; et, dès
« le soir, M. de Beauvilliers l'a installé. Cette charge ne vaut
«que 7,500 livres d'appointements. Il marche après le pré-
« cepteur, qui a 12,000 livres d'appointements, et qui prête ser-
«ment entre les mains du Roi, comme le gouverneur. On croit
« que M. de Denonville aura les entrées chez le Roi, parce
« que M. Millet, qui étoit sous-gouverneur de Monseigneur,
« les a eues. » On lit dans le même Journal, sous la date du
16 janvier suivant : « Le Roi donna les entrées chez lui à
« M. de Denonville, sous-gouverneur de monseigneur le duc
« de Bourgogne. M. Millet, sous-gouverneur de monsei-
«< gneur le Dauphin, les avoit eues; et cet exemple-là a dé-
« terminé le Roi. » Enfin, sous la date du 12 mars suivant :
« Le Roi a fait M. de Denonville maréchal de camp; ainsi, il
« ne perdra point son rang, en servant chez monseigneur
« le duc de Bourgogne. » (ÉDIT.)

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