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qui roule n'amasse pas de mousse ! » Vous vous trompiez, Lise Christiani, la mousse que vous avez récoltée a gardé sa fraîcheur, c'est l'exemple de ce courage indomptable dont votre sexe est coutumier.

> C'est ensuite cette douce et forte Alexandrina Tinne, dépensant sans compter une fortune royale et sa jeunesse dans de grands voyages africains, fermant les yeux à sa mère sur les bords du Nil Blanc, et non découragée par cette douleur, allant mourir, trahie, assassinée, chez les Touaregs. Ah! les blancs espaces des cartes d'Afrique la fascinaient aussi. — J'irai là, disait-elle.

Ailleurs, c'est Mme Carla Sérena visitant la Mingrélie et avouant avec une bonne humeur charmante que ses plus cruelles épreuves n'avaient été, ni les mauvais chemins, ni les mauvais lits, ni les mauvais repas, ni les mauvaises rencontres, mais d'être restée trois mois sans parler, au pays de l'Abkhasie dont elle ignorait la langue.

Voici Mme Ida Pfeifer qui, voyant pour la première fois la mer à Trieste, conçoit un ardent désir de parcourir l'univers. L'éducation de ses fils terminée, elle part à quarante-cinq ans, pour exécuter le tour du monde, sans autre équipage ou guère plus, que son enthousiasme et son en-tout-cas. Sans suite, sans argent, sans recommandations, elle inspire partout une vive sympathie, un profond respect. Rentrée à Vienne, fatiguée et malade, elle repart pour faire une seconde fois le tour du globe. Mais Madagascar achève cette indomptable énergie, et elle revient mourir dans son pays natal d'un cancer au foie. > C'est encore Mme Lydie Paschkoff visitant, en 1872, les ruines de Palmyre dont Volney avait rapporté de si poétiques souvenirs. - Nulle ruine, écrit-elle, ne donne une aussi solennelle leçon de philosophie. Et pour achever une journée pleine d'aussi graves émotions, elle fait resplendir ces restes superbes et mélancoliques des lueurs

pourprées d'un feu d'artifice, succédant lui-même à un fin dîner de conserves de Potel et Chabot, arrosé de Bourgogne et de Champagne. Excellente philosophie, celle-là, quoique moins solennelle que l'autre.

Vous parlerais-je maintenant des femmes courageuses et tendres qui ont voulu partager avec leurs maris, les périls et les fatigues des explorations lointaines.

» Là-bas, dans la région du Zambèze, sur les bords du lac Nyassa, repose à l'ombre d'un baobab Lady Livingstone, compagne dévouée des premières explorations du grand voyageur dans l'Afrique australe. Ah! je comprends qu'il ait résisté aux instances de Stanley qui voulait le ramener en Europe, et qu'il ait voulu, malgré la maladie et ses forces déclinantes, s'enfoncer plus avant dans les solitudes du Tanganika. Deux choses le préoccupaient, il n'avait pas fini la tâche de sa vie, tâche que ses compatriotes ont résumée dans ces deux vers latins gravés sur son tombeau :

Tantus amor veri nihil est quod noscere malim,
Quam fluvii causas per sæcula tanta latentes.

Ce n'était pas surtout une tombe à Westminster, au milieu des gloires de l'Angleterre, qu'il entrevoyait aux derniers jours, c'était cet arbre au pied duquel il avait couché la mère de ses fils, l'amie généreuse des belles années de sa sérieuse jeunesse. Lui aussi voulait tomber et mourir sur cette terre d'Afrique, qu'ensemble ils avaient parcourue, qu'ensemble ils avaient tant aimée. Ses fidèles serviteurs ont rapporté sa dépouille, son pays l'a royalement honorée, mais son cœur, par un juste et touchant destin, son cœur est resté là-bas !

› Voici Mm. Agassiz remontant l'Amazone avec l'illustre savant dont elle portait le nom. C'est à sa plume que nous devons le récit de ce voyage qui fut si fécond pour les

sciences naturelles. Quel excellent collaborateur de l'homme de science que cette femme aimable qui partageait ses goûts. Tour à tour elle herborise, elle chasse, elle dessine, elle écrit. Tout l'intéresse, la zoologie, la paléontologie, la géologie, et même l'anthropologie, ce qui ne l'empêche pas d'aller aux vivres, et de diriger en maîtresse de maison consommée, une alerte escouade de jeunes négresses de Mina. Les souvenirs de voyage écrits par les femmes ont une grâce particulière; elles voient, sentent, et expriment comme aucun homme ne saura jamais voir, sentir, exprimer.

› Bien loin de là, saluons Mme de Bourboulon. Elle a traversé les steppes de la Mongolie, les glaces de la Sibérie, accompagnant M. de Bourboulon, de Shangaï à Moscou. Ce fut encore une femme héroïque. 12,000 kilomètres en quatre mois, et quelles routes! Son album et ses notes sont riches de fines observations sur cette course éche velée. Nous arrivons en Europe; mon cœur bat en traçant ces lignes », écrit-elle, au bout de ce voyage dont les fatigues avaient ruiné sa santé, compromis sa vie.

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» C'est encore Mme Ujfalvy, une parisienne jusqu'au bout des ongles, qui s'en va, compagne fidèle, d'Orenbourg à Samarkand. Elle aussi écrit ce curieux voyage, et saisit souvent de sa main souple et ferme les rênes du traîneau, quand M. Ujfalvy est obligé de faire le coup de feu contre les loups affamés sur la neige.

» Une autre dame de beaucoup d'esprit et d'énergie, Mme P... a suivi son mari, ingénieur des mines, à Kimberly dans le Transvaal, où l'on a découvert de riches placers de diamants. Nous lui devons la narration de cette dangereuse exploration. Elle y raconte entre autres les deux bonheurs d'une même journée : le matin, la découverte d'un diamant de très-belle eau; le soir, celle d'un chou pommé, chose plus rare que le diamant dans la

contrée. Le bijou pour l'écrin, le chou pour le pot-au-feu. Ne sentez-vous pas, Messieurs, que la femme est là toute entière la femme, grâce de l'intérieur, providence du foyer, capable de donner le diamant du matin pour payer le chou du soir, afin que tout soit dans l'ordre.

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Il y a peu de temps enfin, une autre frêle jeune femme, Lady Anna Blunt, passionnée pour les féeries de l'Orient, a suivi son mari à travers les sables de l'Arabie, jusque dans le Haut-Euphrate, berceau sacré de la race arabe. Elle a dessiné des vues du désert, empreintes d'un grand sentiment artistique et d'une mélancolie rêveuse.

› Je suis persuadé, Messieurs, qu'après ces exemples, la géographie vous apparaît sous un jour nouveau. Elle vient de se révéler à vous comme l'inspiratrice des plus nobles sentiments; sa cause est gagnée près de vous. Pour moi, je suis tellement convaincu de la sérénité des horizons qu'elle ouvre à l'esprit et au cœur, que si un jeune homme venait me consulter sur le choix toujours délicat d'une compagne, je lui dirais sans hésitation: Mon ami, prenez une femme passionnée... pour la géographie.

› Vous deviendrez, je l'espère, nos collaboratrices, Mesdames, dans la conspiration géographique que nous avons ourdie à Brest, et vous serez des nôtres, de cœur, dans la personne de vos maris ou de vos frères.

> Nous sommes ainsi, Messieurs, loin des jours d'ignorance et d'indifférence dont M. de Lesseps faisait l'aveu l'année dernière au Congrès géographique de Lyon. Il racontait que passant son baccalauréat avec quatre élèves sortis comme lui d'un grand collège de Paris, le recteur leur présenta une carte et leur demanda où était le nord, le midi, l'est et l'ouest. Aucun des cinq ne sut le dire. Partout, à cette heure, le mouvement géographique s'accentue. C'est à ce réveil que la Société Académique de

Brest a voulu s'associer en créant dans son sein une Section de Géographie, à la première séance de laquelle nous vous avons conviés. Nous avons pensé que notre grande ville maritime, si remplie d'hommes de savoir et de devoir, ne pouvait rester en arrière des autres ports de guerre, et . d'un grand nombre de villes d'intérieur qui ont trouvé chez elles les éléments de sociétés de géographie déjà prospères.

» Quelques personnes, parmi celles qui oublient trop facilement ce que peuvent une ferme volonté dirigée vers un but précis, et cette persévérance qui, comme la goutte d'eau, creuse le granit de la plus dure indifférence, nous ont dit Pourquoi une Société de Géographie; où en trouverez vous les éléments à Brest?

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› A la première question, je répondrai par les paroles que M. de Lesseps adressait aux Sociétés de Géographie de France réunies à Lyon, sous sa présidence. Il retraçait ainsi leur action :

• Nos Sociétés, vous le savez, ont un rôle multiple. Elles doivent centraliser aussi nombreux que possible les éléments à l'aide desquels la géographie avance peu à peu dans la connaissance des grandes lois de la physique terrestre; elles doivent étudier l'influence de ces phénomènes sur les destinées de l'humanité; s'employer activement à la diffusion de notre science, et faciliter à l'enseignement la recherche des informations les plus récentes, comme les plus exactes. Mais leur devoir est encore de démontrer, sans relâche, à l'opinion publique, le danger pour une nation de se désintéresser de la connaissance du reste du monde, et la nécessité d'avoir des jours largement ouverts sur l'horizon. Telle contrée, tel peuple hier encore indifférents, peuvent, demain, qu'ils'agisse de politique ou de commerce, exercer une profonde influence sur les événements, aussi rapides aujour

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