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'46. Son opposition aux voies

de rigueur, approuvée par le Roi.

pour des missions encore plus laborieuses. Il étoit donc naturel qu'il aperçût dans cette nouvelle destination, le caractère de cette même vocation, qui avoit déjà parlé à son cœur. Il parut seulement désirer d'être libre dans le choix des coopérateurs qu'on se proposoit de lui associer, et dont on l'établissoit le chef. On s'empressa avec d'autant plus de plaisir de déférer à son vou, qu'il choisit précisément ceux qu'on lui auroit demandé d'accepter, s'il ne les eût pas appelés. C'étoient des ecclésiastiques déjà connus par leurs talents et leurs vertus, que leur mérite éleva dans la suite aux premières dignités de l'Église, ou à des places de confiance, et qui ont laissé un long souvenir dans la mémoire de tous les gens de bien. C'étoient, l'abbé de Langeron, le plus cher, le plus fidèle des amis de Fénelon; le célèbre abbé Fleury, dont il suffit de prononcer le nom; l'abbé Bertier, depuis évêque de Blois; l'abbé Milon, alors aumônier du Roi, et depuis évêque de Condom; || enfin l'abbé Desmahis, converti depuis quelques années, du protestantisme à la religion catholique, et engagé depuis peu dans les ordres sacrés || (1).

Louis XIV attachoit tant d'importance au succès des vues de confiance, de douceur et d'instruction qu'il avoit d'abord adoptées pour ramener les Pro

(1) Corresp. de Fénelon ; t. II, p. 296, note 1.

testants, qu'il voulut faire connoître lui-même ses intentions à l'abbé de Fénelon. Tout le monde sait que la seule grâce que Fénelon demanda à Louis XIV, au moment où il fut introduit en sa présence, fut d'éloigner les troupes et tout appareil militaire, de tous les lieux où il étoit appelé à exercer un ministère de paix et de charité (1). Ce prince n'hésita pas un moment, de déférer à sa demande, après quelques observations d'intérêt et de bonté, qui n'avoient pour objet que la sûreté per. sonnelle de l'abbé de Fénelon et de ses collègues.

Rien, peut-être, n'est plus propre à donner une juste idée du caractère de Louis XIV, que cette attention délicate et judicieuse dans le choix des missionnaires, que cet empressement touchant à leur ouvrir son cœur, et à déférer à leurs représentations, lors même qu'elles sembloient contrarier les mesures qu'il avoit adoptées pour faire respecter son autorité.

(1) Rulhières a contesté ce fait, dans ses Éclaircissements histor, sur la révocation de l'édit de Nantes (t. I, p. 365); et ses difficultés sur ce point ont été reproduites par Tabaraud, Supplém. aux Hist. de Bossuet et de Fénelon (p. 50). Mais ces deux auteurs n'opposent rien de solide au témoignage formel des historiens de Fénelon, et particulièrement à celui du chevalier de Ramsay, si bien à portée de connoître la vérité sur le fait dont il s'agit. (Voyez l'Hist, de Fénelon, par le chevalier de Ramsay, p. 4, et la Vie de Fénelon, par le P. de Querbeuf, p. 38.) (Édit.)

Lorsque, dans la suite, des rassemblements dangereux, des provocations séditieuses, des actes de révolte formelle, et des attentats dignes de toute la sévérité des lois, forcèrent Louis XIV d'employer des mesures de rigueur, il est certain qu'il ne céda qu'à regret aux devoirs du monarque; il ne fit que ce que doit faire tout souverain, obligé d'assurer avec inflexibilité l'ordre public, lorsque sa bonté est méconnue et que son autorité est outragée.

Il est d'ailleurs généralement reconnu, que si des injustices et des violences se mêlèrent à l'usage que l'on fit de son nom et de ses ordres, ce fut par le coupable emportement d'un ministre jaloux jusqu'à l'excès de l'autorité de son maître, et qui cessa de voir une affaire de conscience et de religion, aussitôt qu'il aperçut des actes de révolte. Mais dans toutes les parties de la France où les Protestants restèrent paisibles et soumis, on se contenta de leur interdire l'exercice public de leur religion, sans chercher à tourmenter leur conscience. Les seules provinces où ils manifestèrent des mouvements séditieux, furent exposées aux lois terribles de la guerre. On sait également que Louis XIV s'empressa de réprimer et de punir avec sévérité, ceux même de ses officiers qui avoient été au delà de ce que le soin de leur sûreté personnelle et la nécessité d'assurer l'ordre public avoient paru exiger d'eux.

Louis XIV s'étoit d'abord montré si disposé à donner la préférence aux simples moyens de persuasion, d'encouragement et de faveur, que dans le temps même où il révoquoit successivement les priviléges extraordinaires que les Protestants avoient arrachés à main armée à la foiblesse de ses prédécesseurs, et qu'il se préparoit à interdire l'exercice public de leur religion, il écrivoit à tous les intendants de son royaume : « Je vous recommande « surtout de ménager avec douceur les esprits de «< ceux de ladite religion (1). »

Fénelon, autorisé par Louis XIV lui-même à suivre la méthode qu'il jugeroit la plus convenable pour la conversion des Protestants, sut concilier le zèle d'un missionnaire avec les ménagements et la douceur qui étoient dans son caractère.

Son premier soin, en arrivant au chef-lieu des missions dont il étoit chargé, fut de se présenter à l'évêque de la Rochelle (2), et de lui demander, pour ses coopérateurs et pour lui-même, sa béné

(1) Lettre du Roi aux commissaires départis dans les provinces ; 10 juillet 1682. La lettre entière se trouve dans le t. V de la Collection des procès-verbaux des assemblées du Clergé; Pièces justificatives, p. 279.

(2) Henri de Montmorency de Laval de Bois-Dauphin, nommé à l'évêché de la Rochelle en 1661, gouverna ce diocèse jusqu'à sa mort, en 1693. (Gallia christiana, t. II, p. 1379.)

47. Son arrivéc dans le Poitou; comment il y est

accueilli.

diction, ainsi que les pouvoirs nécessaires pour exercer le saint ministère. Il savoit que si le choix et l'appui du Roi pouvoient contribuer à jeter certain éclat sur ses travaux, et même à en faciliter le succès, il ne pouvoit et ne devoit en attendre de véritables fruits, que par l'intervention de cette puissance divine qui a élevé l'Église de JésusChrist sur des fondements inébranlables, et a fixé elle-même l'ordre, le rang et la juridiction de ses ministres.

La réputation des nouveaux missionnaires les avoit déjà précédés dans ces contrées. L'évêque de la Rochelle les accueillit comme des anges envoyés du ciel pour seconder son zèle; et le peuple, déjà instruit de la noble confiance avec laquelle Fénelon s'étoit refusé à l'appui de la force militaire, reçut comme des ministres de paix.

les

C'étoit en effet un spectacle assez nouveau pour ces provinces, qui avoient été si longtemps le principal boulevart de la république protestante en France, et le théâtre de tant de guerres, de révoltes et de malheurs, de voir des ecclésiastiques distingués par leur naissance, leurs emplois et leurs talents, abandonner les fonctions qu'ils remplissoient à la cour, et renoncer à tous les agréments de la capitale, pour venir exercer, dans des pays malsains et désolés, le ministère le plus humble et le plus pénible.

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