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nous joignons avec eux contre lui. Nous louons dans nos amis, comme des vertus, des défauts que la loi de Dieu.condamne; nous adhérons à leurs erreurs, et nous aidons à les rendre plus inexcusables; nous donnons à leurs passions les noms de la justice et de l'équité; nous appelons leurs vengeances, des ressentiments équitables; leurs attachements criminels, des caractères et des suites d'un cœur tendre et fidèle; leurs déréglements honteux, des foiblesses pardonnables; leurs profusions insensées, des penchants d'une âme noble et généreuse; leur ambition démesurée, une élévation d'esprit et de cœur; leur avarice sordide, une sage économie; leur médisance cruelle, une aimable vivacité; la fureur du jeu qui les possède, un délassement nécessaire. En un mot, il est rare que nous prenions sur nous les intérêts de la vérité : vifs, fiers, intraitables, quand il s'agit de nos passions, nous devenons lâches, timides, rampants, dès qu'il ne s'agit plus que de la vérité : nous ne connoissons point cette sainte fierté, cette droiture de cœur, cette haute magnanimité, cette noble simplicité, si respectée même dans le monde, dont les premiers disciples de la foi nous ont laissé de si grands exemples, et qui a toujours été le caractère des âmes fidèles. Nous vivons pour les hommes; nous ne vivons pas pour Dieu et pour nous-mêmes : nous nous faisons une conscience et une religion, une humeur, un caractère, un esprit et un cœur pour eux; et ils sont la fin de toutes nos voies et le motif de toutes nos actions,

comme s'ils pouvoient en être le prix et la récompense : tout ce que nous ne faisons pas pour eux, nous le comptons comme perdu, comme s'il n'y avoit de réel que ce qui doit périr avec nous; et après plusieurs années passées sur ce ton, Dieu seul, pour qui nous devrions vivre, se trouve à notre mort le seul qui ne sauroit compter pour lui un seul moment presque de toute notre vie, PANÉG. DE SAINT ETIENNE.

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Nous les annonçons tous les jours ces maximes saintes depuis les premiers âges de l'Eglise, les chaires chrétiennes ne les ont pas publiées avec plus de force, plus d'exactitude, plus de lumière; et cependant il n'en est aucune sur laquelle le monde ne répande encore des adoucissements, de fausses couleurs qui les défigurent, ou des nuages qui les cachent. La pénitence, sans laquelle l'homme pécheur ne doit rien prétendre au salut, on la regarde comme le partage des cloîtres et des déserts la retraite, si nécessaire à la fragilité du cœur humain, elle n'y paroit plus qu'une singularité, ou d'humeur, ou de vertu, qui ne sauroit servir d'exemple : la prière, cette ressource unique de toutes nos misères, ou en laisse l'usage aux âmes oiseuses et inutiles les afflictions, que les Saints ont toujours reçues comme des grâces, on les craint comme des malheurs : les prospérités que les justes ont toujours craint comme des malheurs, on les souhaite comme des grâces; l'ambition démesurée, si opposée à l'esprit et au

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fonds de la religion, n'est plus qu'un sentiment noble et légitime de ce qu'on est et de ce qu'on doit prétendre : la haine, qui attaque la religion dans le cœur, et qui anéantit tout l'évangile, on en fait un juste ressentiment, ou une bienséance 'de son rang, qui ne permet pas d'aller se réconcilier avec son frère : la vie somptueuse et magnifi-, que, si souvent frappée d'anathème dans les livres saints, n'est qu'un usage noble de nos biens, et une loi qu'impose la condition et la naissance : les plaisirs les plus dangereux, on les appelle des délassements nécessaires; les passions les plus honteuses, des foiblesses inévitables; les médisances les plus cruelles, des vérités publiques et innocentes que dirai-je ? la vertu même, la piété véritable, y a perdu son nom ; ce n'est plus un don de Dieu et le seul parti nécessaire; c'est une bizar rerie d'humeur, un goût de singularité, une pu- . sillanimité d'esprit; que sais-je ? un parti bon à quelque chose, quand on n'est plus soi-même bon à rien. O Dieu! est-ce donc là le langage d'un peuple éclairé des lumières de l'évangile, ou les discours de ces nations barbares et infidèles, à qui vous n'avez pas encore daigné révéler la science, du salut et les vérités éternelles?

Et ce qu'il y a ici de plus déplorable, c'est que ce ne sont pas là les erreurs de quelques particuliers; ce sont les erreurs de presque tous les hommes; c'est la doctrine du monde entier; ce sont des maximes universellement reçues, approuvées, autorisées, et contre lesquelles il n'est plus temps

de vouloir s'élever. Nous seuls dans ces chaires chrétiennes, osons parler un langage différent ; un petit nombre de justes tiennent encore pour nous au milieu du monde, et osent encore parler comme nous. Mais ce n'est là qu'une foible voix absorbée, pour ainsi dire, par le bruit formidable de la multitude. Ce qui domine, ce qu'on entend, ce qui règle tout le monde, ce qui décide de tout, çe qui est le grand ressort des des emroyaumes, pires, des familles, ce sont les erreurs que je viens d'exposer. C'est une tradition d'aveuglement qui s'est perpétuée depuis le commencement dans le monde, et qui a passé des pères aux enfants. Les grands, le peuple, les savants, les ignorants, les sages, les insensés, les jeunes, les vieillards, se conduisent partout sur ces fausses règles ceux même à qui la lumière de la vérité luit encore en secret, croient se tromper en voyant que l'exemple commun dément l'évidence secrète de leur conscience, et regardent leurs doutes comme de vains scrupules que l'erreur publique calme et dissipe à l'instant.

SERMON POUR UNE PROFESS. RELIG.

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ERREURS, CAUSES DE NOS DÉSORDRES.

LA source déplorable de nos désordres est presque toujours dans nos erreurs ; et nous ne faisons point de chute où quelque faux jugement ne nous ait conduits. Aussi la grande différence que met

l'Apôtre entre le juste et le pécheur, est que le juste est un enfant de lumière, qui juge de tout par des vues hautes et sublimes; et qui, à la faveur de cette clarté supérieure qui le guide, démêle partout le vrai du faux, perce les dehors trompeurs répandus sur tous les objets qui nous environnent, et ne voit en eux que ce qui s'y trouve en effet : au lieu que le pécheur est un enfant de ténèbres, qui ne juge que par des vues fausses et confuses ; qui ne voit de tout ce qui est autour de lui que la surface et l'écorce; et qui, loin de porter la lumière sur les ténèbres qui l'environnent, répand ses propres ténèbres sur un reste de clarté que lui offrent encore les créatures et les événements au milieu desquels il vit.

Or on peut marquer trois erreurs principales, d'où naissent cette foule de fausses maximes répandues dans le monde, et qui dérobent presque à tous les hommes les voies de la justice et de la vérité. La première est une erreur d'espérance, qui, formée par la vivacité du premier âge, et par le défaut d'expérience inséparable de notre entrée dans le monde, ouvre à l'imagination, si capable alors de séduction, mille lueurs éloignées de fortune, de gloire, de plaisir ; et l'attache à ce monde réprouvé, plus par les charmes qu'elle lui promet que par ceux qu'on y trouve dans la suite. La seconde est une erreur de surprise, qui, ne trouvant pas le cœur encore instruit sur le vuide et l'instabilité des choses humaines, sur les caprices

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