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jaune, indépendant du rouge et du bleu; partout il est sensible et reconnaissable, et sitôt qu'on aura fixé l'angle de réfraction qui le donne, on sera sûr d'avoir le même jaune dans tous les temps.

Les couleurs ne sont pas dans les corps colorés, mais dans la lumière; pour qu'on voie un objet, il faut qu'il soit éclairé. Les sons ont aussi besoin d'un mobile, et pour qu'ils existent il faut que le corps sonore soit ébranlé. C'est un autre avantage en faveur de la vuc, car la perpétuelle émanation des astres est l'instrument naturel qui agit sur elle au lieu que la nature scule engendre peu de sons; et à moins qu'on n'admette l'harmonie des sphères célestes, il faut des êtres vivans pour la produire.

On voit par là que la peinture est plus près de la nature, et que la musique tient plus à l'art humain. On sent aussi que l'une intéresse plus que l'autre, précisément parce quelle rapproche plus l'homme de l'homme et nous donne toujours quelque idée de nos semblables. La peinture est souvent morte et inanimée; elle vous peut transporter au fond d'un désert: mais aussitôt que des signes vocaux frappent votre oreille, il vous annoncent un être semblable à vous; ils sont, pour ainsi dire, les organes de l'àme; et, s'ils vous peignent aussi la solitude, ils vous disent que vous n'y êtes pas seul. Les oiseaux sifflent, l'homme seul chante; et l'on ne peut entendre ni chant, ni symphonie,

sans se dire à l'instant : Un autre être sensible est ici.

C'est un des plus grands avantages du musicien, de pouvoir peindre les choses qu'on ne saurait entendre, tandis qu'il est impossible au peintre de représenter celles qu'on ne saurait voir; et le plus grand prodige d'un art qui n'agit que par le mouvement est d'en pouvoir former jusqu'à l'image du repos. Le sommeil, le calme de la nuit, la solitude, et le silence même, entrent dans les tableaux de la musique. On sait que le bruit peut produire l'effet du silence, et le silence l'effet du bruit, comme quand on s'endort à une lecture égale et monotone, et qu'on s'éveille à l'instant qu'elle cesse. Mais la musique agit plus intinement sur nous, en excitant par un sens des affections semblables à celles qu'on peut exciter par un autre; et, comme le rapport ne peut être sensible que l'impression ne soit forte, la peinture, dénuée de cette force, ne peut rendre à la musique les imitations que celle-ci tire d'elle. Que toute la nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas, et l'art du musicien consiste à substituer à l'image insensible de l'objet celle des mouvemens que sa présence excite dans le cœur contemplateur. Non-seulement il agitera la mer, les flammes d'un incendie, fera couler les ruisseaux, tomber la pluie et grossir les torrens; mails il peindra l'horreur d'un désert affreux, rembrunira les murs d'une prison souterraine,

animera

calmera la tempête; rendra l'air tranquille et serein, et répandra de l'orchestre une fraîcheur nouvelle sur les bocages. Il ne représentera pas directement ces choses, mais il excitera dans l'àme les mêmes sentimens qu'on éprouve en les voyant.

CHAPITRE XVII.

Erreur des musiciens nuisible à leur art. 1

VOYEZ Comment tout nous ramène sans cesse aux effets moraux dont j'ai parlé, et combien les musiciens qui ne considèrent la puissance des sons que par l'action de l'air et l'ébranlement des fibres sont loin de connaître en quoi réside la force de cet art. Plus ils le rapprochent des impressions purement physiques, plus ils s'éloignent de son origine, et plus ils lui ôtent aussi de sa primitive énergie. En quittant l'accent oral et s'attachant aux seules institutions harmoniques, la musique devient plus bruyante à l'oreille et moins douce au cœur. Elle a déjà cessé de parler, bientôt elle ne chantera plus; et alors, avec tous ses accords et toute son harmonie, elle ne fera plus aucun effet sur nous.

CHAPITRE XVIII.

Que le système musical des Grecs n'avait aucun rapper

au nôtre.

nous nom

COMMENT Ces changemens sont-ils arrivés? Pr nn changement naturel du caractère des langues. On sait que notre harmonie est une invention gothique. Ceux qui prétendent trouver le système des Grecs dans le nôtre se moquent de nous. Le système des Grecs n'avait absolument d'harmo nique dans notre sens que ce qu'il fallait pour fixer l'accord des instrumens sur des consonnan ces parfaites. Tous les peuples qui ont des instru mens à cordes sont forcés de les accorder par des consonnances; mais ceux qui n'en ont pas ont dans leurs chants des inflexions mons fausses parce qu'elles n'entrent pas notre système, et que nous ne pouvons les noter. C'est ce qu'on a remarqué sur les chants des sa vages de l'Amérique, et c'est ce qu'on aurait du remarquer aussi sur divers intervalles de la mu sique des Grecs, si l'on eût étudié cette musique avec moins de prévention pour la nôtre. Les Grecs divisaient leur diagramme par tracordes, comme nous divisons notre clavier par octaves; et les mêmes divisions se répétaient exactement chez eux à chaque tétracorde, comme elles se répètent chez nous à chaque octave; simi

que

dans

1

litude qu'on n'eût

pu

conserver dans l'unité du mode harmonique et qu'on n'aurait pas même imaginée. Mais comme on passe par des intervalles moins grands quand on parle que quand on chante, il fut naturel qu'ils regardassent la répéetition des tétracordes, dans leur mélodie orale, comme nous regardons la répétition des octaves dans notre mélodie harmonique.

Ils n'ont reconnu pour consonnances que celles que nous appelons consonnances parfaites; ils ont rejeté de ce nombre les tierces et les sixtes. Pourquoi cela? C'est que l'intervalle du ton mineur étant ignoré d'eux, ou du moins proscrit de la pratique, et leurs consonnances n'étant point tempérées, toutes leurs tierces majeures étaient trop fortes d'un comma, leurs tierces mineures trop faibles d'autant, et par conséquent leurs sixtes majeures et mineures réciproquement altérées de même. Qu'on s'imagine maintenant quelles notions d'harmonie on peut avoir et quels modes harmoniques on peut établir en bannissant les tierces et les sixtes du nombre des consonnances. Si les consonnances mêmes qu'ils admettaient leur eussent été connues par un vrai sentiment d'harmonic, ils les auraient au moins sous-entendues au-dessous de leurs chants, la consonnance tacite des marches fondamentales eùi prêté son nom aux marches diatoniques qu'elles leur suggé raient. Loin d'avoir moins de consonnances que nous, ils en auraient cu davantage; e, préoccu

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