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de Santarem, avec l'original. Celui-ci est très-lisible, et celui de Santarem est très-mal copié. J'ai relevé quatrevingt-huit erreurs, rien que pour la Turquie et la Grèce. En voici quelques-unes l'Italie est difficile à lire, car elle porte force traces de doigts; le copiste Santarem s'est épargné la peine de lire en la faisant toute en carte muette, pas un nom. La photographie rend bien les écritures bleues et rouges, mais pas les bistres. Le plus sûr est de collationner Santarem avec l'original, affaire de deux jours. Mes quatre-vingt-huit corrections ne m'ont pas pris une heure. Il n'y a de bien difficile que l'Italie, la presqu'île turco-grecque, la presqu'île ibérique, la France, l'Angleterre, la Turquie d'Asie, l'Arabie, l'Egypte et l'Abyssinie, l'Inde avec Ceylan. Je suis tout-à-fait décidé. Une photographie de grandeur naturelle serait ici très-coûteuse, et ne servirait à rien, car les noms en bistre ne sortent pas. J'ai acheté une réduction au quart chez Munster, qui me donne les écritures bleues et rouges couramment lisibles. L'agrandissement exécuté à Paris à 1m90, qui est la dimension de l'original, ne reviendra pas à quatre-vingts francs.

Bachit, auteur de l'excellent livre la Republica Veneta e la Persia, vient de publier une suite fort curieuse sur les relations des Italiens avec l'Abyssinie au xve siècle, et prépare un fac-simile de l'Abyssinie, de Fra Mauro, en chromolithographie. Je verrai comment cela serait fait. Il faudra cinq couleurs rouge, noir, bleu, vert, jaune. Je rendrai le bistre en noir. Je ferai mon collationnement rectificatif demain et après-demain. Que je publie ou non, plus tard, cela me sera toujours utile.

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J'espère partir dans deux ou trois jours, quand j'aurai fini mon travail de rat de bibliothèque. J'ai trouvé l'abbé Valentinetti fort obligeant. Il m'a dit que M. Jomard avait voulu avoir un fac-simile de Fra Mauro, et qu'on lui de

mandait 16,000 francs (1)!!! J'ai bien employé ma matinée. J'ai pris tous mes extraits de Bolizza, et copié de Fra Mauro presque toute l'Italie et la Sicile, la France, les Iles Britanniques, la Crimée, l'Asie Mineure; il ne reste de difficile que la côte sud de la Méditerranée, de Cyrène à Melilla; mais les portulants m'aideront. »

« Trieste, 13 mars.

» Vous voyez que le temps passe, pourtant je ne le perds pas. J'ai visité les archives de Fraci et de Coner, à Venise. J'y ai remarqué, outre des portulants dont je ferai mon profit, des cadastres précieux de certains pays, Argolide, Arcadie, Candie, très-utiles pour servir de traits d'union entre l'époque antique et la moderne. J'ai failli rester quelques jours de plus à Venise, pour copier ceux d'Argos et de l'Arcadie, mais je reviendrai à Venise.

L'Istrie est précieuse, on y travaille beaucoup. Nous n'avons pas en France une revue archéologique de la valeur de l'Istria, commencée en 1846; je pars demain pour Capo d'Istria, à la recherche des Rimliani ou Valaques d'Istrie, dont j'ai eu hier un bon aperçu préliminaire. Votre beau-frère sera satisfait de ce que je lui en donnerai. C'est une langue tout-à-fait sœur du daco-roumain, mais avec des mots qui ont, je crois, disparu de celui-ci; elle n'a pas l'article. J'ai besoin de cette étude pour compléter mes notions sur les autres Roumains... De Raguse, j'irai faire un tour en Herzégovine..... »

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<< Salonique, 8 août 1870.

Je suis encore pour quinze à vingt jours dans le rayon de cette ville, à cause de l'Olympe et de l'Ossa

(1) C'est une erreur. C'est M. Ernest Desjardins qui avait fait la démarche, et on lui avait demandé 1,800 francs.

que je vais fouiller à fond... J'ai copié mon Fra Mauro à Venise, et même, grâce à l'obligeance des autorités, je l'ai calqué en partie. Mon fac-simile vous fera plaisir. Cela m'a pris neuf ou dix jours, je ne me rappelle plus. J'étais devenu légendaire à Saint-Marc; on m'appelait il Francese de Fra Mauro; les ciceroni me montraient à leurs Anglais, cela devenait trop bête.

Je viens de parcourir l'Epire, l'Albanie, la Macédoine : pas une seule inscription latine. On vient d'en découvrir plusieurs, près Pritren, en Bulgarie, où je compte aller. Cette fois, toutes les inscriptions latines que je trouverai seront à vous. Quoique contrarié par une effroyable chaleur, mon voyage, cette année, est encore plus fructueux que celui de l'an dernier, grâce à des ascensions de montagnes répétées. Celle de l'Olympe sera un morceau de dure mastication, mais j'espère m'en bien tirer. J'ai fait la connaissance de divers brigands passés et présents; ce sont des gens assez originaux et pas trop désagréables. Le plus amusant que j'ai vu, est un certain Vakili Pala, chef de brigands, qui a travaillé l'Epire pendant dix-sept ans; mais, devenu sourd ¡comme un pot, il a compris qu'il fallait songer à son salut, et s'est fait moine. Il regrette sa vie de bandit et en parle avec un enthousiasme à faire envie d'être Klephte.

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P. LEVOT.

LA FONTAINE

ET

LA PHILOSOPHIE NATURELLE

$ Ier

La Fontaine est demeuré l'un des maîtres préférés de notre littérature nationale. Ses fines leçons, son langage naïf et familier, la tournure de ses apologues pleins de délicatesse et de sentiment, en font l'auteur aimé de tous les âges de la vie.

Je ne viens pas refaire l'éloge de cet inimitable charmeur dont Fénelon prédisait, dès ses débuts, la gloire durable; je veux montrer, à côté du philosophe et du moraliste, un excellent observateur des conditions générales de l'existence des êtres. C'est, je crois, un point de vue nouveau du génie de La Fontaine, qui n'a pas encore été mis en relief. M. Taine, dans son attachante étude sur notre fabuliste, a montré combien celui-ci avait aimé et bien compris les bêtes; mais il est beaucoup plus question de leur caractère moral, que des rapports qui les unissent, ou des lois qui les gouvernent. Si je parviens à prouver que, sur ce terrain comme sur les autres, notre poète est resté maître, ce ne sera pas un mérite banal à inscrire au compte d'un écrivain qui vivait dans un temps

où les questions de biologie générale étaient peu à la mode. Nous pouvons affirmer que La Fontaine a eu l'intuition des grandes lois qui régissent les luttes pour l'existence, et que, sur quelques points, il a devancé la science de son temps. Le fait est d'autant plus remarquable, qu'à côté de vues profondes, le maître témoigne parfois d'un oubli ou d'un dédain complet des circonstances particulières de la vie des animaux.

Ces taches légères, que nous signalerons en passant, constituent peut-être une anomalie dans une œuvre admirable; nous n'en sommes pas autrement affectés : le défaut disparaît dans l'harmonie de l'ensemble, nous ne prendrons pas la loupe pour l'y chercher, ne voulant pas qu'on nous applique ces mots, écrits par notre auteur lui-même, à l'adresse de ceux qui ont le goût difficile :

(1) Les délicats sont malheureux.

Rien ne saurait les satisfaire.

S II

Il serait fastidieux de parcourir fable par fable les douze livres du recueil, aussi nous allons suivre une méthode plus philosophique, et dont les résultats seront meilleurs.

Tous ces personnages empruntés au règne animal, et mis en scène par le maître, jouent leur rôle dans ce grand combat de la vie auquel l'homme lui-même est intimement mêlé. D'un bout à l'autre, dans ces fables ingénieuses, c'est la lutte qui se déroule, la lutte du plus fort contre le plus faible, du plus rusé contre le plus naïf, du plus apte contre le moins armé, du méchant contre le

(1) Contre ceux qui ont le goût difficile.

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