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54.

Ses efforts pour la conversion

de M. de Saint

Hermine.

« Nous avons accoutumé les peuples à entendre « les vérités qui les condamnent le plus fortement, « sans être irrités contre nous. Au contraire, ils nous << aiment, et nous regrettent quand nous les quit« tons. S'ils ne sont pleinement convertis, du moins « ils sont accablés, et en défiance de toutes leurs << anciennes opinions; il faut que le temps et la cona fiance en ceux qui les instruiront de suite, fassent « le reste. Il faut tendre aussi à faire trouver aux peuples autant de douceur à rester dans le « royaume, que de péril à entreprendre d'en sortir; c'est, Monsieur, ce que vous avez commencé, et que je prie Dieu que vous puissiez achever « selon toute l'étendue de votre zèle. >>

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Fénelon finit sa lettre par rendre compte au marquis de Seignelay, des soins qu'il avoit inutilement pris, pour opérer la conversion de M. de Saint-Hermine (1). Le ministre apportoit d'autant

(1) M. de Saint-Hermine, dont il est ici question, étoit vraisemblablement parent de Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, connu par son Journal de la cour de Louis XIV. En effet, il est certain d'un côté que le titre de baron de Saint-Hermine appartenoit alors à la famille des seigneurs de Courcillon; et d'un autre côté, que plusieurs membres de cette famille faisoient, à cette époque, profession du protestantisme. Le marquis de Dangeau, aussi bien que son frère, connu dans le monde sous le nom d'abbé de Dangcau, avoient été élevés dans le protestantisme, qu'ils abjurèrent entre les mains de Bossuet, vers l'an 1668. Voyez

plus d'intérêt à cette conversion, qu'indépendamment du bon effet qui en seroit résulté sur tous les Protestants du Poitou, par la considération dont cette famille y jouissoit, il y trouvoit aussi le moyen le plus heureux de plaire à madame de Maintenon, en secondant les vœux de son zèle et de sa piété, pour une famille à laquelle elle étoit attachée par les liens du sang, de l'amitié et de la reconnoissance. Fénelon eut recours à un moyen assez singulier, pour convaincre M. de Saint-Hermine. Ne pouvant trouver de ministre protestant, qui consentît à entrer en dispute avec lui, parce que tous ceux qui en avoient pris l'engagement, ou s'étoient convertis, ou avoient disparu, il se chargea luimême du rôle de ministre protestant, et s'établit en controverse réglée contre l'abbé de Langeron, en plusieurs conférences qui eurent lieu en présence de M. de Saint-Hermine. On sent bien qu'un pareil rôle exigeoit une extrême bonne foi, pour éviter jusqu'au soupçon de chercher à affoiblir la cause qu'il s'étoit chargé de défendre; mais c'étoit Fénelon qui faisoit ce rôle; et s'il y a eu des nuages sur quelques-unes de ses opinions, on ne peut du moins raisonnablement en élever sur sa bonne foi. On peut seulement présumer que l'abbé de

Hist. de Bossuet,

le Dictionn, de Moreri, art. Courcillon. t. I, p. 112.- Essai historique (par M. Picot), t. II, p. 26.

t,

(ÉDIT.)

Langeron eut peut-être besoin de faire usage de tous les moyens victorieux qu'offre toujours la défense de la vérité, pour repousser les raisonnements subtils que dut lui opposer un adversaire aussi ingénieux et aussi séduisant que Fénelon. II faut l'entendre lui-même faire le récit de ces conférences. « J'ai eu sept ou huit longues conversa<«<tions avec M. de Saint-Hermine, à Rochefort, « où j'ai été le chercher; il entend bien ce qu'on lui

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dit; il n'a rien à y répondre, mais il ne prend <«< aucun parti. M. l'abbé de Langeron et moi, nous << avons fait devant lui des conférences assez fortes, <«<l'un contre l'autre. Je faisois le Protestant, et je « disois tout ce que les ministres peuvent dire de plus spécieux. M. de Saint-Hermine sentoit fort « bien la foiblesse de mes raisons, quelque tour que « je leur donnasse. Celles de M. l'abbé de Langeron «< lui paroissoient décisives; et quelquefois il répon« doit lui-même ce qu'il falloit, contre moi. Après cela, j'attendois qu'il seroit ébranlé; mais rien ne «< s'est remué en lui, du moins au dehors. Je ne «< sais s'il ne tient point à sa religion, par quelque « raison secrète de famille. Je serois retourné à «< Rochefort, pour lui parler encore, selon vos or«< dres, si M. l'intendant ne m'avoit mandé qu'il est « allé en Poitou. Dès qu'il en sera revenu, j'irai à <«< Rochefort, et je vous rendrai compte, Monsieur, « de ce que j'aurai fait. »

«

55.

de ramener

Fénelon avoit continué ses relations avec Bossuet, Lettre à Bossuet, pendant ses missions du Poitou. On n'a conservé de sur la difficulté cette correspondance qu'une seule lettre, publiée d'a- les Protestants. bord dans les OEuvres de Bossuet, par D. Deforis, et reproduite depuis dans la Correspondance de Fénelon (1). Nous croyons devoir la mettre sous les yeux de nos lecteurs; elle confirme les détails que nous venons de rapporter, et on y voit cette douce habitude de confiance et de familiarité qui les unissoient encore: on y remarquera la manière dont Fénelon s'exprime au sujet des avis que M. de Seignelay lui avoit transmis, et qui ne permet pas de douter que Fénelon n'ait toujours agi de concert avec Bossuet, dans le système de conduite qu'il avoit suivi avec les nouveaux convertis.

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Quoique je n'aie rien de nouveau à vous dire, Monseigneur, je ne puis m'abstenir de l'honneur « de vous écrire; c'est ma consolation en ce pays : «< il faut me permettre de la prendre. Nos convertis « vont un peu mieux; mais le progrès est bien lent: « ce n'est pas une petite affaire, de changer les sen

timents de tout un peuple. Quelle difficulté devoient trouver les apôtres pour changer la face « de l'univers, pour renverser le sens humain,

(1) OEuvres de Bossuet, édit. in-4° de 1778, t. IX, p. 565. Cette lettre a été omise par inadvertance dans l'édition des OEuvres de Bossuet donnée à Versailles. Elle a été insérée dans la Corresp. de Fénelon, t. II, p. 296. (ÉDIT.)

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<< vaincre toutes les passions, et établir une doctrine « jusqu'alors inouïe; puisque nous ne saurions per« suader des ignorants, par des passages clairs et « formels qu'ils lisent tous les jours, en faveur de <«< la religion de leurs ancêtres, et que l'autorité << même du Roi remue toutes les passions pour nous << rendre la persuasion plus facile! Mais si cette expérience montre combien l'efficacité des dis« cours des apôtres étoit un grand miracle, la foi<< blesse des Huguenots ne fait pas moins voir com<«< bien la force des martyrs étoit divine. Les Huguenots mal convertis sont attachés à leur religion jusqu'aux plus horribles excès d'opi«< niâtreté; mais dès que la rigueur des peines pa« roît, toute leur force les abandonne. Au lieu que <«<les martyrs étoient humbles, dociles, intrépides, «<et incapables de dissimulation; ceux-ci sont là<«< ches contre la force, opiniâtres contre la vérité, « et prêts à toute sorte d'hypocrisie. Les restes de «< cette secte vont tomber peu à peu dans une in«< différence de religion pour tous les exercices ex« térieurs, qui doit faire trembler. Si on vouloit « leur faire abjurer le christianisme et suivre l'Al«< coran, il n'y auroit qu'à leur montrer des dra«< gons: pourvu qu'ils s'assemblent la nuit, et qu'ils « résistent à toute instruction, ils croient avoir assez « fait. C'est un terrible levain dans une nation: ils «ont tellement violé, par leurs parjures, les

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