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est imité du dixième livre de l'Odyssée. Il a été désapprouvé par Scaliger il faut cependant convenir que l'idée de la colère des lions qui s'irritent contre leurs fers est une heureuse addition du poëte latin. Virgile diffère d'Homère dans sa description, en ce que ce dernier représente les animaux avec un caractère doux, et que l'autre les peint avec leur férocité sauvage. Le poëte grec a conservé aux animaux de Circé le caractère des hommes; mais si, comme on l'a dit, son dessein étoit de faire allusion aux passions et aux plaisirs sensuels, il est sûr que l'idée d'un caractère sauvage convenoit beaucoup mieux. Nous citerons ici, pour justifier notre opinion, le portrait que fait Platon, dans sa République, des hommes livrés aux passions brutales : « Ils sont, dit-il, » comme des bêtes qui regardent toujours en bas, et qui sont » courbées vers la terre; ils ne songent qu'à manger, et à » repaître, à satisfaire leurs désirs grossiers; et, dans l'ar» deur de les rassassier, ils regimbent, ils égratignent, ils >>se battent à coups d'ongles et de cornes de fer, et périssent » à la fin par leur gourmandise insatiable. »

3) PAGE 16, VERS 3.

Hujus apes summun dense (mirabile dictu),
Stridore ingenti liquidum trans æthera vectæ,
Obsedêre apicem; et, pedibus per mutua nexis,
Examen subitum ramo frondente pependit.

Cet essaim d'abeilles est décrit de la manière la plus poétique et la plus exacte. Le second vers, stridore ingenti liquidum trans æthera vectæ, exprime par son harmonie la

inarche bruyante de cette petite colonie, et son arrivée sur les branches du laurier d'Apollon. Le dernier vers présente une image pittoresque. M. de Réaumur, qui est l'historien des abeilles comme Virgile est leur poëte, a décrit la manière dont un essaim s'attache à la branche d'un arbre et y forme un massif en feston. Tout ce qu'a dit le naturaliste se voit dans les deux derniers vers que nous venons de citer. Cette image des abeilles est heureusement adaptée aux mœurs pastorales de ces temps reculés; et leur retraite sur le laurier d'Apollon est très propre à figurer l'arrivée de la colonie des Troyens qui abordent en Italie sous les auspices des dieux.

4) PAGE 20, VERS 14.

Heus! etiam mensas consumimus! inquit Iulus.

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Ce passage a été l'objet des censures les plus amères. Addisson et d'autres écrivains célèbres ont répondu aux critiques que Virgile n'avoit pu s'écarter de la tradition, et que cette histoire, qui paroît puérile, avoit été consacrée dans les antiquités romaines. Voltaire ajoute que le poëte latin s'est trouvé obligé de rapporter ces paroles d'Iule, dans un poëme sur la fondation de Rome; de même, dit-il, qu'un poëte français seroit forcé de parler du pigeon qui apporte la sainte ampoule, dans un poëme où il seroit question de l'origine de la monarchie française. La poésie épique vit de fictions; ces fictions tiennent au merveilleux, et le poëte doit s'attacher autant qu'il peut à les rendre plus vraisemblables, en les joignant à quelques traits déjà connus et accrédités.

Les lecteurs sont disposés à croire ce qu'ils ne connoissent point encore, en faveur de ce qu'ils connoissent et de ce qu'ils croient déjà, et l'histoire prête ainsi son autorité à la fable. Strabon parle des tables mangées par les Troyens, et Denys d'Halicarnasse raconte cet évènement presque avec les mêmes circonstances que Virgile.

Au reste, nous avons dit plus haut que les traditions de l'ancienne Italie étoient moins poétiques que celles de la Grèce, et ce récit le prouve. Virgile a néanmoins été obligé d'en adopter quelques unes.

5) PAGE 26, VERS 9.

Tectum augustum, ingens, centum sublime columnis,
Urbe fuit summâ, Laurentis regia Pici,

Horrendum silvis et relligione parentum.

Ce palais auguste, immense, soutenu par cent colonnes, et entouré de son bois sacré, recommandable par la piété des mœurs antiques, donne d'abord une idée juste et heureuse de l'antiquité voisine de l'âge de Saturne. On croira peutêtre difficilement que le bon Picus eût un palais soutenu par cent colonnes; mais il ne faut pas oublier que l'ordre toscan, le plus simple, le plus fort et le plus solide de tous les ordres d'architecture, est dû aux peuples de l'ancienne Étrurie. Le reste de cette description est un mélange de choses qui appartiennent à la guerre et de celles qui appartiennent à l'agriculture; ce qui caractérise très bien les mœurs de Rome, dont le poëte veut chanter l'origine.

PAGE 28, VERS 1.

Multaque præterea sacris in postibus arma;
Captivi pendent currus, curvæque secures,
Et cristæ capitum, et portarum ingentia claustra,
Spiculaque, clypeique, ereptaque rostra carinis.

Ces vers ont été imités par Stace, dans sa description du temple de Mars. Voici les vers de la Thebaïde, liv. VII: Terrarum exuviæ circùm; et fastigia templi Captæ insignibant gentes, cælataque ferro Fragmina portarum, bellatricesque carinæ, Et vacui currus, protritaque curribus ora.

ainsi

Ce passage est un des plus beaux de la Thebaïde; et c'est que Stace auroit toujours dû imiter Virgile, qu'il cherchoit à prendre pour modèle.

7 PAGE 38, VERS 13.

Num capti potuere capi? num incensa cremavit
Troja viros?

Quelque beau que soit le discours de Junon, il faut avouer que cette espèce d'opposition et de jeu de mots n'est pas digne de son caractère. L'antithêse est une figure froide et qui tient de l'esprit de symétrie; elle ne peut s'allier au langage des passions, et surtout à celui de la colère. Virgile a voulu imiter ici ces vers d'Ennius sur les murs de Troie :

Quæ neque Dardaniis campis potueré perire,

Nec, cùm capta, capi, nec, cùm combusta, cremari.

III.

7...

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Ces vers d'Ennius étoient fameux dans l'antiquité latine} mais ils étoient plus faits pour être imités par Ovide que par Virgile. Cette légère tache ne doit point cependant arrêter notre admiration; nous allons laisser parler sur ce dis cours de Junon M. Legouvé, qui supplée M. Delille, dans la chaire de poésie latine au Collège de France, et qui a bien voulu nous communiquer quelques unes de ses judicieuses remarques sur Virgile.

«La situation, dit-il, représente Junon apercevant à son retour d'Argos, la joie d'Énée et des Troyens qui viennent de descendre sur les bords du Latium, dont sa haine féconde en obstacles, avoit espéré les éloigner plus long-temps. Pour peu que l'on ait réfléchi à l'effet d'un spectacle de cette espèce sur une déesse du caractère de Junon, on a compté au moment où elle parleroit sur un discours aussi énergique que brillant! celui de la déesse est tel qu'on pouvoit l'attendre. Quoi de plus fort! quoi de plus impétueux! O race odieuse! ó destins des Phrygiens, contraires à mes destins! Tel est l'exorde qui respire déjà la colère. Ces deux exclamations sont bien le langage d'un être passionné, qui s'indigneroit des formes lentes et mesurées, et qui a besoin d'éclater dès le premier mot : Quoi! je n'aurai pu les anéantir dans les plaines de la Phrygie! quoi! prisonniers, il n'ont pu être pris! Quoi! Pergame consumée n'aura pu les consumer avec elle! Ils ont échappe du milieu des ennemis, du milieu des flammes ! Voilà des répétitions accumulées, et à peu de distance l'une de l'autre, qui prêtent encore au discours de Junon toute la fougue avec laquelle

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