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dans l'état de nature avec tout le reste du monde, nous n'avons prévenu les guerres particulières que pour en allumer de générales, qui sont mille fois plus terribles; et qu'en nous unissant à quelhommes nous devenons réellement les ennemis du genre humain?

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S'il y a quelque moyen de lever ces dangereuses contradictions, ce ne peut être que par une forme de gouvernement confédérative, qui, unissa! t les peuples par des liens semblables à ceux qui unissent les individus, soumettent également les uns et les autres à l'autorité des lois. Ce gouvernement paraît d'ailleurs préférable à tout autre, en ce qu'il comprend à la fois les avantages des grands et des petits états, qu'il est redoutable au dehors par sa puissance, que les lois y sont en vigueur, et qu'il est le seul propre à contenir également les sujets, les chefs, et les étrangers.

Quoique cette forme paraisse nouvelle à certains égards, et qu'elle n'ait en effet été bien entendue que par les modernes, les anciens ne l'ont pas ignorée. Les Grecs eurent leurs amphictyons, les Etrusques leurs lucumonies, les Latins leurs feries, les Gaules leurs cités; et les derniers soupirs de la Grèce devinrent encore illustres dans la ligue achéenne. Mais nulles de ces confédérations n approchèrent, pour la sagesse, de celle du corps germanique, de la ligue helvétique, et des étatsgénéraux. Que si ces corps politiques sont encore en si petit nombre et si loin de la perfection dont

on sent qu'ils seraient susceptibles, c'est que le mieux ne s'exécute pas comme il s'imagine, et qu'en politique ainsi qu'en morale l'étendue de nos connaissances ne prouve guère que la gran. deur de nos maux.

Outre ces confédérations publiques, il s'en peut former tacitement d'autres moins apparentes et non moins réelles, par l'union des intérêts, par le rapport des maximes, par la conformité des coutumes, ou par d'autres circonstances qui lais sent subsister des relations communes entre des peuples divisés. C'est ainsi que toutes les puissances de l'Europe forment entre elles une sorte de système qui les unit par une même religion, par un même droit des gens, par les mœurs, par les lettres, par le commerce, et par une sorte d'équilibre qui est l'effet nécessaire de tout cela, et qui, sans que personne songe en effet à le conserne serait pourtant pas pourtant pas si facile à rompre que le pensent beaucoup de gens.

ver,

Cette société des peuples de l'Europe n'a pas toujours existé, et les causes particulières qui l'ont fait naître servent encore à la maintenir. En effet, avant les conquêtes des Romains, tous les peuples de cette partie du monde, barbares et inconnus les uns aux autres, n'avaient rien de commun que leur qualité d'hommes, qualité qui, ravalée alors par l'esclavage, ne différait guère dans leur es prit de celle de brute. Aussi les Grecs, raisonneurs et vaius, di tinguaient-ils, pour ainsi dire,

deux espèces dans l'humanité; dont l'une, savoir
la leur, était faite pour commander; et l'autre,
qui comprenait tout le reste du monde, uniquer
ment pour
servir. De ce principe il résultait qu'un
Gaulois ou un Ibère n'était rien de plus pour un
Grec que n'eût été un Cafre ou un Américain; et
les barbares eux-mêmes n'avaient pas plus d'affi-
nité eptre eux que n'en avaient les Grees avec les

uns et les autres.

Mais quand ce peuple, souverain par natura, eut été soumis aux Romains ses esclaves, et qu'une partie de l'hémisphère connu eut subi le même joug, il se forma uae union politique et civile entre tous les membres d'un même empire. Cette union fut beaucoup resserrée par la maxime, ou̟ très-sage ou très-insensée, de communiquer aux vaincus tous les droits des vainqueurs, et surtout par le fameux décret de Claude', qui incorporait tous les sujets de Rome au nombre de ses citoyens. A la chaine politique qui réunissait ainsi tous les membres en un corps se joignirent les institutions civiles et les lois, qui domèrent une nouvelle force à ces liens, en déterminant d'une manière équitable, claire et précise, du moins autant qu'on le pouvait dans un si vaste empire, les devoirs et les droits réciproques du prince et des sujets, et ceux des citoyens entre eux. Le Code de Théodose, et ensuite les Livres de Justinien, furent une nouvelle chaîne de justice et de raison, substituée à propos, à celle du pouvoir

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souverain, qui se relâchait très-sensiblement. Ce supplément retarda beaucoup la dissolution de l'empire, et lui conserva long-temps une sorte de juridiction sur les barbares mêmes qui le dé solaient.

Un troisième lien, plus fort que les précédens, fut celui de la religion et l'on ne peut nier que ce ne soit surtout au christianisme que l'Europe doit encore aujourd'hui l'espèce de société qui s'est perpétuée entre ses membres, tellement que celui de ses membres qui n'a point adopté sur ce point le sentiment des autres est toujours demeuré comme étranger parmi eux. Le christianisme, si méprisé à sa naissance, servit enfin d'asile à ses détracteurs. Après l'avoir si cruellement et si vainement persécuté, l'empire romain y trouva les ressources qu'il n'avait plus dans ses forces; ses missions lui valaient micux'que des victoires; il envoyait des évêques réparer les fautes de ses gé néraux, et triomphait par ses prètres quand ses soldats étaient battus. C'est ainsi que les Francs, les Goths, les Bourguignons, les Lombards, les -Avares, et miile autres, reconnurent enfin l'autorité de l'empire après l'avoir subjugué, et reçurent, du moins en apparence, avec la loi de l'E ́vangile, celle du prince qui la leur faisait an

noncer.

Tel était le respect qu'on portait encore à ce grand corps expirant, que jusqu'au dernier instant, ses destructeurs s'honoraient de ses titres :

on voyait devenir officiers de l'empire les mêmes conquérans qui l'avaient avili; les plus grands rois accepter, briguer même les honneurs patriciaux, la préfecture, le consulat; et, comme un lion qui flatte l'homme qu'il pourrait dévorer, on voyait ces vainqueurs terribles rendre hommage au trône impérial, qu'ils étaient maîtres de ren

verser.

Voilà comment le sacerdoce et l'empire ont formé le lien social de divers peuples qui, sans avoir aucune communauté réelle d'intérêts, de droits ou de dépendance, en avaient une de maximes et d'opinions, dont l'influence est encore demeurée quand le principe a été détruit. Le simulacre antique de l'empire romain a continué de former une sorte de liaison entre les membres. qui l'avaient composé; et Rome ayant dominé d'une autre manière après la destruction de l'empire, il est resté de ce double lien (1) une société plus étroite entre les nations de l'Europe, où était le centre des deux puissances, que dans les autres parties du monde, dont les divers peuples, trop épars pour se correspondre, n'ont de plus aucun point de réunion.

(1) Le respect pour l'empire romain a tellement survécu à sa ruissance, que bien des jurisconsultes ont mis en question si l'empereur d'Allemagne n'était pas le souverain naturel du monde; et Barthole a poussé les chos's jusqu'à traiter d'héréque quiconque osait en douter. Les livres des canonistes sont pleius de décisions semblables sur l'autorité temporelle de l'Eglise romaine.

Politique,

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