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ment. Donnez-nous de vos nouvelles, partout où Vous serez. Comptez que j'en desirerai toujours, et que je serois fort en peine si nous n'apprenions pas au moins l'état de votre santé. Bonjour, mon cher enfant; je suis à vous avec tous les sentiments que vous savez. Je prie Dieu qu'il vous garde, qu'il vous rende fidèle à sa grace, qu'il vous tienne dans une humble défiance de vous-même, et qu'il vous fasse faire sa volonté en tout.

200. AU MÊME.

Il l'engage à se concilier l'estime et l'amitié des officiers.

A Cambrai, 13 avril 1709.

de fréquenter les sacrements autant que votre vie agitée le pourra permettre. Soyez sociable dans le public; mais, dans tout ce qui est particulier, évitez toute familiarité avec les gens libertins et suspects de corruption: attachez-vous aux gens de mérite, pour gagner leur estime et leur amitié; mais, dans le fond, ne comptez point sur les bommes: Dieu est le seul ami fidèle qui ne vous manquera jamais. Quoique je vous aime tendrement, je vous conjure de ne compter jamais sur moi, et de ne voir en moi que Dieu seul malgré mes misères.

Les ennemis font le siége de Tournai : la tranchée est ouverte du 7 de ce mois; notre inondation va bien. On ne sait point encore si M. le maréchal de Villars marchera pour secourir la place; il le fait espérer, dit-on, à M. de Surville. Tout ce pays est dans une extrême souffrance; il est ravagé cruellement par les ennemis, et les nôtres le fourragent terriblement de leur côté. Dieu veuille que la cam

Je souhaite de tout mon cœur, mon cher neveu, que vous soyez arrivé à Strasbourg en parfaite santé, et que vous nous appreniez bientôt de vos nouvelles; elles me feront toujours un vrai plaisir. Il est fort à desirer que vous trouviez votre régiment bien composé, et que vous puissiez gagner l'amitié et l'estime des officiers : c'est un commen-pagne se passe sans aucun fâcheux événement! Le cement très nécessaire pour établir la réputation d'un jeune homme; et ce n'est pas un ouvrage facile, car on trouve partout des gens difficiles à contenter. Mandez, je vous conjure, avec franchise, la disposition des esprits, et les mesures que vous prenez pour vous faire aimer d'eux. Les gens que vous avez vus à Versailles sont contents de vous; et j'espère qu'en continuant de bien faire, vous vous attirerez leurs bontés. Si vous partez pour le Dauphiné, mandez-nous en quel lieu il faudra adresser les lettres que nous vous écrirons. Il faut être content partout, pourvu qu'on fasse son devoir, et qu'on ait dans le cœur ce qui fait le vrai bonheur des hommes. Bonsoir, mon cher petit homme; je vous aime tendrement.

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Je suis dans une vraie joie, mon cher neveu, quand je reçois de vos nouvelles, et je suis fort sensible au plaisir que vous donnent mes lettres. Je souhaite que votre santé aille bien, et que vous la ménagiez, sans manquer aux fonctions de votre emploi, et aux occasions d'apprendre la guerre. Vos foiblesses ne vous nuiront point; elles serviront, au contraire, à vous humilier, à vous tenir dans une juste défiance de vous-même, et à vous faire recourir sans cesse à Dieu, pourvu que vous ayez soin de vous recueillir, de prier, de lire, et

temps insensiblement se rapproche où nous pourrons nous revoir ; j'en ai une vraie impatience. Si M. de Cany va à votre armée, je vous conjure de le rechercher avec beaucoup plus d'empressement que s'il étoit encore secrétaire d'état. Si vous passez près de Chambéri, allez voir, je vous prie, le P. Malatra, jésuite, homme de beaucoup de mérite, à qui j'ai obligation si vous n'êtes pas à portée de le voir, du moins écrivez-lui, pour lui témoigner combien vous auriez voulu le faire, sur la prière que je vous en ai faite. Dieu sait, mon cher enfant, avec quelle tendresse je suis tout à vous sans réserve.

202. AU MÈME.

Il le félicite de sa conduite à l'armée, et le charge de remercier le maréchal de Berwick.

A Cambrai, 20 août 1709. Je suis ravi, mon cher neveu, d'apprendre que vous avez fait votre devoir; je vous en sais bon gré mais j'en loue Dieu infiniment plus que vous et je souhaite que vous lui en renvoyiez toute la louange; tout ce que vous en garderiez seroit un larcin. Vous ne sauriez garder trop de ménagement, pour n'exciter ni jalousie ni critique; redoublez vos soins pour tout le monde. Je suis fort aise de ce que votre petit frère a été échangé; faiteslui des amitiés pour moi, et tâchez d'en faire un honnête homme. Vous savez comment je desire que j l'honnête homme soit fait, et quel est son premier devoir. Je voudrois être à portée de remercier

1. le maréchal de Berwick je trouverai moyen e lui faire dire quelque chose en bon lieu, si je ne ae trompe. M. de Bonneval a perdu sa grand'mère, t gagné beaucoup de bien; mais la plus grande artie de ce bien demeurera à sa mère pour en uir sa vie durant. Ce pays est toujours désolé; e siége de la citadelle de Tournay continue. Bonour; tendrement tout à vous, mais d'une tendresse elon la foi.

205. AU MÈME.

sur quelques événements de la campagne de cette année.

neveu,

d'écrire

de sa famille, alarmée de son mal. J'ai fort parlé à M. le vidame d'une double économie pour le temps et pour l'argent. La curiosité lui fait faire grande dépense de temps, et l'inclination d'obliger tout le monde fait couler son argent un peu trop vite. Mais je n'ai pu que lui parler. Il paroit persuadé; mais le goût et l'habitude le rentraîneront : on ne sauroit lui faire changer son genre de vie dans les derniers jours d'une campagne. Les bonnes résolutions peuvent se prendre dès aujourd'hui ; mais les mesures pour l'exécution ne peuvent se prendre qu'à Paris. Pour moi, je ne perdrai aucune occasion de crier pour la réforme : ses défauts sont ceux du meilleur homme du monde.

Nous ne savons point encore avec certitude si les ennemis vont en quartier d'hiver, comme M. de Puységur paroît le croire, ou s'ils feront encore quelque entreprise. Nous ignorons aussi ce que M. de Bergheik va devenir. Il me semble avoir entrevu que son projet est de se servir de l'occasion de la prise de Mons, où il s'est renfermé tout exprès pour se séparer de la France, et pour mettre entièrement à part les intérêts de l'Espagne. Je crois bien qu'il a fait entendre à Versailles que ce ne sera qu'une comédie pour servir mieux la France même, en ne paroissant plus la servir; mais cer

A Cambrai, 26 septembre 1709. M. le duc de Saint-Aignan', qui a été blessé 'un grand coup de sabre à la tête, est en chemin e prompte guérison; mais M. le duc de Charost 2 st mort sur le champ de bataille, après avoir fait on devoir avec un grand courage. Sa famille est ans une très vive douleur, et moi j'en suis très ffligé. Ne manquez pas, mon cher M. le duc de Charost, qui a eu tant de bontés pour ous. On avoit cru la bataille gagnée jusqu'à midi, t je ne vous avois écrit que sur les paroles d'un fficier de l'électeur de Cologne, qui, allant porer cette agréable nouvelle à l'électeur de Bavière, voit ordre de m'en faire part en passant. La bles-tains discours m'ont laissé entendre qu'il veut cherure de M. le maréchal de Villars est grande, mais n espère qu'elle guérira: la guérison sera lente. 1. le maréchal de Boufflers commande avec beauoup de zèle et peu de santé. On a fait maréchal 1. d'Artaignan, pour le soulager dans le commanement. Tout ce pays est ruiné sans ressource par s troupes, quelque bon ordre que nos généraux ichent de faire garder. Portez-vous bien; aimez ui vous aime, et souvenez-vous que ce n'est pas e que je desire le plus, de vous aimer fidèlement.

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A Cambrai, 24 octobre 1709.

Je profite, mon bon duc, de la voie sûre de M. de Fortisson, pour vous dire que je vis encore vant-hier M. le vidame dans son camp. J'étois lié au Quesnoy voir M. de Courcillon3, à la prière

* Le duc de Saint-Aignan étoit frère paternel du duc de Beauvilliers : né en 1684, il mourut en 1776, à l'âge de quatre-vingtlonze ans.

2 C'est le marquis, et non le duc de Charost, qui fut tué le 11 septembre 1709, à la bataille de Malplaquet.

3 Philippe Egon, marquis de Courcil!on, fils du marquis de

cher l'intérêt de la monarchie d'Espagne contre celle de France. Il ajoute que tout cela se fera pour Philippe V: mais enfin il m'a dit en termes formels : « Nous vous ferons du mal... Je serai le » premier contre la France.... Je n'ai été jusqu'ici » lié à la France que pour l'Espagne... Nous don»> nerons aux François, pour frontière, la Som» me... Cambrai reviendra sous notre domina» tion. >>

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Je m'imagine qu'il veut que les ennemis se relâchent, et laissent Philippe V sur le trône, et que le roi achète leur consentement en rendant toutes les conquêtes de soixante-dix ans. Il espère que les Hollandois et les autres alliés croiront abaisser et affoiblir suffisamment la France par un si grand retranchement, et qu'en ce cas ils auront la maison de France, parce qu'ils seront les maîmoins de peur de voir la couronne d'Espagne dans tres de pénétrer en France quand il leur plaira de suivant ce plan, il demeurera le maître des Payspasser Ja Somme. De son côté, il se flatte que, Bas espagnols, qui reprendront toute leur ancienne

Dangeau, venoit d'avoir la jambe emportée à la bataille de Malplaquet, le 14 septembre précédent. 11 mourut le 20 septembre 1719. Sa sœur avoit épousé le duc de Montfort is aîné du duc de Chevreuse.

étendue. Mais j'ai beaucoup de peine à croire que débarrasser pour être seul et tout à soi, ni dis

les ennemis s'accommodent de ce plan.

La France pourroit fortifier Péronne, SaintQuentin, Guise, etc.; rétablir ses forces, faire des alliances, et, de concert avec Philippe V, prévaloir encore dans toute l'Europe. Voilà ce que les ennemis doivent craindre. M. de Bergheik pourra travailler d'abord de bonne foi à exécuter ce plan en faveur de Philippe V: mais ce plan l'engagera au moins extérieurement contre la France; cet embarquement pourra le mener plus loin qu'il n'aura peut-être voulu; il ne pourra plus reculer; il se trouvera qu'il aura travaillé pour la monarchie d'Espagne, plutôt que pour la personne de Philippe V. Si nous sommes contraints par lassitude d'abandonner Philippe, il se trouvera que ce que M. de Bergheik aura paru faire pour Philippe se tournera comme de soi-même pour Charles, parce qu'il aura été fait pour la monarchie, qui passera des mains de l'un de ces princes dans celles de l'autre. Voilà, mon bon duc, ce qu'il me semble entrevoir par des discours très forts qui me faisoient entendre un grand mystère au-delà de tout ce qu'ils pouvoient signifier. Je ne saurois développer le plan; mais c'est à ceux qui savent le secret des affaires à démêler ce que je ne puis voir que très confusément. J'en ai écrit dans le temps à M. de Beauvilliers, et je vous supplie de réveiller là-dessus toute son attention : l'affaire est délicate et importante. On prendroit bien le change, si on ne préféroit pas les frontières voisines de Paris à toutes les espérances ruineuses de l'Espagne.

trait, ni renfermé en soi-même au milieu du public: il est tout entier à ce qu'il fait. Il est plein de dignité, sans hauteur; il proportionne ses attentions et ses discours au rang et au mérite. Il montre la gaieté douce et modérée d'un homme mûr. Il paroît qu'il ne joue que par raison, pour se délasser, selon le besoin, ou pour faire plaisir aux gens qui l'environnent. Il paroît tout aux hommes, sans se livrer à aucun. D'ailleurs, cette complaisance n'est suspecte ni de foiblesse ni de légèreté: on le trouve ferme, décisif, précis; il prend aisément son parti pour les choses bardies qui doivent lui coûter. Je le vis partir de Cambrai, après des accès de fièvre qui l'avoient extrêmement abattu, pour retourner à l'armée, sur des bruits de bataille qui étoient fort incertains. Aucun de ceux qui étoient autour de lui n'auroit osé lui proposer de retarder son départ, et d'attendre d'autres nouvelles plus positives. Si peu qu'il eût laissé voir d'irrésolution, chacun n'auroit pas manqué de lui dire qu'il falloit encore attendre un jour; et il auroit perdu l'occasion d'une bataille où il a montré un grand courage, qui lui attire une haute réputation jusqu'en Angleterre. En un mot, le roi d'Angleterre se prête et s'accommode aux hommes; il a une raison et une vertu toute d'usage; sa fermeté, son égalité, sa manière de se posséder et de ménager les autres, son sérieux doux et complaisant, sa gaieté, sans aucun jeu qui descende trop bas, préviennent tout le public en sa faveur.

206.

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AU DUC DE CHEVREUSE.

Il ne me reste qu'un moment pour vous dire que je suis, mon bon duc, plus uni à vous que Sur les moyens de former le duc de Bourgogne, et sur les jamais, et plus dévoué à vos ordres.

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qualités que doit avoir celui qu'on choisira pour négocier la paix.

A Cambrai, 48 novembre 1709.

Je vous quittai hier, mon bon duc, et j'ai dėja || mille choses à vous dire. Commençons.

4° Je ne suis point content sur Thomas'. Il ne métier; je voudrois ne donner une très grande faut point se laisser subjuguer par des gens de vraisemblance que pour ce qu'elle est, déclarant que si on trouve dans la suite le contraire on le dira: comme aussi, d'un autre côté, il sera très bon d'avoir avancé ceci, soit qu'on trouve dans la

J'ai vu plusieurs fois assez librement le roi d'Angleterre, et je crois, monseigneur, devoir vous dire la bonne opinion que j'en ai. Il paroît sensé, doux, égal en tout. Il paroît entendre bien les vérités qu'on lui dit. On voit en lui le goût de la vertu, et des principes de religion sur lesquels il veut régler sa conduite. Il se possède, et il agit tranquil-suite de quoi le confirmer, soit qu'on demeure

lement comme un homme sans humeur, sans fantaisie, sans inégalité, sans imagination dominante, qui consulte sans cesse la raison, et qui lui cède en tout. Il se donne aux hommes par devoir, et est plein d'égards pour chacun d'eux. On ne le voit ni las de s'assujettir, ni impatient de se

dans le doute; car cette vraisemblance vaut beaucoup mieux que rien. Elle me paroît très forte par la convenance de l'un des deux Thomas fugitif.

'Il s'agit, dans ce premier article, de quelque négociation secrète pour la paix.

avec le Thomas venu de pays étranger à peu près au même temps.

2o Je crois qu'on doit beaucoup veiller sur les démarches de l'homme dont je vous ai laissé une lettre, et sur les propositions qu'il peut faire pour engager les gens qu'il entretient en particulier.

1

3o Ne vous reposez point sur le bon (duc de Beauvilliers) pour cultiver le P. P. (duc de Bourgogne); mais faites-le vous-même simplement dans toutes les occasions, et suivant toute l'ouverture que Dieu vous en donnera. Ayez soin aussi, je vous conjure, de cultiver l'homme dont nous avons tant parlé, et que je ne connois que par lettres, lequel vous a fait examiner une grande affaire. Vous pourrez lui donner de bons avis. Je vous enverrai au plus tôt la lettre que vous voulez bien lui communiquer sur l'ouvrage très répréhensible d'un théologien 2.

Je vous supplie de ménager votre santé, qui me paroît s'user par le travail continuel où vous êtes, tant pour l'étude que pour les affaires, sans relâcher jamais votre esprit; finissez, le plus promptement que vous le pourrez, chaque affaire, et respirez.

7° Je vous recommande la P. D. (duchesse de Beauvilliers). Demeurez intimement uni à elle : ne laissez point resserrer son cœur ; adoucissez-lui les peines du changement, qui doit lui être très rude; ménagez-la comme la prunelle de l'œil, sans lui laisser un certain empire qu'elle prend sans l'apercevoir.

J'ai le cœur bien touché des bontés de notre duchesse. Je crois être encore à Chaulnes avec elle : je ne puis lui reprocher que de faire trop manger. O qu'on a le cœur au large avec de si bonnes gens ! Je souhaite qu'elle n'agisse que par l'esprit de grace, avec tranquillité, simplicité, liberté entière, arrêtant tous les mouvements d'une nature vive et un peu âpre, pour ne faire que se prêter à l'impression douce de notre Seigneur. Alors on parle peu, et on dit beaucoup; on ne s'agite point, et on fait tout ce qu'il faut; on ne se presse point, et on expédie bientôt; on n'use point d'adresse, et on persuade; on ne gronde point, et on corrige; on n'a point de hauteur, et on exerce la vraie autorité; on est patient, modéré, complaisant, et on n'est ni mou ni flatteur. En vérité, je donnerois ma vie pour cette bonne duchesse : à peine l'ai-je quittée, et il me tarde de la revoir.

4o Je supplie M. le vidame de dire à M. le prince de Rohan combien je suis vivement piqué des Pour madame la vidame, je lui trouve une vérapports qu'il a faits sur mon compte, en grossis-rité et une noblesse qui me charment. Je me fierois sant beaucoup les faits.

5o Je vous condamne à accepter, si on le vouloit, l'emploi d'aller négocier pour la paix. Le bruit public est qu'on y veut envoyer M. l'abbé de Polignac. Il est accoutumé aux négociations; il a de l'esprit, avec des manières agréables et insinuantes; mais je voudrois qu'on choisit un homme d'une droiture et d'une délicatesse de probité qui fût connue de tout le monde, et qui inspirât la confiance même à nos ennemis. En un mot, je ne voudrois point un négociateur de métier, qui mît en usage toutes les règles de l'art; je voudrois un homme d'une réputation qui dissipât tout ombrage, et qui mît les cœurs en repos. Au nom de Dieu, raisonnez-en en toute simplicité avec le bon (duc de Beauvilliers). M. de T. (Torcy) ne voudra qu'un homme du métier, et dépendant de lui. Il faut s'oublier, et aller tête baissée au bien; la vanité n'est pas à craindre en telle occasion.

6o L'affaire de M. le comte d'Albert ne lui donneroit point de solide subsistance. D'ailleurs vous en connoissez le mauvais côté: n'y entrez, je vous supplie, qu'avec sûreté et agrément.

Michel Le Tellier, jésuite, qui avoit succédé au P. de La Chaise dans la place de confesseur du roi.

• Habert.

1

à elle comme à vous. Je suis ravi de voir son dégoût de la cour. Il faut pourtant qu'elle devienne profonde en politique, et qu'elle ne dise pas tout ce qu'elle pense sur les Muses. Oserai-je la prier de témoigner à M. l'évêque de Rennes que je l'honore et le révère parfaitement? Je ne demande ceci que quand elle le verra, et qu'elle aura une occasion très naturelle de placer un mot sans conséquence.

Souffrez que j'embrasse tendrement mon très cher M. le vidame.

Bonsoir, mon bon duc; il n'y aura rien pour vous. Les paroles ne sont rien; il me semble que votre cœur est le mien, tant j'y suis uni.

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Je vous recommande donc instamment M. de Puységur, moins pour lui que pour notre prince. Souvenez-vous que vous m'avez promis de cultiver le prince. Souvenez-vous aussi, s'il vous plaît, qu'il faut mettre le P. Le Tellier en garde contre M. le marquis d'Antin', qui est très dangereux sur le jansénisme.

:

Outre la capacité et l'expérience pour la guerre, | seuls molinistes. Mais ce système est précisément M. de Puységur a d'excellentes vues sur les affaires celui de Jansenius le texte de cet auteur ne congénérales qui méritent un grand examen des con- tient rien de réel au-delà de ce système, et sa versations avec lui vaudront mieux que la lecture condamnation est injuste, si ce système n'est pas de la plupart des livres. D'ailleurs, il est capital hérétique. En ce cas, le jansénisme n'est qu'un que notre prince témoigne amitié et confiance aux fantôme : c'est une hérésie imaginaire, dont les jégens de mérite qui se sont attachés à lui, et qui suites se servent pour faire une réelle persécution ont tâché de soutenir sa réputation ; car elle a beau- aux fidèles disciples de saint Augustin, et pour tycoup souffert, et il n'a guère trouvé d'hommes ranniser les consciences en faveur du molinisme. qui ne l'aient pas condamné depuis l'année der- Il s'agit donc de ce qui est comme le centre de toute nière. la dispute qui dure depuis soixante-dix ans. Si on permet à M. Habert de soutenir les cinq Propositions, en y ajoutant pour la forme les deux mots de nécessité et d'impuissance morale, le jansénisme reprend impunément, sous ces noms radoucis, tout ce qu'il semble avoir perdu. En condamnant du bout des lèvres Jansenius, on met à couvert tout le jansénisme. Il y a encore la distinction de la suffisance absolue et de la suffisance relative, à la faveur de laquelle on élude toutes les décisions. Il est donc capital de décréditer une Théologie si contagieuse, qui se répand dans les écoles, dans les séminaires, dans les diocèses, sans contradiction. C'est par de telles voies que la contagion croit à vue d'œil, malgré toutes les puissances réunies pour la réprimer. Pendant que ces Théologies mettent de si dangereux préjugés dans les esprits, un coup d'autorité, comme celui qu'on vient de faire à Port-Royal', ne peut qu'exciter la compassion publique pour ces filles, et l'indignation contre leurs persécuteurs. Le ménagement qu'on garde perd tout. Pour moi, je ne puis que dire simplement ma pensée. Je crois qu'il est essentiel de dé

Mille respects à notre bonne duchesse et à madame la vidame. J'embrasse tendrement M. le vidame. Tout dévoué à mon bon duc.

208. AU MÈME.

Sur les erreurs de la Theologie de Habert, et sur une lettre que Fénelon envoie au duc contre cette Theologie.

A Cambrai, 24 novembre 1709.

Je vous envoie, mon bon duc, ma lettre contre la Théologie de M. Habert, et je vous supplie de délibérer avec le P. Le Tellier sur l'usage qu'il convient d'en faire. Il faut faire attention à deux choses l'une est que M. Habert a été attaché à M. le cardinal de Noailles, à Châlons, et a encore aujourd'hui à Paris sa confiance. Cette Théologie même a été faite pour les ordinands du séminaire de Châlons. On ne manquera pas de croire que je cherche à me venger de ce cardinal, et il pourra le croire lui-même ; cela peut faire une espèce de scandale dans le public, et augmenter à mon égard les peines de M. le cardinal de Noailles. De plus, j'attaque le système des deux délectations, qu'un grand nombre de gens superficiellement instruits de la théologie, et prévenus par les jansenistes dé guisés, regardent comme la plus saine doctrine, qui n'est point, selon eux, le jansénisme, et sans Jaquelle le molinisme triompheroit. Ma lettre irritera tous ces gens-là, et ils se récrieront que je ne veux plus reconnoître pour catholiques que les

Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin, marquis d'Antin, étoit fils de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, et de la célèbre Françoise-Athénaïs de Rochechouart-Mortemart, marquise de Montespan. Il obtint, en 1744, l'érection du marquisat d'Antin (bourg de Bigorre) en duché-pairie.

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noncer à l'Église la Théologie de M. Habert. Si

vous jugez, avec le P. Le Tellier, que ma lettre doive être supprimée, vous n'avez qu'à la brûler ; si, au contraire, vous décidez qu'elle doit paroître, il n'y a qu'à la donner à nos bons amis les Pères Germon et Lallemant, qui auront soin de la faire imprimer. Pour moi, je suis également prêt à vous voir décider le oui et le non; tant je suis éloigné de vouloir faire la moindre peine à M. le cardinal de Noailles. Dieu sait que je voudrois donner ma vie pour le contenter, et pour le voir sincèrement éloigné du parti. Décidez donc, mon bon duc, avec le P. Le Tellier. Dieu soit au milieu de vous deux

Le 5 novembre 1709, les religieuses du célèbre monastère de Port-Royal des champs furent transférées et dispersées en différents couvents, en vertu d'une bulle du pape et d'un ordre du roi. Dès le 27 mars 1708, une bulle de Clément XI, revêtne de lettres patentes le 44 novembre de la même année, avoit réuni leur maison à celle de Port-Royal de la ville de Paris; mais elles avoient constamment refusé de reconnoître l'abbesse de Port-Royal de la vill pour leur supérieure.

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