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garde bien d'appeler le médecin Le médecin, dans ce pays de landes et de bruyères, est souvent à 20 kilomètres; comment, quand on est pauvre, le faire venir de si loin?

Mieux vaut encore le porter au pèlerinage voisin; alors on le dépose cahin-caha dans une voiture et on part à la recherche du lieu saint. Quelquefois il faut faire plusieurs lieues pour y arriver. Souvent il faut faire la traversée en bateau; le vent souffle en rafales glacées, la pluie tombe en grains serrés, la mer entre par paquets dans le bateau, et le pauvre petit tremble, frissonne et claque des dents. Eufin on arrive. Si l'enfant n'est pas mort, on le déshabille, et après avoir mis un sou dans le tronc, on le plonge dans la fontaine consacrée, ou encore on trempe la petite chemise dans l'eau et on la remet sur le corps du pauvre bébé qui proteste par des cris et des frissons, indices de la pneumonie qui l'emportera. Ailleurs, on laisse le bébé tranquille et on se borne à interroger la chemise. Si elle surnage, c'est bon sigue; sinon, l'enfant est condamné.

C'est ainsi qu'on procède à Saint-Samson, en Landunvy. D'autres préfèrent aller en Guipavas, à Saint-Languy, qui est encore un fameux, comme disent nos paysans. Du reste, chaque saint a sa spécialité. Ainsi, saint Philibert est proposé aux maux de ventre. On voit d'ici l'affreuse grimace des pauvres bébés dont l'intestin est déjà pincé par la douleur quand on les immerge dans l'eau glacée. Saint Fiacre partage avec saint Conogan le sceptre des enflures et des arthrites. Connaissez-vous la légende de saint Conogan. Si vous ne la connaissez pas, la voici : Saint Conogan traversa un jour l'Océan dans une auge de pierre; cette auge est précieusement conservée. Pour délivrer les enfants des douleurs et des nouûres du rachitisme, il ne s'agit que de les frotter contre cette auge. L'eau de la fontaine est utilisée en lavages. Si elle est à sec, on

en prend le fond vaseux qui sert, paraît-il, de cataplasme incomparable.

Les maux d'oreilles et la surdité relèventde saint Trégarė. L'intercédant doit déposer une pièce d'argent qui est trempée dans de l'huile bénite; appliquée ensuite sur l'oreille elle amène infailliblement la guérison. Saint Garrec a aussi un mot à dire dans les maux d'oreilles.

Les enfants qui ne parlent pas doivent s'adresser à saint Didier. Quant à lui, il aime le pain. Ce pain consacré et débité en tranches doit faire parler les enfants en 3 jours.

Il y a un ennemi qui se fait terrible pour les pauvres bébés abandonnés seuls à la ferme pendant les chaleurs de l'été; cet ennemi ce sont les mouches, saint Marc en est le patron; aussi sur plusieurs points en voit-on la statue tout entourée de mouches qu'on respecte pieusement.

Contre l'hystérie, l'épilepsie, il existe plusieurs saints très-consultés, entre autres saint Loup, saint Columbau. Le jour de la fête de ce saint, les épileptiques, vrais ou faux, arrivent à la porte de l'église, poussant des cris furieux et portés à bras par de robustes gaillards de leurs amis. Leurs hurlements continuent jusqu'après la lecture de l'Evangile. Alors, Satan cesse de les posséder et tout s'apaise. Devant de pareils spectacles on se croit transporté en plein MoyenAge, dans cette Cour des Miracles si largement peinte par V. Hugo.

La fontaine de Scrignac est préposée à la guérison des fièvres intermittentes. Elle a toute une clientèle qui vient boire de l'eau trois fois à l'heure de minuit.

CONCLUSION

Je laisse là l'énumération des préjugés concernant l'hygiène et les maladies des enfants; je n'ai cité que ce qui me paraissait curieux et digne d'être conservé dans les annales de cette région.

Il ne faudrait pas croire que ces préjugés soient spécialement cantonnés en Bretagne; notre France est si admirablement centralisée, que les mêmes erreurs, les mêmes habitudes vicieuses, les mêmes infractions à l'hygiène se rencontrent à peu près partout, sauf quelques variantes.

J'ai cru utile, chaque fois que je citais un préjugé ou une infraction à l'hygiène, de donner immédiatement et aussitôt la règle qui s'applique au cas présent. Il m'a semblé que c'était un moyen très-efficace de combattre les pratiques absurdes qui règnent encore en matière d'éducation infantile.

Cette question de l'éducation des enfants ne saurait être prise par trop de côtés à la fois. Elle s'impose à l'attention de tous ceux qui aiment leur pays et désirent ne pas le voir descendre au dernier rang des nations européennes. C'est aujourd'hui, pour une nation, une loi de salut public d'avoir des masses à opposer à des masses. C'est une erreur complète de croire et de répéter que la surface du sol français ne permettrait pas à une trop nombreuse population d'y vivre. Qu'on compare l'unité de peuplement de la France à l'unité de peuplement de la Belgique, par exemple, et on verra combien nous avons à faire encore pour être à même d'utiliser toutes nos ressources. Et puis, il n'y a pas que notre sol qui ait besoin de bras. Depuis

nos malheurs de 1870, notre activité semble vouloir se développer du côté de nos colonies. Nos anciennes possessions ne nous suffisent plus; nous voulons fonder un grand empire africain qui attire à lui l'excès de nos ressources industrielles et commerciales.

Est-il besoin de dire que ces généreuses aspirations n'ont aucune raison d'être ni aucun avenir, si nous ne pensons en même temps à accroître et à développer notre population. Dans le cours de cette étude, j'ai montré comment il fallait la conserver, en évitant quels écueils et quels préjugés. C'est ainsi que l'hygiène se rattache aux plus nobles conceptions de la politique et qu'elle peut intervenir à son heure dans les destinées d'un peuple.

Dr CARADEC FILS.

GUILLAUME LEJEAN

SA VIE

SES TRAVAUX SES VOYAGES

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Une étroite liaison de vingt-cinq ans, appuyée d'une correspondance presque incessante avec celui qui fait l'objet de cette étude et les communications bienveillantes de plusieurs personnes qui ont également échangé des lettres avec lui, nous inspirent la confiance que, de préférence à beaucoup d'autres, nous sommes en position de faire apprécier, sinon le savant de plus autorisés le feraient bien mieux du moins l'homme qu'il nous a été donné de connaître intùs et in cute, s'il est permis de s'exprimer ainsi. La reproduction, tantôt intégrale, tantôt partielle, des plus essentielles de ces lettres, en même temps qu'elle ajoutera à la connaissance déjà acquise de ses travaux, fera de cette étude une sorte d'auto-biographie posthume, forme qui nous a paru la plus propre à le présenter sous toutes ses faces, à le faire estimer et aimer, à perpétuer enfin les régrets qu'a causés sa mort prématurée.

LEJEAN (Guillaume-Marie), né le 1er février 1826, était fils de René Lejean et de Marguerite Le Breton, cultivateurs au village de Traondour, situé dans la commune

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