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MALHEURS DE LA GUERRE.

S1 un amour outré de la gloire enivre les rois, tout leur souffle la désolation et la guerre, et alors que de peuples sacrifiés à l'idole de leur orgueil! que de sang répandu qui crie vengeance contre leur tête! que de calamités publiques dont ils sont les seuls auteurs! que de voix plaintives s'élèvent au ciel contre des hommes nés pour le malheur des autres hommes! que de crimes naissent d'un seul crime! Leurs larmes pourroient-elles jamais laver les campagnes teintes du sang de tant d'innocents? et leur repentir tout seul peut-il désarmer la colère du ciel, tandis qu'il laisse encore après lui tant de troubles et de malheurs sur la terre?

Regardez toujours la guerre comme le plus grand fléau dont Dieu puisse affliger un empire: cherchez à désarmer vos ennemis plutôt qu'à les vaincre, Dieu ne vous a confié le glaive que pour la sûreté de vos peuples, et non pour le malheur de vos voisins. L'empire sur lequel le ciel vous a établi est assez vaste; soyez plus jaloux d'en soulager les misères que d'en étendre les limites; mettez plutôt votre gloire à réparer les malheurs des guerres passées qu'à en entreprendre de nouvelles : rendez votre règne immortel par la félicité de vos peuples, plus que par le nombre de vos conquêtes; ne mesurez pas sur votre puissance la

justice de vos entreprises; et n'oubliez jamais que, dans les guerres les plus justes, les victoires traînent toujours après elles autant de calamités pour un Etat que les plus sanglantes défaites.

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POUR FAIRE CHANTER UN TE DEUM.

LAISSONS à ceux qui ne jugent jamais des événcments que par les vues fausses et bornées de la sagesse humaine à s'enorgueillir, et à ne chanter que des chants d'allégresse sur nos victoires. Pour nous, instruits dans les lumières de la foi, pensons avec une sainte frayeur, que la colère de Dieu doit être bien irritée contre les hommes, puisque, malgré le désir universel de la paix, que les longues calamités des dernières guerres avoient inspiré à tous les peuples de l'Europe, et aux souverains qui les gouvernent, le fléau tertible de la discorde leur a remis les armes à la main avec une nouvelle fureur, et inonde encore la terre du sang de ses habitants. Il est vrai que Dieu favorise visiblement la justice des armes du roi : tout victorieux qu'il est, il est encore un roi pacifique : il souhaite la paix pour ses peuple; et ses souhaits sont récompensés par des victoires : mais les victoires sont toujours des bienfaits d'un Dieu irrité contre les hommes:

Quel spectacle en effet nous offre celle même que nous venons de remporter! un carnage si affreux et si nouveau du côté des ennemis et du nôtre, qu'on n'en trouve presque d'exemple que parmi les peuples barbares. Eux seuls peuvent triompher d'une journée aussi sanglante et aussi meurtrière; pour nous, elle couvre même de deuil l'éclat de notre victoire : elle accompagne nos témoignages publics de reconnoissance envers le Dieu des armées, d'une tristesse d'humanité et de religion, et mêle à nos actions de grâces les larmes que nous ne pouvons nous empêcher de verser sur la mort de nos proches, de nos amis, et de tant de vaillants sujets qui viennent de sacrifier généreusement leur vie pour la gloire du prince et pour les intérêts de l'Etat.

Quels trophées pourrions-nous donc élever sur un champ de bataille tout couvert des corps entassés et des membres épars de tant de milliers de Chrétiens? Transportons-nous-y en esprit; et de ce lieu souillé de tant de ruisseaux de sang, et si

lugubre même pour nous, malgré notre victoire;

de ce lieu, dont nous ne sommes demeurés les maitres que pour y lire et y méditer à loisir l'instabilité des choses humaines et les malheurs inévitables des guerres, présentons au Dieu de paix ce spectacle si capable d'émouvoir ses entrailles paternelles : faisons monter jusqu'à lui la voix de tant de sang répandu; et que cette voix, loin de solliciter comme autrefois sa vengeance, la calme et la désarme : arrachons de ses mains, par

nos supplications, le glaive que sa justice fait de nouveau briller sur nos têtes : promettons-lui des mœurs plus saintes, et il nous accordera des jours plus tranquilles : faisons cesser les crimes qui l'irritent, et il suspendra les fléaux qui nous affligent. Les prières qu'on lui adresse pour la paix après la victoire sont toujours plus sûrement exaucées c'est la religion qui les inspire c'est l'Eglise alors elle-même qui prie par notre bouche c'est l'esprit de Dieu qui demande pour nous, et qui forme en nous ces gémissements secrets : et le Seigneur ne rejette jamais des prières qu'il a formées lui-même dans nos cœurs.

Allons donc nous assembler au pied de ses autels, plus touchés des horreurs qu'entraîne la guerre que de la gloire de nos succès. Ne demandons pas à un Dieu qui n'est descendu sur la terre que pour y éteindre dans son sang toutes les inimitiés, et réconcilier l'univers; ne lui demandons pas que son glaive achève d'exterminer les nations armées contre nous, ces prières de sang retomberoient sur nos têtes; demandons - lui cette paix que les rois, que les victoires, que le monde ne sauroit donner, et qui ne peut être l'ouvrage que de ses miséricordes infinies: demandons-lui que les peuples et les rois réunis enfin, et réconciliés, ne soient plus occupés qu'à le servir; et que, plus jaloux d'étendre le règne de la foi que les bornes de leur empire, ils ne prennent plus les armes que pour porter ensemble l'étendard de la religion

Massillon.

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et la gloire du nom chrétien jusqu'à ces nations infidèles qui doivent être appelées un jour à la connoissance de l'évangile.

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AUTRE MANDEMENT.

LES succès continuels qui accompagnent partout les armes du roi justifient tous les jours une guerre que les motifs trop ordinaires de gloire n'auroient jamais fait entreprendre à un jeune monarque, dont la sagesse et la modération, connue même de nos ennemis, ne se proposoit que de rendre ses sujets heureux par un règne doux et pacifique. Il n'est armé que pour défendre la cause de l'innocent et de l'opprimé, et protéger la liberté d'une nation alliée, de tout temps en possession de se choisir ses maîtres.

Aussi Dieu, protecteur de ces droits invioJables qui font toute la sûreté des peuples et des empires, anime nos troupes d'une valeur au-dessus même de cette valeur si naturelle au sang françois. Les difficultés des entreprises leur en facilitent le succès, et les eaux conjurées ne semblent rendre leurs conquêtes impossibles que pour les rendre plus glorieuses; et chaque jour est marqué par de nouvelles victoires. L'Espagne notre alliée, et rentrée en possession de son ancienne valeur, recouvre rapidement les couronnes que le malheur des temps lui avoit enlevées ; et le prince qui les avoit usurpées les perd pour en

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