Oldalképek
PDF
ePub

Pasteurs ne suppose dans son auteur une connoissance très-étendue de tous les monuments de l'histoire et de la tradition ecclésiastique. Mais Fénelon a su les présenter sous une forme si simple et si naturelle, il a su les enchaîner à des raisonnements si accessibles aux intelligences les plus bornées, qu'ils n'exigent aucun effort, ni aucunes recherches pénibles, pour en saisir les rapports et les conséquences.

C'étoit de Bossuet que Fénelon avoit emprunté cette méthode, dont on ne devroit jamais s'écarter dans quelque espèce de controverse que ce soit, celle d'élaguer toutes les questions inutiles, pour s'attacher uniquement aux difficultés essentielles. En effet, si on lit avec attention tous les écrits de controverse de Bossuet, on observera sans peine, que dans ceux même où il a déployé le plus de science, d'érudition et de critique, il marche toujours rapidement à son but; il ramène toujours la question à son véritable objet ; et lorsque sa logique foudroyante a atterré ses adversaires, en leur arrachant l'aveu de quelques principes qu'ils ne peuvent ni contester ni accorder sans se mettre en contradiction avec eux-mêmes, il soulève avec un noble dédain tout cet amas d'objections frivoles, d'imputations calomnieuses, de textes équivoques ou altérés, de faits apocryphes, qu'on avoit cherché à opposer à sa première impétuosité; il les

43.

brise, les met en poudre, et les disperse avec tout le mépris d'un génie supérieur à de si foibles efforts. Si on se transporte au temps où vécurent Bostance augmentée suet et Fénelon, si on se rappelle l'esprit général du

Cette impor

par les

circonstances. siècle de Louis XIV, on ne sera pas étonné de

voir ces deux hommes si célèbres se consacrer avec tant de zèle, de succès et de gloire, à des controverses dont les résultats intéressoient également l'Église et l'État. On se trouvoit alors engagé dans l'exécution du plan formé depuis si longtemps par Louis XIV et son conseil, pour ne laisser subsister en France que l'exercice public du culte catholique. Louis XIV, prêt à prononcer la révocation de l'Édit de Nantes, avoit voulu faire précéder cette grande mesure politique par tous les moyens d'instruction qui devoient en préparer le succès.

Il suffit d'ouvrir les mémoires du temps, et même les correspondances particulières, pour observer le vif intérêt que toutes les classes de la société prenoient aux controverses religieuses. Ce n'étoit pas seulement dans les chaires, dans les écoles de théologie, dans l'enceinte des cloîtres, qu'elles s'agitoient avec une chaleur que la disposition générale des esprits excitoit et entretenoit. On voit, par toutes les lettres qui nous sont restées, qu'à la cour, à la ville, et dans toutes les conditions, les personnes mêmes que leur sexe et leur état sembloient dispenser de s'en occuper, aimoient à

s'en entretenir, et à nourrir leur esprit de toutes les connoissances qui y avoient quelque rapport. On est étonné, en lisant ces lettres, de voir les ouvrages les plus sérieux, devenus la lecture habituelle des femmes les plus distinguées par leurs agréments et leur célébrité, servir de sujet à toutes les conversations, et remplir les moments de solitude qu'elles pouvoient se réserver à la ville et à la campagne. Dans ce siècle, qui paroît toujours s'agrandir à mesure qu'il s'éloigne de nous, on pensoit généralement que les études graves et religieuses convenoient à la dignité de l'esprit humain, et pouvoient influer utilement sur la morale publique et particulière; c'étoit cette tendance générale de tous les esprits, qui avoit répandu le goût de la véritable instruction, et qui a produit tant d'excellents ouvrages qu'on relit sans cesse, parce qu'on les a déjà beaucoup lus.

44.

lon pour l'obscurité.

Mais le moment étoit arrivé, où Fénelon alloit Goût de Fénesortir de l'obscurité dans laquelle il avoit cherché à s'envelopper. Il suffisoit à ses principes et à son caractère de faire tout le bien qu'il étoit en son pouvoir de faire dans l'emploi dont il étoit chargé. Instruit à l'école de M. Tronson, à ne jamais considérer que la volonté de Dieu dans l'ordre des événements humains, et à ne se proposer que la gloire de la religion dans toutes ses actions et toutes ses pensées, il savoit que le premier de tous les mé

rites, dans l'ordre de la Providence, est de remplir fidèlement les devoirs qu'elle nous impose partout où elle nous conduit; et que la prééminence des places et des fonctions n'ajoute d'autre prix à nos travaux, que celui de plus grandes difficultés à vaincre et de plus grands dangers à éviter.

D'ailleurs Fénelon jouissoit de toute la satisfaction nécessaire à un cœur comme le sien. Il recueilloit toutes les bénédictions que la tendre reconnoissance de ses nombreux néophytes aimoit à lui prodiguer; et il avoit déjà pour amis les hommes les plus recommandables par leur rang, leurs vertus et leur génie. Mais ce furent ces amis mêmes qui l'arrachèrent à sa solitude, et à cette vie douce et paisible qui convenoit à la modération de ses vœux et à la modestie de son caractère.

Louis XIV venoit de révoquer l'Édit de Nantes (1); et, en éloignant les pasteurs dont la pré

(1) L'Édit de Nantes, accordé aux Huguenots par Henri IV, en 1598, fut révoqué par Louis XIV en 1685. On peut consulter sur ce sujet, les ouvrages suivants : d'Avrigny, Mém. chronol. et dogmat. t. III, 22 oct. 1685. — Essai historique sur l'influence de la religion en France, pendant le dix-septième siècle (par M. Picot), t. II, liv. V, Ire partie, n. 15, etc. Proyart, Vie du duc de Bourgogne, t. II, liv. III, p. 67, etc. - Histoire de Bossuet, par le cardinal de Bausset, t. IV, liv. XI, n. 15, etc. Lettres de madame de

[ocr errors]

Sévigné, t. VII, édit. Monm. in-8°; lettres 889 et 890; notes.

· Hist. de madame de Maintenon, par M. le duc de Noailles, t. II, ch. 4. (ÉDIT.)

sence devoit naturellement s'opposer au succès de
ses desseins
pour la réunion de tous ses sujets dans
une même religion, il ne pouvoit laisser leurs an-
ciens prosélytes sans instruction religieuse et sans
principes de morale. Il résolut d'envoyer des mis-
sionnaires dans les provinces de son royaume où
l'on comptoit le plus de Protestants, pour confirmer
dans la doctrine de l'Église catholique ceux qui
s'y étoient déjà réunis, et pour y ramener ceux
qui refusoient encore de revenir à la religion de
leurs pères.

45. Il est chargé des missions

du Poitou;

collaborateurs.

1685.

Ce fut dans cette circonstance, que Bossuet proposa à Louis XIV d'employer l'abbé de Fénelon dans les missions du Poitou et de la Saintonge. Le ses principaux nom de Fénelon avoit déjà été souvent prononcé à Louis XIV; il étoit instruit de la sagesse avec laquelle il dirigeoit les Nouvelles Catholiques, et des succès dont son zèle étoit récompensé. Ce monarque attachoit sa grandeur personnelle à ne confier l'exécution de ses vues qu'à des hommes dignes de faire respecter le caractère qu'il leur imprimoit par son choix.

Les missions du Poitou offroient à Fénelon des travaux assez conformes au ministère qu'il exerçoit depuis plusieurs années. Il pouvoit d'autant moins se refuser à une commission aussi honorable, qu'elle se concilioit avec l'inclination si marquée que nous lui avons vue dans sa première jeunesse,

« ElőzőTovább »