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Je profite, mon bon duc, à la hâte, d'une occasion imprévue, pour vous parler en liberté de diverses choses.

On dit que le roi s'est réduit à demander la Sicile et les places d'Espagne en Toscane pour le roi Philippe; que Marlborough a paru croire que ce morceau de la monarchie ne méritoit pas les frais et les maux d'une si horrible guerre; mais que les autres alliés soutenoient que la France, qui a fait entendre par cette offre qu'elle a le pouvoir de faire sortir de l'Espagne le roi Philippe, l'en fera bien sortir sans la Sicile, plutôt que de continuer une guerre insoutenable.

Tout ce que j'entends dire à nos principaux of ficiers et aux intendants fait craindre de grands malheurs. On manque de tout; les soldats sont si affamés et si languissants, qu'on n'en peut rien espérer de vigoureux. Selon toutes les apparences, la campagne s'ouvrira bientôt. On assure que M. le maréchal de Villars ne pourra venir qu'au mois de juin : voilà une très médiocre ressource, qui viendra tard. En attendant, nous n'aurons, pour sauver la France, que M. le maréchal de Montesquiou, sur qui les gens éclairés comptent peu.

Puis-je prendre la liberté, mon bon duc, de vous demander une grace? M. le marquis de Bonneval', colonel des cuirassiers, est mon cousin issu de germain. C'est un homme d'une très ancienne maison de Limosin, qui a eu toutes les marques d'une grosse seigneurie, par des terres considérables et par les plus hautes alliances qu'on puisse avoir depuis plus de quatre cents ans, comme Foix, Comborn, etc. Un de ses ancêtres étoit favori de Charles VIII, et l'un de ses neuf preux chevaliers. Ses ancêtres ont commandé des armées en Italie, et ont eu des gouvernements de province; ils paroissent partout dans l'histoire. Celui-ci est d'une très petite mine, mais sensé, noble, capable d'affaires, plein de valeur, aimant la guerre, aimé de sa troupe, estimé des honnêtes gens, appliqué sans relâche au service depuis vingtdeux ans, et y faisant une dépense très honorable, quoique son régiment lui ait coûté cent mille

Le marquis de Bouneval, d'une ancienne maison de Limosin. et auquel Fénelon s'intéresse si vivement dans cette lettre,

étoit frère aîné de Claude-Alexandre, comte de Bonneval, si fameux par ses aventures singulières et romanesques.

francs. On vient de faire quatorze maréchaux-decamp, qui devoient aller après lui. Il est vrai qu'il a un frère cadet qui a fait la faute de passer en Italie au service des ennemis; c'est une conduite inexcusable et indigne, quoique les circonstances de son affaire fassent pitié mais les fautes sont personnelles ; et l'aîné, depuis la faute du cadet, a reçu, pendant plusieurs années, toutes les marques possibles du contentement du roi et de M. de Chamillard, malgré le tort de son frère. D'ailleurs, l'aîné n'a jamais eu aucun commerce avec son frère qui pût déplaire au roi, ni le rendre suspect, ni l'éloigner des graces. Vous comprenez bien qu'un homme plein d'honneur, dont les sentiments sont très vifs, et qui sent tout ce qu'il a fait pour son avancement dans le service, est au désespoir de se voir exclu avec tant de mépris. Il prendra le parti le plus sage et le plus noble, qui est celui de vendre son régiment, de quitter le service, et d'enrager dans un profond silence. Mais, outre que je suis affligé de le voir outré de douleur, parce qu'il est encore plus mon ami que mon parent, je trouve qu'il est mauvais pour le service qu'on traite si mal un très bon officier qui a beaucoup de naissance, d'ardeur et de talent pour servir. La grace que je vous demande pour lui, sans qu'il en sache rien, est que vous ayez la bonté de savoir en secret de M. Voysin la véritable cause de son exclusion. Si c'est quelque chose qui ait rapport à son frère, il faut l'approfondir, et écouter ses raisons justificatives; s'il est coupable, la chose est si importante, qu'il doit être puni. Mais si le roi et M. Voysin ne connoissent ni sa naissanee ni ses services, il est bien triste qu'un homme d'un si bon nom, qui sert si bien depuis vingt-deux ans, soit traité si mal, pendant qu'on prodigue les rangs à une foule de gens sans nom et sans service. Je ne vous demande néanmoins aucune démarche qui puisse vous coûter ou vous gêner. J'aime fort mon parent; mais j'aime beaucoup mieux tout ce qui vous convient. Si par hasard vous appreniez par M. Voysin quelque chose qu'il importât à M. de Bonneval de savoir, ne pourriez-vous point avoir la bonté de le faire prier pour madame de Chevry de vous aller voir? Vous le trouveriez discret, et plein de reconnoissance pour vos avis. Je voudrois qu'on pût l'engager à continuer le service sans bassesse; mais je ne vois pas comment.

Les retours de votre goutte me font beaucoup de peine; le dévoiement qui l'accompagne quelquefois augmente mon inquiétude. Soulagez votre corps; appliquez moins votre esprit, surtout vers le soir faites un peu d'exercice. Rien n'est meil

:

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n'auront que des vues mondaines pour la cour. Je prie M. le duc de Beauvilliers de se rendre favorable, dans les occasions, à M. de Bernières, et même de lui rendre, s'il le peut, de bons offices auprès de M. Desmarets. Je crois qu'il est utile au service que M. de Bernières soit bien traité, et qu'on le fasse conseiller d'état le plus tôt qu'on le pourra. Il se tue et se ruine. Il a de la facilité d'esprit, des vues, de l'action, de l'expérience, du zèle, et il fait certainement plus que nul autre ne feroit en sa place. Il doute que M. Desmarets soit bien disposé pour lui. Il ne faut pas le faire entendre à celui-ci; mais M. de Bernières mérite fort qu'on le mette bien dans l'esprit de M. Desmarets. S'il ne convient pas que M. de Beauvilliers parle, ne pourriez-vous point, mon bon duc, le faire pour le bien public?

Il y a bien autant d'apparence pour le siége de Cambrai que pour celui d'Arras, après celui de Douai, si les ennemis peuvent continuer à aller en avant. On ne sauroit trop penser à ce qu'on va faire entre ci et trois semaines, et même moins. Une bombe qui tomberoit par hasard sur les poudres de Douai pourroit bien abréger le siége, et la décision de toutes choses. Voici le temps de l'abandon, mais de l'abandon bien pris, pour ne prendre aucun parti outré.

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Je vous envoie, mon bon duc, un nouveau Mémoire sur les affaires générales, qui deviennent de plus en plus celles d'un chacun de nous. Je vous conjure de le lire, de le faire lire au bon duc de Beauvilliers. Il n'est pas pour le P. P. (duc de Bourgogne): il est écrit trop librement, et pourroit le blesser; il suffit que vous lui en disiez tous deux ce que vous jugerez utile. Mais je voudrois bien qu'après l'avoir lu, vous le confiassiez à M. Dupuy, pour en envoyer une copie à N... Je souhaite

cardinaux d'Estrées, de Janson, de Bouillon, de Noailles et de La Trémouille. Les deux premiers, accablés de vieillesse, étoient retirés des affaires, et ne pouvoient plus figurer dans un conclave. Le cardinal de Bouillon gémissoit dans l'exil et la disgrace. Ce fut même quelques semaines après la date de cette lettre qu'il enfreignit ouvertement les ordres de Louis XIV, en quittant le lieu de son exil, pour se faire enlever par un détachement de l'armée ennemie, et qu'il abjura solennellement la qualité de sujet du roi. On sent combien le cardinal de Noailles devoit être suspect à Fénelon et à tous ses amis. Quant au cardinal de La Trémoille, Fénelon jugeoit

qu'il ne penseroit et n'agiroit que selon les inspirations du mi

nistère.

de tout mon cœur qu'il voie tout ce que je pense, et qu'il me redresse si le fond de son cœur est opposé à mes pensées. J'ai le cœur déchiré par nos malheurs, et mon fonds ne peut consentir à aucun succès. Ne croyez pas que ce soit l'effet de l'indisposition du cœur d'un homme disgracié. Je donnerois ma vie comme une goutte d'eau pour le roi, pour la maison royale, pour le P. P. (duc de Bourgogne), qui est pour moi le monde entier ; mais je crois voir qu'un succès gâteroit tout sans ressource. N... dira si je me trompe.

Je consens à toutes les corrections que le P. Le Tellier et vous aurez faites à mon Mémoire pour l'abbé Alamanni. Je les ratifie toutes sans peine. Il n'y a qu'à l'envoyer corrigé, supposé qu'on croie qu'après ces corrections on peut, sans inconvénient, le confier à cet abbé. Je lui ai déja écrit qu'on lui enverroit un Mémoire par la voie de Paris. Ce que je lui ai écrit n'empêcheroit pas qu'on ne pût retenir mon Mémoire, si on trouvoit du péril à le lui envoyer; car j'en serois quitte pour lui mander qu'un ami intime l'a retenu. Cependant nous altendrions un conclave qui suspendroit tout, et nous aurions le loisir d'envoyer un Mémoire moins libre. Examinez et décidez avec le P. Le Tellier.

Les libertés de l'Église gallicane sont de véritables servitudes. Il est vrai que Rome a de trop grandes prétentions; mais je crains encore plus la puissance laïque, et un schisme.

M. de Torcy et nos cardinaux pourront bien traverser l'exaltation du cardinal Fabroni.

J'attendrai la fin de l'assemblée pour censurer la Théologie de M. Habert. Pourquoi cette assemblée dure-t-elle si long-temps?

On m'écrit de Tournay que les ennemis paroissent songer au siége de Cambrai après celui de Douai. S'ils prenaient Cambrai, ils n'auroient point la Somme à passer pour entrer en France. Ils passeront au Mont-Saint-Martin, de là vers Compiegne, et jusqu'à Pontoise, sans trouver un seul ruisseau. Je comprends bien que tout cela demande une grande bataille; mais les ennemis iront d'abord à vous dès que vous marcherez. Dieu décidera, et les hommes en souffriront. Je vous conjure encore une fois, mon bon duc, de faire envoyer une copie de mon Mémoire par M. Dupuy à N... J'espère que je pourrai vous écrire en liberté dans deux ou trois jours. Dieu sait combien mon cœur est plein de vos bontés.

Ne pourriez-vous point, dans quelque occasion naturelle, savoir comment M. Desmarets est disposé pour M. de Bernières, et lui insinuer des sentiments favorables, sans témoigner que celui-ci ne

224. AU MÈME.

---

Sacrifices à faire pour la paix. Caractère de l'évêque de Meaux et de l'archevêque de Rouen: Fénelon regrette que l'évêque de Tournay ait quitté son siége. Ses dispositions personnelles, pour le cas où les ennemis prendroient Cambrai.

se croit pas tout-à-fait bien avec ce ministre? M. de | De plus, il m'a dit plusieurs fois qu'il croyoit que Bernières fait certainement beaucoup pour le ser- la grace efficace par elle-même étoit un dogme de vice en ce pays; et, à tout prendre, nul autre foi, et qu'on ne pouvoit nier ce dogme sans être qu'on mettroit en sa place n'y feroit autant que dans l'hérésie matérielle des pélagiens. Enfin, il m'a lui. écrit que l'Église n'a point décidé en quel sens elle condamne les cinq Propositions, et qu'il faudroit demander au pape d'expliquer si c'est dans le sens d'une possibilité prochaine ou éloignée que les commandements sont possibles. C'est un bon homme, mais une fort médiocre tête, qui est incapable de se fixer à rien de net et de précis sur la doctrine. Il émeut tout et ne résout rien, comme le soleil de mars. Pour M. l'archevêque de Rouen, je l'ai vu fort prévenu pour les gens du parti. M. de Targny, qui est chez M. l'abbé de Louvois, appris le très peu qu'il sait, et sa confiance étoit tout entière de ce côté-là il sera toujours du côté des plus forts. Un très homme de bien m'a assuré lui avoir ouï dire, à Noyon, qu'on avoit beau crier contre les jansénistes, qu'il n'en avoit jamais connu aucun, et qu'il n'y en avoit point. Un autre homme, digne de foi, m'a rapporté un discours à peu près semblable, qu'il avoit tenu à

A Cambrai, 4 mai 1710.

:

lui a

Je vous envoyai hier, mon bon duc, un grand Mémoire sur les affaires générales, et je compte que vous le recevrez demain lundi 5 de ce mois. Il me paroît, par votre dernière lettre, que nos plénipotentiaires ne sont point encore allés avec ceux des ennemis jusqu'au vrai nœud de la difficulté. Nos ennemis ne peuvent vouloir ni une armée françoise dans l'Espagne, pour eux, contre un fils de France, ni le passage d'un corps d'armée ennemie au travers de notre royaume. S'ils veulent des places en otage, ou même une contribution, on peut et on doit la donner, plutôt que de hasar-l'abbaye du Mont-Saint-Martin, entre Saint-Quender l'état. Ainsi, ils ne doivent ni ne peuvent de- tin et Cambrai, en parlant à un homme favorable au parti. sirer de nous ce que nous ne devons pas leur accorder, et nous ne devons pas leur refuser ce qu'ils peuvent nous demander de plus rigoureux. Il semble qu'en cet état la paix doit être facile à faire. Pour les demandes ultérieures au prélimi-puisse imaginer. Les ennemis ne lui demanderoient naire, le vrai moyen d'y remédier est d'entrer dans point un serment; car on ne sait point encore chez eux au nom de qui les choses se feront. Tout y est tous les pis-aller. Il vaudroit mieux sacrifier la en suspens, et ils n'exigent aucun serment d'aucun Franche-Comté, les Trois-Évêchés, etc., à toute extrémité, que de risquer la France entière. Par évêque: on ne sait pas pour quelle puissance on

de si prodigieuses cessions, vous empêcheriez la réserve insupportable de toute demande ultérieure et indéfinie. D'où vient qu'on ne se hâte point d'aller jusque là, et que, pendant la longueur de la négociation, on laisse la France à deux doigts de sa perte?

Pour M. l'évêque de Meaux', il m'a dit souvent autrefois que c'étoit grand dommage que j'eusse embrassé, en défendant mon livre, le système moliniste d'un amour naturel entre la charité et la cupidité, et qu'il étoit affligé de voir que je ne suivois pas la doctrine de saint Augustin sur la grace.

■ Fénelon n'avoit pas une idée très favorable de l'esprit et du jugement de l'évêque de Meaux (depuis cardinal de Bissy), et il le soupçonnoit même d'avoir des principes bien différents de ceux qu'il professa dans la suite. et qui contribuerent si puissamment à son élévation. Quant à l'archevêque de Rouen

( d'Aubigné), dont il est question un peu plus bas, le jugement

qu'en porte Fénelon paroit conforme à tous les Mémoires du temps.

Je vous avoue qu'il me paroît triste pour M. l'évêque de Tournay qu'on lui ait fait abandonner son troupeau dans le plus pressant besoin qu'on

le demanderoit.

Si les ennemis prenoient Cambrai, je me retireJ'irois de place en place, jusque dans la dernière rois au Quesnoi, à Landrecies, et puis à Avesnes.

serment, lorsque le roi n'auroit plus aucune place de la domination du roi. Je ne prêterois aucun dans mon diocèse; alors je ne m'en irois jamais volontairement, et je me laisserois mettre en prison plutôt que de quitter mon troupeau. Alors j'écrirois à la cour, pour demander ce que le roi voudroit de moi dans une telle extrémité. Si le roi ne desiroit rien de moi, je demeurerois en souffrance sans prêter aucun serment, jusqu'à ce que Cambrai eût été cédé aux ennemis par un traité de paix. Si, au contraire, le roi desiroit que je quittasse, je quitterois cent mille livres de rente sans condition et sans rien demander. Mais je ne veux rien prévenir, et je n'ai garde de rien dire, jusqu'à ce que le cas arrive. Il faut être abandonné, sans aide ni

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n'auront que des vues mondaines pour la cour. Je prie M. le duc de Beauvilliers de se rendre favorable, dans les occasions, à M. de Bernières, et même de lui rendre, s'il le peut, de bons offices auprès de M. Desmarets. Je crois qu'il est utile au service que M. de Bernières soit bien traité, et qu'on le fasse conseiller d'état le plus tôt qu'on le pourra. Il se tue et se ruine. Il a de la facilité d'esprit, des vues, de l'action, de l'expérience, du zèle, et il fait certainement plus que nul autre ne feroit en sa place. Il doute que M. Desmarets soit bien disposé pour lui. Il ne faut pas le faire entendre à celui-ci; mais M. de Bernières mérite fort qu'on le mette bien dans l'esprit de M. Desmarets. S'il ne convient pas que M. de Beauvilliers parle, ne pourriez-vous point, mon bon duc, le faire pour le bien public?

Il y a bien autant d'apparence pour le siége de Cambrai que pour celui d'Arras, après celui de Douai, si les ennemis peuvent continuer à aller en avant. On ne sauroit trop penser à ce qu'on va faire entre ci et trois semaines, et même moins. Une bombe qui tomberoit par hasard sur les poudres de Douai pourroit bien abréger le siége, et la décision de toutes choses. Voici le temps de l'abandon, mais de l'abandon bien pris, pour ne prendre aucun parti outré.

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Je vous envoie, mon bon duc, un nouveau Mémoire sur les affaires générales, qui deviennent de plus en plus celles d'un chacun de nous. Je vous conjure de le lire, de le faire lire au bon duc de Beauvilliers. Il n'est pas pour le P. P. (duc de Bourgogne): il est écrit trop librement, et pourroit le blesser; il suffit que vous lui en disiez tous deux ce que vous jugerez utile. Mais je voudrois bien qu'après l'avoir lu, vous le confiassiez à M. Dupuy, pour en envoyer une copie à N..... Je souhaite

cardinaux d'Estrées, de Janson, de Bouillon, de Noailles et de La Trémouille. Les deux premiers, accablés de vieillesse,

étoient retirés des affaires, et ne pouvoient plus figurer dans

un conclave. Le cardinal de Bouillon gémissoit dans l'exil et

la disgrace. Ce fut même quelques semaines après la date de cette lettre qu'il enfreignit ouvertement les ordres de Louis XIV, en quittant le lieu de son exil, pour se faire enlever par un détachement de l'armée ennemie, et qu'il abjura solennellement la qualité de sujet du roi. On sent combien le

cardinal de Noailles devoit être suspect à Fénelon et à tous ses

amis. Quant au cardinal de La Trémoille, Fénelon jugeoit

qu'il ne penseroit et n'agiroit que selon les inspirations du mi

nistère.

de tout mon cœur qu'il voie tout ce que je pene et qu'il me redresse si le fond de son cœur estee posé à mes pensées. J'ai le cœur déchiré par malheurs, et mon fonds ne peut consentir à auc succès. Ne croyez pas que ce soit l'effet de l'intposition du cœur d'un homme disgracié. Je dé nerois ma vie comme une goutte d'eau pour le pour la maison royale, pour le P. P. (due de Ba gogne), qui est pour moi le monde entier; mas crois voir qu'un succès gâteroit tout sans ressor N... dira si je me trompe.

Je consens à toutes les corrections que le P. Tellier et vous aurez faites à mon Mémoire p l'abbé Alamanni. Je les ratifie toutes sans peine. n'y a qu'à l'envoyer corrigé, supposé qu'on e qu'après ces corrections on peut, sans inconvenien le confier à cet abbé. Je lui ai déja écrit qu' enverroit un Mémoire par la voie de Paris. C je lui ai écrit n'empêcheroit pas qu'on ne put tenir mon Mémoire, si on trouvoit du péril à lui envoyer; car j'en serois quitte pour lui ma qu'un ami intime l'a retenu. Cependant nous tendrions un conclave qui suspendroit tout, et D aurions le loisir d'envoyer un Mémoire moins l Examinez et décidez avec le P. Le Tellier.

Les libertés de l'Église gallicane sont de vérita servitudes. Il est vrai que Rome a de trop gra prétentions; mais je crains encore plus la puissan laïque, et un schisme.

M. de Torcy et nos cardinaux pourront bier t verser l'exaltation du cardinal Fabroni.

J'attendrai la fin de l'assemblée pour cens la Théologie de M. Habert. Pourquoi cette ass blée dure-t-elle si long-temps?

On m'écrit de Tournay que les ennemis pa sent songer au siége de Cambrai après cel Douai. S'ils prenaient Cambrai, ils n'auroient pers la Somme à passer pour entrer en France. Ils pa seront au Mont-Saint-Martin, de là vers Comp gne, et jusqu'à Pontoise, sans trouver un seul seau. Je comprends bien que tout cela denari une grande bataille; mais les ennemis iront d'ab à vous dès que vous marcherez. Dieu décidera. les hommes en souffriront. Je vous conjure e une fois, mon bon duc, de faire envoyer une f de mon Mémoire par M. Dupuy à N... J'esje que je pourrai vous écrire en liberté dans deu trois jours. Dieu sait combien mon cœur est pla de vos bontés.

Ne pourriez-vous point, dans quelque occasi naturelle, savoir comment M. Desmarets est dis posé pour M. de Bernières, et lui insinuer des se timents favorables, sans témoigner que celui-ci

■ Bernières fait certainement beaucoup pour le service en ce pays; et, à tout prendre, nul autre qu'on mettroit en sa place n'y feroit autant que lui.

224. AU MÈME.

Sacrifices à faire pour la paix. Caractère de l'évèque de Meaux et de l'archevêque de Rouen: Fénelon regrette que l'évêque de Tournay ait quitté son siége. Ses dispositions personnelles, pour le cas où les ennemis pren

droient Cambrai.

A Cambrai, 4 mai 1710.

Je vous envoyai hier, mon bon duc, un grand Mémoire sur les affaires générales, et je compte

:

se croit pas tout-à-fait bien avec ce ministre? M. de | De plus, il m'a dit plusieurs fois qu'il croyoit que la grace efficace par elle-même étoit un dogme de foi, et qu'on ne pouvoit nier ce dogme sans être dans l'hérésie matérielle des pélagiens. Enfin, il m'a écrit que l'Église n'a point décidé en quel sens elle condamne les cinq Propositions, et qu'il faudroit demander au pape d'expliquer si c'est dans le sens d'une possibilité prochaine ou éloignée que les commandements sont possibles. C'est un bon homme, mais une fort médiocre tête, qui est incapable de se fixer à rien de net et de précis sur la doctrine. Il émeut tout et ne résout rien, comme le soleil de mars. Pour M. l'archevêque de Rouen, je l'ai vu fort prévenu pour les gens du parti. M. de Targny, qui est chez M. l'abbé de Louvois, lui a que vous le recevrez demain lundi 5 de ce mois. appris le très peu qu'il sait, et sa confiance étoit Il me paroît, par votre dernière lettre, que nos plénipotentiaires ne sont point encore allés avec tout entière de ce côté-là il sera toujours du ceux des ennemis jusqu'au vrai nœud de la diffi- côté des plus forts. Un très homme de bien m'a culté. Nos ennemis ne peuvent vouloir ni une assuré lui avoir ouï dire, à Noyon, qu'on avoit armée françoise dans l'Espagne, pour eux, contre beau crier contre les jansénistes, qu'il n'en avoit jamais connu aucun, et qu'il n'y en avoit point. un fils de France, ni le passage d'un corps d'armée ennemie au travers de notre royaume. S'ils veulent Un autre homme, digne de foi, m'a rapporté un des places en otage, ou même une contribution, discours à peu près semblable, qu'il avoit tenu à on peut et on doit la donner, plutôt que de hasar-l'abbaye du Mont-Saint-Martin, entre Saint-Quender l'état. Ainsi, ils ne doivent ni ne peuvent de- tin et Cambrai, en parlant à un homme favorable sirer de nous ce que nous ne devons pas leur accorder, et nous ne devons pas leur refuser ce qu'ils peuvent nous demander de plus rigoureux. Il semble qu'en cet état la paix doit être facile à faire. Pour les demandes ultérieures au préliminaire, le vrai moyen d'y remédier est d'entrer dans tous les pis-aller. Il vaudroit mieux sacrifier la Franche-Comté, les Trois-Évêchés, etc., à toute extrémité, que de risquer la France entière. Par évêque: on ne sait pas pour quelle puissance on

de si prodigieuses cessions, vous empêcheriez la réserve insupportable de toute demande ultérieure et indéfinie. D'où vient qu'on ne se hâte point d'aller jusque là, et que, pendant la longueur de la négociation, on laisse la France à deux doigts de sa perte?

Pour M. l'évêque de Meaux', il m'a dit souvent autrefois que c'étoit grand dommage que j'eusse embrassé, en défendant mon livre, le système moliniste d'un amour naturel entre la charité et la cupidité, et qu'il étoit affligé de voir que je ne suivois pas la doctrine de saint Augustin sur la grace.

▪ Fénelon n'avoit pas une idée très favorable de l'esprit et du jugement de l'évêque de Meaux (depuis cardinal de Bissy), et il le soupçonnoit même d'avoir des principes bien différents de ceux qu'il professa dans la suite, et qui contribuerent si puissamment à son élévation. Quant à l'archevêque de Rouen

(d'Aubigné), dont il est question un peu plus bas, le jugement

qu'en porte Fénelon paroît conforme à tous les Mémoires du temps.

au parti.

Je vous avoue qu'il me paroît triste pour M. l'évêque de Tournay qu'on lui ait fait abandonner son troupeau dans le plus pressant besoin qu'on puisse imaginer. Les ennemis ne lui demanderoient point un serment; car on ne sait point encore chez eux au nom de qui les choses se feront. Tout y est en suspens, et ils n'exigent aucun serment d'aucun

le demanderoit.

Si les ennemis prenoient Cambrai, je me retirerois au Quesnoi, à Landrecies, et puis à Avesnes. 'irois de place en place, jusque dans la dernière de la domination du roi. Je ne prêterois aucun serment, lorsque le roi n'auroit plus aucune place dans mon diocèse; alors je ne m'en irois jamais volontairement, et je me laisserois mettre en prison plutôt que de quitter mon troupeau. Alors j'écrirois à la cour, pour demander ce que le roi voudroit de moi dans une telle extrémité. Si le roi ne desiroit rien de moi, je demeurerois en souffrance sans prêter aucun serment, jusqu'à ce que Cambrai eût été cédé aux ennemis par un traité de paix. Si, au contraire, le roi desiroit que je quittasse, je quitterois cent mille livres de rente sans condition et sans rien demander. Mais je ne veux rien prévenir, et je n'ai garde de rien dire, jusqu'à ce que le cas arrive. Il faut être abandonné, sans aide ni

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