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sillonné de rides profondes, creusées plus par les soucis d'une ambition dévorante que par les griffes du remords, le sombre Billaud-Varennes laissait poindre un rayon de joie. Le rictus de Marat devenait plus large, et la future victime de Charlotte Corday secouait sa tête crépue que recouvrait un mouchoir qui ne brillait ni par son élégance ni par sa propreté. Carnot qui savait si bien organiser la victoire, et dont la main a trop souvent signé des arrêts et des listes fatales qu'il ne s'est pas donné la peine de lire, était suspendu aux lèvres de l'orateur qui savait, avec tant de dextérité, donner aux succès et même aux défaites le brillant vernis de son style. Collot-d'Herbois, se souvenant de son ancienne profession d'acteur dans laquelle il n'avait pas recueilli que des applaudissements, semblait prendre plaisir à suivre le lecteur dans ses brillantes évolutions. Le cul-de-jatte Couthon, faisant trève aux accès de la toux violente qui parfois secouait sa poitrine, prêtait une oreille satisfaite aux phrases mélopées de Barère. Danton, que les coups de canon du 10 août ont porté au ministère de la justice, permettait de deviner sur sa figure énergique et franche les sentiments qu'il éprouvait dans son âme émue: A côté de lui Camille. Desmoulins qui devait bientôt gravir, et non sans regret, les marches de l'échafaud avec son illustre ami, souriait en prenant des notes qui devaient servir au prochain numéro de son Vieux Cordelier où il traduisait d'une manière si pittoresque une immortelle page de Tacite.

Barère, le front radieux, descendait de la tribune au milieu d'une explosion d'applaudissements, et allait reprendre, en secouant son jabot de dentelles, sa place entre Saint-Just et Robespierre.

(A suivre).

MAURIES.

LE 16. MAI 1864

LA MARTINIQUE

Le 15 mai 1861, un dimanche soir, le gouverneur de la Martinique, l'amiral Maussion de Candé, réunissait à sa table quelques intimes de la maison. Ce n'était point un dîner officiel, il en avait même le caractère tout opposé, et devait faire trève à la série des grandes réceptions qui, pendant le passage de l'expédition du Mexique, avaient ouvert les salons du gouvernement aux généraux, aux amiraux, aux commandants et aux officiers de toutes les armes du corps expéditionnaire. Ce soir-là, l'amiral donnait libre cours à cette humeur charmante qui faisait de lui, à ces moments heureux, l'homme le plus agréable qu'il fût possible de rencontrer. Cette relâche à la solennité ordinaire du milieu, avait réagi sur les convives euxmêmes, qui, encouragés par la bonhomie du maître et de la maîtresse de la maison, avaient, eux aussi, mis leur attitude au diapason du jour. Après une fatigante journée coloniale, l'esprit se sent spontanément porté à une détente nécessaire. Le grand ennemi, le soleil, a disparu, la fraîcheur et l'ombre ont envahi l'atmosphère causer librement autour d'une table bien servie, où les fleurs n'ont pas tout envahi, et d'où l'on entend le murmure

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discret d'un jet d'eau voisin, c'est un repos plein de charme et l'oasis d'une étape laborieuse. Tout faisait présager aux invités de l'amiral une paisible et charmante fête, quand au milieu du dîner un planton vint annoncer que la vigie du fort Saint-Louis avait aperçu, du côté du cap Salomon, les feux d'un grand navire qui semblait se diriger rapidement dans la nuit vers la rade de Fort-deFrance. Cette nouvelle produisit sur la gaieté et l'entrain des convives un singulier effet chacun pressentit un évènement sérieux, et la préoccupation du gouverneur se communiquant à tous, un silence presque complet succéda au laisser-aller d'une conversation générale des plus animées.

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Quel était ce navire arrivant ainsi dans l'ombre? qui lui donnait tant d'assurance de s'avancer la nuit vers le mouillage, et quelle mission pressante lui faisait ainsi abandonner toute prudence dans l'attérissage? Si l'on peut comparer les petites choses aux grandes, l'apparition du planton de service avait jeté sur ce festin, que je ne comparerai pas à celui de Balthasar, non l'épouvante, au moins la glace d'une anxieuse curiosité.

Les minutes s'écoulèrent presque silencieuses, entremêlées de quelques brèves observations du maître de maison. Chacun prêtait l'oreille au calme du dehors, car on pensait bien qu'avant peu de temps un nouveau message apporterait quelques renseignements sur le mystérieux navire, au-devant duquel une embarcation avait été envoyée.

L'attente ne fut pas longue; on arrivait au dessert, quand des pas pressés se firent entendre sous le péristyle de l'Hôtel du gouvernement. L'aide-de-camp de service qui s'était levé de table aussitôt, revint annoncer au gouverneur que le capitaine de vaisseau Morier, commandant la frégate française la Thémis, qui venait de mouiller, de

mandait à lui parler avec une autre personne en habit bourgeois. M. de Candé donna l'ordre de faire entrer ces messieurs, et leur fit faire place à table, à sa droite et à sa gauche.

Le commandant Morier, dont tout le monde dans la marine a connu l'expressive et franche physionomie, entra suivi d'un monsieur couvert d'un vêtement uniforme en coutil à carreaux, d'une main un stick, de l'autre un chapeau à très-petits bords, et les yeux cachés par de larges conserves. « Amiral, dit le commandant Morier, je viens vous annoncer que la Novara, qui porte l'empereur et l'impératrice du Mexique, sera ici demain, et j'ai l'honneur de vous présenter M. Eloin, secrétaire particulier de Leurs Majestés Impériales.

Cette nouvelle tomba comme une bombe au Gouvernement où personne ne s'attendait à cette visite, dont l'amiral de Candé n'avait été nullement prévenu. Voici quelles circonstances l'avait amenée.

On sait dans quelles conditions s'était faite l'expédition du Mexique, et à la suite de quels pourparlers diplomatiques Ferdinand Maximilien, archiduc d'Autriche, avait accepté la couronne du Mexique. Le 10 avril 1861, la belle résidence de Miramar, si merveilleusement située aux bords de l'Adriatique, en face de Venise, avait été le théâtre d'un des actes les plus importants de cette étrange histoire, l'une des plus dramatiques de ce siècle, si fécond cependant en évènements tourmentés. Devant une députation mexicaine, l'archiduc Maximilien acceptant la couronne impériale du Mexique, jura sur les Évangiles de défendre son indépendance et de conserver l'intégrité de son territoire », et signa enfin le traité de Miramar, qui réglait les rapports du nouvel empire avec la France. A ce moment le pavillon mexicain fut arboré sur la tour du palais, et salué de vingt et un coups de canon par la fré

gate autrichienne Bellona, et la frégate française la Themis, mouillées sous les murs de Miramar. Dans la journée du 14 avril, l'Empereur et l'Impératrice, abandonnant la demeure paisible où tant d'heureux jours avaient coulé pour eux, s'embarquèrent à bord de la Novara, belle frégate qui, escortée de la Thėmis, devait les conduire vers les plages mexicaines. Après une relâche à Cività-Vecchia, pendant laquelle Leurs Majestés se rendirent à Rome, et une escale à Gibraltar, que l'on quitta le 27 avril, les deux navires firent route directement pour le Mexique, que l'on se proposait d'atteindre sans toucher nulle part.

Les projets humains, alors même qu'ils sont de source impériale, sont souvent déjoués par des circonstances imprévues; c'est ce qui arriva. La petite flotte n'ayant trouvé que très-tard les vents alizés, dut consommer la plus grande partie de son charbon. Le 12 mai, l'Empereur fit signaler à la Thémis que l'on relâcherait à la Martinique, et manda à bord de la Novara le commandant Morier. Celui-ci reçut l'ordre de prendre les devants avec la Thėmis, et d'emmener avec lui M. Eloin, secrétaire particulier, qui s'occuperait des détails intimes, de régler avec le gouverneur le cérémonial de la réception, de se procurer des rafraîchissements et des fruits en abondance, et de faire laver mille pièces de linge.

Séance tenante, M. Eloin exposa au gouverneur l'objet de sa mission, et la compléta en lui disant que l'empereur Maximilien ne voulait aucune réception officielle, qu'il ne resterait que vingt-quatre heures à la Martinique, et qu'il désirait seulement faire une excursion dans l'intérieur de l'île, aux lieux où il pourrait le mieux voir la végétation tropicale dans tout son épanouissement, que l'Impératrice et les dames de sa suite l'accompagneraient dans cette promenade. Cette dernière demande fut accueillie par le gouverneur et surtout par madame de

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