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Cependant c'est le vice et comme la contagion universelle des cours, et souvent la première source de la décadence des empires : il n'est point de bassesse que cette passion ou ne consacre ou ne justifie; elle éteint même les sentiments les plus nobles de l'éducation et de la naissance; et dès que ce poison a gagné le cœur, on trouve des âmes de boue où la nature avoit d'abord placé des âmes grandes et bien nées.

De quoi n'est pas capable un cœur que la jalousie noircit et envenime. Non-seulement on applaudit à l'imposture, mais on ne craint pas de s'en rendre coupable soi-même. Ces pontifes, témoins des prodiges et de la sainteté de JésusChrist, ne pouvant ignorer qu'il est fils de David, et descendu des rois de Juda, ayant oui de sa propre bouche qu'il falloit rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César, le font pourtant passer pour un séditieux, un ennemi de César, et qui veut en usurper la souveraine puissance; un impie qui veut renverser la loi et le temple de ses pères; enfin pour un homme de néant, né dans la boue et dans la plus vile populace.

Cette passion amère est comme une frénésie qui change tous les objets à nos yeux; rien nė nous paroît plus sous sa forme naturelle. David a beau remporter des victoires sur les Philistins et assurer la couronne à son maître; aux yeux de Saül ce n'est plus qu'un ambitieux qui veut monter lui-même sur le trône. En vain Jérémie jus

tifie la vérité de ses prédictions par les événements et par la sainteté de sa vie; les prêtres, jaloux de sa réputation, publient que c'est un imposteur et un traître qui annonce les malheurs et la ruine entière de Jérusalem, plus pour décourager ses ci toyens et favoriser l'ennemi, que pour prévenir la destruction entière de sa patrie.

Tout s'empoisonne entre les mains de cette funeste passion; la piété la plus avérée n'est plus qu'une hypocrisie mieux conduite; la valeur la plus éclatante, une pure ostentation, ou un bonheur qui tient lieu de mérite; la réputation la mieux établie, une erreur publique où il entre plus de prévention que de vérité; les talents les plus utiles à l'Etat, une ambition démesurée qui ne cache qu'un grand fonds de médiocrité et d'insuffisance; le zèle pour la patrie, un art de se faire valoir et de se rendre nécessaire; les succès même les plus glorieux, un assemblage de circonstances heureuses qu'on doit à la bizarrerie du hasard plus qu'à la sagesse des mesures; la naissance la plus illustre, un grand nom sur lequel on est enté, et qu'on ne tient pas de ses ancêtres.

Enfin la langue du jaloux flétrit tout ce qu'elle touche, et ce langage si honteux est pourtant le langage commun des cours : c'est lui qui lie les sociétés et les commerces; chacun se cache la plaie secrète de son cœur, et chacun se la communique; on a honte du nom du vice, et l'on se fait honneur du vice-même. PETIT CARÊME.

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CE fonds d'opposition, qui vous rend votre frère si insupportable, n'est-il pas plus en vous, c'està-dire, dans votre orgueil, dans la bizarrerie de votre humeur, dans l'incompatibilité de votre caractère, que dans le sien propre? ne pourroit-on pas vous demander si tout le monde voit en lui ce que vous croyez y voir vous-même; si ses amis, ses proches, ses égaux le regardent des mêmes yeux que vous? Que sais-je encore? vous demander si ce qui vous déplaît en lui ne sont pas peut-être ses bonnes qualités; si ses talents, sa réputation, son crédit et sa fortune n'ont pas peut-être plus de part à votre aversion que ses défauts; et si ce n'est pas son mérite ou son rang ́ qui ont fait jusqu'ici auprès de vous tout son crime. Il est si aisé de se faire là-dessus illusion soi-même. L'envie est une passion si masquée et si habile à se contrefaire comme elle a quelque chose de bas et de lâche, et qu'elle est un aveu secret que nous nous faisons à nous-mêmes de notre médiocrité, elle se montre toujours à nous sous des dehors étrangers et qui nous la rendent méconnoissable mais approfondissez votre cœur, et vous verrez que tous ceux, ou qui vous effacent, ou qui brillent trop à vos côtés, ont le malheur de vous déplaire; que vous ne trouvez aimables que ceux qui n'ont rien à vous disputer;

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que tout ce qui vous passe, ou vous égale, vous contraint et vous gêne; et que pour avoir droit à votre amitié, il faut n'en avoir aucun à vos prétentions et à vos espérances. CARÈME, I.

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SUR LA HAINE.

POURQUOI Voulez-vous ajouter à tous les autres maux que votre frère vous a faits celui de le haïr, qui est le plus grand de tous, puisque tous les autres n'ont abouti qu'à vous ravir des biens frivoles et passagers, et que celui-ci perd votre âme, et vous prive pour toujours du droit que vous avez à un royaume immortel? En le haissant, vous vous nuisez bien plus à vous-même, que toute sa malignité à votre égard n'a jamais su vous nuire. Il a renversé votre fortune temporelle, je le veux; et en le haïssant, vous renversez le fondement de votre salut éternel : il a usurpé lé patrimoine de vos pères, j'en conviens; et pour vous venger, vous renoncez à l'héritage du Père céleste et au patrimoine éternel de Jésus-Christ. Vous vous vengez donc sur vous-même; et pour vous consoler des maux que votre frère vous a faits, vous vous en ménagez à vous-même un sans fin et sans mesure.

Et de plus, votre haine envers votre frère vous restitue-t-elle les avantages qu'il vous a ravis? rend-elle votre condition meilleure? Que vous revient-il de votre animosité et de votre amertume?

Vous vous consolez, dites-vous, en le haïssant; et c'est la seule consolation qui vous reste. Quelle consolation, grand Dieu, que celle de la haine, c'est-à-dire, d'une passion noire et violente qui déchire le cœur, qui répand le trouble et la tristesse au-dedans de nous-mêmes, et qui commence par nous punir et nous rendre malheureux! Quel plaisir cruel que celui de hair, c'est-à-dire, de porter sur le cœur un poids d'amertume qui empoisonne tout le reste de la vie! Quelle manière barbare de se consoler ! Et n'êtes-vous pas à plaindre de chercher à vos maux une ressource qui ne fait qu'éterniser par la haine une offense passagère? CARÊME, I.

L'AVARICE.

L'AVARE n'amasse que pour amasser : ce n'est pas pour fournir à ses besoins; il se les refuse : son argent lui est plus précieux que sa santé, que sa vie, que son salut, que lui-même ; toutes ses actions, toutes ses vues, toutes ses affections ne se rapportent qu'à cet indigne objet. Personne ne s'y trompe; et il ne prend aucun soin de dérober aux yeux du public le misérable penchant dont il est possédé ; car tel est le caractère de cette honteuse passion, de se manifester de tous les côtés, de ne faire au-dehors aucune démarche qui ne soit marquée de ce maudit caractère, et de n'être un mystère que pour celui seul qui en est possédé.

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