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l'année, qu'environ onze mille mesures de blé, chaque mesure pesant environ quatre-vingt-quatre livres. Cette mesure vaut actuellement au marché plus de deux écus, et le prix augmentera tous les jours. Ainsi le total de ce blé montera au moins à soixante-dix mille francs. Vous prendrez, monsieur, sur ce total, la quantité qu'il vous plaira, et au prix que vous voudrez. Je n'ai aucune condition à vous proposer, et c'est à vous à les régler toutes. Je ne réserverai pour mes besoins, pour ceux des pauvres, qu'il ne m'est pas permis d'abandonner, et pour les gens qui sont accoutumés à aborder chez moi en passant, que ce que vous voudrez bien me laisser. Je serai content, pourvu | que je fasse mon devoir vers le roi, et que vous soyez persuadé du zèle avec lequel je serai le reste de ma vie, etc.

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Je suis toujours vivement touché, mon révérend Père, quand vous me faites la grace de me donner de vos nouvelles : j'avoue qu'elles me donneroient une bien plus grande consolation, si elles m'apprenoient la diminution de vos maux ; mais nous n'aimons Dieu plus que nous, qu'autant que nous préférons sa volonté à notre soulagement. C'est apprendre une heureuse nouvelle d'un homme qu'on aime et qu'on révère, que d'apprendre qu'il est attaché sur la croix avec Jésus-Christ, et qu'il dit, comme l'Apôtre : J'ai une surabondance de joie au milieu de mes tribulations '. Pour les expériences que vous me mandez avoir faites, elles peuvent venir d'une grace extraordinaire, et je n'ai garde d'en juger. Il me paroît seulement que le remède a pu les premières fois, plus parfaitement que dans la suite, apaiser toutes les douleurs, adoucir le sang, débarrasser entièrement la tête, et vous mettre dans une parfaite liberté, où les dispositions pieuses dont vous êtes, Dieu merci, prévenu, ont produit, sans aucun obstacle, cette société si simple, si familière et si intime avec Dieu. Il n'y a que les sens et les passions du corps qui amortissent les opérations de notre ame en ette vie à l'égard de Dieu, quand notre volonté end uniquement vers lui. La mort, qui rompt tous los liens, nous met dans l'entière liberté de voir

II Cor.. VII. 4.

et d'aimer. En attendant cette pleine délivrance, tout ce qui impose silence aux passions tumultueuses, à l'imagination volage, et aux sens qui nous distraient, sert beaucoup à nous occuper de Dieu, lorsque notre vrai fond est tourné vers lui. La nuit même est très propre à ce recueillement; aucun objet extérieur n'interrompt ni ne partage alors notre attention. Ainsi, quand l'imagination se trouve calmée par une suspension des choses qui l'agitoient, on peut éprouver une très paisible et très profonde union d'amour avec Dieu, sans aucun don miraculeux. Je ne dis point ceci pour exclure les graces extraordinaires; à Dieu ne plaise! Je n'en veux nullement juger : mais je croirois que, sans aucune impression miraculeuse, la grace ordinaire, quand elle est forte, et quand l'ame est mise en liberté, comme je viens de le dire, peut suffire pour produire une très grande occupation de Dieu et de ses mystères.

Je n'ai pas manqué de mander à Paris qu'on vous envoyât au plus tôt un exemplaire de ma réponse à la Justification du silence respectueux : je ne serois pas content que vous l'eussiez lue, si vous ne l'aviez pas reçue de moi.

Pour le mandement dont on fait du bruit ', vous le verrez au premier jour, dans un recueil de plusieurs autres qui sont imprimés. Vous verrez que je n'ai parlé qu'en général du malheur des guerres; pour exciter les peuples à prier pour la paix, j'ai cité les paroles de saint Augustin, qui dit que les princes les plus justes et les plus modérés sont réduits à prendre les armes, et que ce malheur est d'autant plus déplorable, qu'il est devenu nécessaire. Ma conclusion est de dire: « Prions pour la prospérité des armes du roi, afin » qu'elles nous procurent, SELON SES DESSEINS, » un repos qui console l'Église aussi bien que les peuples, et qui soit sur la terre une image du re» pos céleste. » Ces paroles sont décisives pour écarter de l'esprit du lecteur toute pensée maligne, et d'appliquer au roi ce que j'ai dit en général sur les horreurs d'une guerre ambitieuse, et contraire

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à l'humanité. Rien n'est plus opposé à une guerre si odieuse que celle que le roi fait malgré lui, pour nous procurer un repos qui console l'Église aussi bien que les peuples, etc. Cette intention m'a paru si pure, que j'ai exhorté tous les fidèles à demander la prospérité de ses armes, et à desirer l'accomplissement de ses desseins, comme étant persuadé qu'ils tendent à nous procurer ce repos si utile et si édifiant. Voilà ce qui regarde mon

Fénelon parle de son Mandement du 12 mai 1708, pour la prospérité des armes du roi.

dernier mandement de cette année. De plus, vous verrez dans le recueil trois autres mandements, où j'ai fait, pour ainsi dire, un plaidoyer pour la cause des deux rois contre nos ennemis, dans les années précédentes. Je doute fort qu'il y ait quelque autre évêque en France qui ait parlé aussi fortement que moi de la justice de la cause de ces deux princes, et des pieuses intentions du roi en particulier. On n'a fait aucune attention à ce qui est clair comme le jour pour montrer mon zèle, et on a relevé malignement un endroit très innocent de mon dernier mandement, pour l'empoisonner par une interprétation forcée. Il faut prier de bon cœur pour ceux qui agissent ainsi, et leur vouloir autant de bien qu'ils me veulent de mal. Je suis tout à vous, mon révérend Père, avec une vraie vénération.

Je reviens au remède nommé silentium pectoris. Je souhaite non-seulement qu'il soulage votre poitrine, mais encore qu'il nourrisse, qu'il console et qu'il élargisse votre cœur. Il n'y a qu'à s'en servir, qu'à goûter la paix qu'il vous donne, sans en vouloir juger, et sans vous y arrêter volontairement pour vous en faire un appui. C'est le vrai moyen d'en tirer tout le profit, sans s'exposer au danger d'aucune illusion. Avez-vous pris ce remède le jour, et fait-il le même effet le jour que la nuit? Mandez-moi le lieu où il se vend à Paris. J'en voudrois avoir une fontaine pour toutes les personnes peinées. Sérieusement, j'en voudrois faire prendre à une très bonne personne dont la poitrine et le cœur ont besoin de ce soulagement.

Je ne dois pas oublier de vous dire que j'ai vu passer ici M. le M. d'Angennes, votre parent, qui portoit encore les marques de sa blessure, mais qui étoit déja presque guéri. Il est fort bien fait, poli et aimable.

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des partis pris pour la guerre, à l'égard desquels les fautes énormes ne tombent point sur lui, on prétend qu'il n'a point assez d'application pour aller visiter les postes, pour s'instruire des détails importants, pour consulter en particulier les meilleurs officiers, et pour connoître le mérite de chacun d'eux. Il a passé, dit-on, de grands temps dans des jeux d'enfant avec M. son frère, dont l'indécence a soulevé toutes les personnes bien intentionnées, dans de tristes conjonctures où il auroit dû paroitre sentir la honte de sa campagne et le malheur de l'état. Voilà, si je ne me trompe, la vraie source de l'indisposition générale des militaires, qui reviendroient, s'ils voyoient, au printemps prochain, ce prince moins amusé à des jeux indécents, montant plus souvent à cheval, voulant tout voir et tout apprendre, questionnant les gens expérimentés, et décidant avec vigueur. Mais il faudroit qu'au lieu de M. de Vendôme, qui n'est capable que de le déshonorer et de hasarder la France, on lui donnât un homme sage et ferme, qui comniandât sous lui, qui méritât sa confiance, qui le sou- | lageât, qui l'instruisît, qui lui fît honneur de tout ce qui réussiroit, qui ne rejetât jamais sur lu aucun fâcheux événement, et qui rétablit la réputation de nos armes. Cet homme, où est-il ? Ce seroit M. de Catinat, s'il se portoit bien; mais n'est ni M. de Villars, ni la plupart des autres que nous connoissons. M. de Berwick, qu'on louoit fort en Espagne, n'a pas été fort approuvé en Flandre: / je ne sais si la cabale de M. de Vendôme n'en 2 pas été cause. Il faudroit de plus, à notre prince. À quelque homme en dignité auprès de lui. Plût à Dieu que vous y fussiez! vous auriez pu empêcher tous les badinages qu'on a critiqués, et lui donner plus d'action pour contenter les troupes. Ce qui est certain est qu'il demeurera dans un triste avilissement aux yeux de toute la France et de toute l'Europe, si on ne lui donne pas l'occasion et les secours pour se relever et pour soutenir nos affaires. Si M. de Vendôme revient tout seul avec un pouvoir absolu, il court risque de mettre la France bien bas. Il faut savoir faire ou la guerre ou la paix. Il faut, dans cette extrémité, ua grand courage, ou contre l'ennemi pour l'abattre malgré ses prospérités, ou contre soi-mêm pour s'exécuter sans mesure, avant qu'on tomi encore plus bas, et qu'on ne soit plus à porté de se faire accorder des conditions supportables. Pour le jeune prince, s'il est mou, amusé foible en arrivant à la cour, il demeurera mépri- i sé, et hors d'état d'avoir sa revanche. Il faut qu'i parle avec respect et fermeté, qu'il avoue le

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orts qu'il peut avoir; qu'il peigne M. de Venlôme au naturel, qu'il mette toute la campagne devant les yeux du roi, qu'il demande à relever son honneur et celui des armes de Sa Majesté, en commandant l'année prochaine avec un bon général sous lui : s'il ne presse pas avec une cercaine vigueur, il demeurera dans le bourbier. Il aut le faire en arrivant. La réputation de ce jeune prince est sans doute plus importante à la France qu'on ne s'imagine. Rien ne décrédite tant le roi et 'état, dans les pays étrangers, que de voir son peit-fils avili à la tête des armées, n'ayant sous lui our général qu'un homme qui ne sait ni prévoir, i préparer, ni douter, ni consulter, ni aller voir; qui se laisse toujours surprendre, qu'aucune ex›érience ne corrige, qui se flatte en tout, et qui est léconcerté au premier mécompte; enfin, qui fait 1 guerre comme M. le duc de Richelieu joue, c'est-dire qui hasarde tout sans mesure dès qu'il est iqué '. Si les ennemis, au printemps, entament otre frontière déja à demi percée, rien ne les ourra arrêter dans la Picardie.

Vous connoissez l'épuisement et l'indisposition es peuples. Dieu veuille qu'on y pense! Mais on e pourra se résoudre ni à changer de méthode our la guerre, ni à s'exécuter violemment pour paix; et l'hiver, déja fort avancé, finira avant u'on ait pris de justes mesures. M. de Chamillard e dit, en passant ici, que tout étoit désespéré our soutenir la guerre, à moins qu'on ne pût teir les ennemis affamés dans cette fin de campane entre le canal de Bruges, l'Escaut, et notre ontière d'Artois. Toutes ces espérances sont évaouies. Mais M. de Chamillard, qui me représenit très fortement l'impuissance de soutenir la erre, disoit, d'un autre côté, qu'on ne pouvoit int chercher la paix avec de honteuses condions. Pour moi, je fus tenté de lui dire : Ou faites ieux la guerre, ou ne la faites plus. Si vous connuez à la faire ainsi, les conditions de paix seront core plus honteuses dans un an qu'aujourd'hui; ous ne pouvez que perdre à attendre.

'Ce portrait du duc de Vendôme est conforme à ce que les émoires du temps rapportent de ce général. Le duc de Saintmon surtout justifie le duc de Bourgogne, et confirme ce ie dit ici Fénelon de la cabale suscitée par le duc de Venme pour avilir le jeune prince, croyant par-là faire sa cour I dauphin son père, qui ne témoignoit ce fils que de la oideur. Ce seigneur cite entre autres un mot du duc de endôme, qui, après l'affaire d'Oudenarde, s'échappa jusqu'à re au duc de Bourgogne, devant tout le monde, qu'il se

uvint qu'il n'étoit renu qu'à condition de lui obéir (Mem., v. IX, art. xvIII et suiv.). Voyez aussi les lettres du duc de ourgogne à madanie de Maintenon, dans les Mém. politiues, etc., publiés par l'abbé Millot, tome IV, pag. 324 et

iv.

Si le roi venoit en personne sur la frontière, il seroit cent fois plus embarrassé que M. le duc de Bourgogne. Il verroit qu'on manque de tout, et dans les places, en cas de siége, et dans les troupes, faute d'argent. Il verroit le découragement de l'armée, le dégoût des officiers, le relâchement de la discipline, le mépris du gouvernement, l'ascendant des ennemis, le soulèvement secret des peuples, et 1'irrésolution des généraux dès qu'il s'agit de hasarder quelque grand coup. Je ne saurois les blâmer de ce qu'ils hésitent dans ces circonstances. Il n'y a aucune principale tête qui réunisse le total des affaires, ni qui ose rien prendre sur soi. En un mot, un joueur qui perd parce qu'il joue trop mal ne doit plus jouer. Le branle donné du temps de M. de Louvois est perdu: l'argent et la vigueur du commandement nous manquent. Il n'y a personne qui soit à portée de rétablir ces deux points essentiels. Quand même on le pourroit, il faudroit trop de temps pour remonter tous ces ressorts. On ruine et on hasarde la France pour l'Espagne. Il ne s'agit plus que d'un point d'honneur, qui se tourne en déshonneur dès qu'il est mal soutenu. Ni le roi ni monseigneur ne peuvent venir défendre la France; M. le duc de Bourgogne, qui est notre unique ressource, est malheureusement décrédité, et je crains qu'on ne fera rien de ce qu'il faut pour relever sa réputation.

Voilà, mon bon duc, ce qui me passe par l'esprit. Je n'ai point le temps d'en écrire aujourd'hui à M. le duc de Beauvilliers; mais je vous supplie de lui communiquer cette lettre. Elle sera, s'il vous plaît, commune entre vous deux. J'espère que vous voudrez bien aussi la montrer à madame la duchesse de Mortemart. M. le vidame,

s'il

passe ici, comme il me le promet, vous portera quelque autre paquet de moi. Cependant je renouvelle ici mille respects à madame la duchesse de Chevreuse, et je n'y ajoute pour vous, mon bon duc, qu'une union sans réserve de cœur en Dieu.

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l'on dit de moi. Vous pouvez interroger le vidame, 197. DE FÉNELON AU MARQUIS DE qui vous rendra cette lettre, sur la suite des faits publics, qu'il me seroit bien long de reprendre ici. Je vous parlerai cependant de quelques uns.

Je n'ai jamais eu ordre du roi d'attaquer le prince Eugène pendant l'éloignement du duc de Marlborough: au contraire, quand il marcha à M. de Vendôme du côté d'Oudenbourg, le maréchal de Berwick et moi voulions rassembler les différents camps qui étoient le long de l'Escaut, et marcher au prince Eugène. L'ordre de marche fut dressé; et je l'aurois exécuté, si nous n'avions trouvé tous ceux que je consultai d'un avis contraire, et qu'il falloit plutôt fortifier M. de Vendôme du côté de Bruges et de Gand. Ceux à qui je parlai étoient MM. d'Artaignan, Gassion, Saint-Frémont, Cheyladet et Souternon.

Les trois bataillons d'Oudenarde sont vrais mais on me les assura séparés de l'armée ennemie; et il n'y auroit eu nul combat, si l'on s'étoit arrêté à l'endroit où l'on disoit qu'ils étoient, et où on ne les trouva point: du moins les ennemis le seroient-ils venus chercher.

Sur la Marque, M. de Vendôme n'étoit point pressé d'attaquer il ne reconnut le côté où étoit d'Artaignan que trois jours après son arrivée, et dès-lors les retranchements étoient formés. Les plaines, il est vrai, sont assez grandes; mais les ennemis y auroient toujours eu un plus grand front que nous, pour nous envelopper en débouchant des défilés.

Je ne me souviens point d'avoir écrit à des gens indiscrets ce que j'écrivois au roi, en chiffre, sur l'état du dedans de la ville de Lille.

FÉNELON, SON PETIT-NEVEU.

Il l'exhorte à prendre conseil des gens sages.

Cambrai, 7 janvier 1709.

Votre lettre, mon cher neveu, est venue fort à propos. Je commençois à être en peine du retardement de votre arrivée à Paris. Il est juste que vous y donniez le temps convenable pour les affaires de votre régiment. J'avoue que ce seroit une grande consolation de vous avoir pendant la campagne à deux pas de nous, et d'être à portée de vous secourir en cas de blessure ou de maladie. Il est vrai aussi que vous seriez, sur cette frontière, plus à portée d'être connu et de montrer votre bonne volonté. Mais, d'un autre côté, je serois inconsolable si vous veniez à périr dans une frontière où l'on est plus exposé qu'ailleurs, supposé que vous cussiez demandé à y venir par un sentiment d'ambition, et que j'eusse approuvé un tel dessein. Ainsi, tout ce que je puis faire est de vous laisser à la Providence, et de vous conseiller de consulter des gens plus sages que moi dans le lieu où l'on vous desire. Le principal est, si je ne me trompe, de suivre simplement ce que vous aurez au cœur, en n'y écoutant que Dieu, et en renonçant à toute vue mondaine. Dieu vous bénira quand vous vous abandonnerez à lui.

Je compte que vous rendrez de vrais devoirs aux maisons de Mortemart, de Chevreuse et de Charost. Vous devez de la reconnoissance à cette dernière maison : je lui suis dévoué à toute épreuve. Allez voir, je vous prie, mademoiselle de Langeron. et notre bon abbé Le Fèvre. J'espère que M. Dupuy nous viendra voir bientôt, et j'en suis ravi. Mille et mille amitiés à ma chère nièce, que j'aime de plus en plus son bambin me tient fort au cœur. Bien des compliments à M. de Chevry. Le moment de vous embrasser et entretenir me donne par avance beaucoup de joie.

Je vous remets au vidame sur tout le reste, dont je ne puis vous faire un plus long détail. Je profiterai, avec l'aide de Dieu, de vos avis. J'ai bien peur que le tour que je vais faire en Artois, me faisant finir ma campagne à Arras, ne m'empêche de vous voir à mon retour, comme je l'avois toujours espéré car, de la manière dont vous êtes à la cour, il me paroît qu'il n'y a que le passage dans votre ville archiepiscopale qui me puisse procurer ce plaisir. Je suis fâché aussi que l'éloignement où je vais me trouver de vous m'empêche aussi Il lui indique les moyens de mettre fin à sa vie tiède et

de recevoir d'aussi salutaires avis que les vôtres. Continuez-les cependant, je vous en supplie, quand vous en verrez la nécessité, et que vous trouverez des voies absolument sûres. Assistez-moi aussi de vos prières, et comptez que je vous aimerai toujours de même, quoique je ne vous en donne pas toujours des marques.

198. AU VIDAME D'AMIENS.

dissipee.

A Cambrai, 4 avril 1709.

Je suis très sensible à toutes vos bontés, monsieur, et votre dernière lettre m'a véritablement attendri. Je vous porte tous les jours à l'autel ave beaucoup de zèle.

Vous ne devez pas être surpris de vous trouves si tiède, si dissipé et si fragile : c'est l'effet nature

Il ne faut pas se rebuter, quoiqu'on éprouve en soi beaucoup de tentations, et qu'on fasse même diverses fautes. La vertu, dit l'Apôtre', se perfectionne dans l'infirmité. C'est moins par le goût sensible et par les consolations spirituelles, que par l'humiliation intérieure et le recours fréquent à Dieu, qu'on s'avance vers lui.

l'une longue habitude de vie relâchée. Vos passions | cer. Rien ne touche tant le cœur de Dieu, que ce ont fortes; vous vivez au milieu du monde et des courage humble et patient. entations les plus dangereuses; votre foi n'est qu'à emi nourrie; votre amour-propre agit en pleine berté dans tout ce que la crainte de Dieu ne vous eproche pas comme un désordre grossier. C'est ivre d'une vie mondaine que la crainte de Dieu nodère; mais ce n'est pas vivre de l'amour de Dieu nis en la place de l'amour-propre. Ce n'est qu'en e livrant à Dieu par l'amour, et en nourrissant et amour par une prière familière et fréquente, qu'on sort de cet état flottant. Quand on ne veut rendre de la religion qu'autant qu'il en faut our apaiser les reproches de sa conscience, et our se donner une espérance qui console le cœur, n ne fait que languir intérieurement. C'est un alade convalescent, qui se contente de se nourir suffisamment pour ne tomber pas à toute heure a défaillance, et pour s'épargner de grandes doueurs. Il ne fait que traîner, et il n'a aucune resource. Vous me demanderez qu'est-ce qu'il faut ire; le voici :

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5° Il faut examiner, surtout dans l'oraison, et nmédiatement après vos communions, ce que ieu demande de vous pour mourir à vos pasons, pour vous précautionner contre vous-même, our réprimer vos goûts, et pour retrancher les nusements qui vous détournent de vos devoirs xtérieurs, ou qui s'opposent à une vie de recueilment. Vous verrez que si vous vous abandonez à l'esprit de grace, il vous fera sentir ce qui ɔus arrête dans le chemin où Dieu vous appelle. 4° Il ne faut point être étonné ni découragé de os fautes. Il faut vous supporter vous-même avec atience, sans vous flatter ni épargner pour la orrection. Il faut faire pour vous comme pour un utre. Dès que vous apercevez que vous avez anqué, condamnez-vous intérieurement, tourez-vous du côté de Dieu pour en recevoir votre énitence dites avec simplicité votre faute à homme de Dieu qui a votre confiance. Recommenez à bien faire, comme si c'étoit le premier jour, t ne vous lassez point d'être toujours à recommen

Voilà, monsieur, ce que je le prie de vous faire bien entendre. Je vous aime tendrement; je vous honore du fond du cœur. Je vous suis dévoué à toute épreuve et sans réserve pour le reste de ma vie. Aimez-moi, mais en Dieu et pour Dieu, comme je vous aime. Mon zèle pour vous est sans bornes. Mille respects à madame la vidame.

199. AU MARQUIS DE FENELON,

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SON PETIT-NEVEU.

Sur la maladie de madame de Chevry, et sur la conduite que le marquis doit tenir à l'armée.

A Cambrai, 6 avril 1709.

On ne sauroit, mon cher neveu, être plus en peine que je le suis de notre chère malade. Je crains toujours qu'elle ne prenne trop sur elle, et qu'elle ne veuille pas s'assujettir au régime nécessaire pour sa santé : engagez-la, si vous le pouvez, à le garder très exactement. Plût à Dieu qu'elle fût ici! Nous aurions soin de la réduire, et en même temps de la tenir en gaieté avec le cœur en repos. Je prie Dieu de

nous la conserver: mandez-nous l'état où elle sera. Je suis bien fâché de ce que vous allez en Dauphiné: j'espérois que vous serviriez en Allemagne. Il faut être prêt à tout, et content en quelque lieu qu'on aille. Si les bruits de paix qui se répandent sont vrais, nous pourrons vous revoir bientôt. En attendant, travaillez sans relâche à tout ce qui peut contribuer au bon état de votre régiment, et au bien du service. Tâchez de vous faire aimer : soyez doux et obligeant sans foiblesse; distinguez le mérite parmi vos officiers, sans blesser personne; attachez-vous aux officiers qui vous sont supérieurs, pour tâcher d'obtenir leur estime, et pour apprendre auprès d'eux ce que vous avez besoin de savoir. Ménagez votre santé. Ne comptez pas trop sur elle, quand elle paroît bonne; car elle s'altère aisément.

Je ne manquerai pas de remercier ceux qui ont eu de la bonté pour vous. J'espère que M. l'abbé de Langeron, qui s'en va à Paris, pourra encore vous y trouver : ne vous y arrêtez point inutile

'11 Cor., XII. 9.

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