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Les officiers municipaux, les membres du district accourent et tâchent de calmer le peuple, pendant que, par leurs ordres, une garde, sur laquelle ils peuvent compter, va défendre l'approche de la maison d'arrêt... Ce fut au milieu de semblables circonstances que le procureur du district crut ne pouvoir s'empêcher d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu d'envoyer à l'île d'Oleron quatre prêtres détenus à la Rochelle. Ils sont conduits au port, le 21 mars, à midi, sous l'escorte de quelques soldats, peut-être mal disposés à les défendre; la mer est basse et ne sera pleine que dans quatre heures. Des femmes à figure sinistre ont commencé à injurier ces ecclésiastiques dans la rue; elles les ont suivis jusqu'à la porte du corps-degarde de la tour de la Lanterne, en appelant à elles des marins étrangers dont l'exaltation féroce leur est connue. A une heure, on vient prévenir le maire qu'il y a rassemblement autour des quatre prêtres, et que les soldats qui les accompagnent ne peuvent plus les défendre contre les outrages de la multitude. Il accourt avec la garde de la maison commune; il se fait jour à travers la foule, se met au-devant des malheureux ecclésiastiques contre lesquels retentissent d'horribles clameurs ;

1 Des contemporains nous ont assuré que cette heure avait été choisie avec intention; le procureur du district et ses adhérents avaient tout disposé pour rendre certain l'assassinat des prêtres.

puis, voyant que le danger augmente, il les fait entrer dans le corps-de-garde. Il ne cesse de répéter aux citoyens qu'ils doivent écouter l'humanité, obéir à la loi.... On lui répond par les cris: « Mort aux prêtres! la mort! » Il n'avait autour de lui que trente hommes à pied et autant à cheval; mais aidé du commandant Thouron, qui l'accompagnait, il eût pu déterminer peut-être cette troupe à faire feu sur la multitude, et à la dissiper par les baïonnettes. Il n'osa pas avoir recours à ce terrible expédient, et il fit seulement prévenir les membres du district qu'il fallait absolument qu'ils envoyassent toutes les forces disponibles... Il était trop tard: les assassins avaient fait irruption dans le corps. de-garde, et les prêtres étaient déjà égorgés, mutilés et mis en pièces... Les membres déchirés, les têtes sanglantes des victimes furent portés par les rues; et, le lendemain, la municipalité de l'île de Ré, aussi mal inspirée que le procureur-syndic du district, ayant expédié des prêtres et plusieurs personnes suspectes, pour la Rochelle, la barque qui les portait fut assaillie, à l'avant-port, par les mêmes assassins, qui se jetèrent à l'eau pour l'atteindre. Deux ecclésiastiques, revêtus de la soutane, furent aussitôt égorgés. Un troisième s'échappa à la faveur d'un déguisement ', et en

Hist. de la Rochelle, pag. 579 et 580; par M. Dupont, professeur de Rhétorique.

donnant à son effroi l'expression de la rage des

assassins... »

En 1817, la croix de mission avait été érigée sur le tombeau de ces glorieux martyrs, dont les restes reposent au même lieu, sous la place de la Préfecture, jadis appelée Place Joséphine et anciennement Cimetière de Saint-Jean. Un habitant, voisin de ce cimetière et qui avait vu enterrer ces trois prêtres,―il se nommait Lécureau, nous l'avons beaucoup connu dans notre jeunesse, —indiqua, en 1817, l'endroit de leur sépulture, en face de l'hôtel du préfet, à l'extrémité de la place et à quelques toises des maisons qui la bordent au levant. Quelques-uns de leurs membres déchirés furent, dit-on, enterrés sur la paroisse de Saint-Nicolas.

Après avoir subi, pendant la route, tous les genres d'outrages et d'humiliations, les prêtres captifs de Rochefort furent en partie renfermés aux Capucins et ayant pour compagnons de nombreux forçats, qui s'empressèrent de fraterniser avec eux; d'autres furent transférés à la maison d'arrêt de Saint-Maurice. Jusqu'à leur départ pour les vaisseaux, l'eau fut leur breuvage et le pain noir leur unique nourriture. Ils deineurèrent cinq semaines dans cette fâcheuse position, n'ayant que des planches ou la terre nue pour reposer la nuit. Ce qui les accablait d'angoisses, c'était l'incertitude de leur sort futur. Le nombre des

détenus augmentait chaque jour, au point que l'espace devenait de plus en plus restreint. On ne leur permettait pas de respirer en plein air; ils restaient pèle-mèle encombrés dans les salles qu'on leur avait assignées. Deux ou trois fois par semaine, ils étaient exposés aux railleries insultantes et lâches des commissaires envoyés pour les bercer de promesses dérisoires et tromper toutes leurs espérances. Mais la conduite si illégale de leurs tyrans et de leurs impitoyables bourreaux, les fouillant, les dépouillant, les détroussant comme sur un grand chemin, mit le comble à leurs douleurs déjà si vives! Une bande de Mandrins municipaux et de Cartouches en écharpes vint leur enlever tous les objets religieux qu'ils possédaient; ils furent privés de leurs bréviaires et des autres livres dont la lecture aurait charmer et adoucir les amertumes de leur existence. Peu de temps après cette indigne spoliation, ils furent conduits, rangés sur deux lignes, à l'extrémité du port de Rochefort, et de là embarqués sur une goëlette, qui les transporta à bord des vaisseaux les Deux - Associés et le Washington, embossés dans la rade de l'île d'Aix.

pu

1 Ce même vaisseau, où la révolution avait voulu étouffer le sacerdoce de Jésus, fut le bâtiment de transport qui, de Lorient, où nous avait conduit un paquebot anglais, d'Halifax, ville du Canada, nous amena sur les côtes d'Aunis. Le Wa

« Ce fut là, dit l'un de ces héros de la foi, que nous eûmes tout le loisir de regretter notre prison de Rochefort et de revenir des flatteuses esespérances dont nous nous étions bercés jusqu'alors. Dès ce moment, nous fûmes, selon l'énergique et religieuse expression d'un d'entre nous, les plus malheureux des hommes et les plus heureux des chrétiens. Qu'on s'imagine tous les genres de peines et de souffrances phisiques et morales qui peuvent assaillir des êtres raisonnables et religieux, à part les remords, et l'on se formera de nos maux une idée aussi approchante qu'il est possible de l'avoir, quand on ne les a pas éprouvés. Je mets au premier rang, parmi nos peines morales, celle de ne pouvoir librement, je ne dis pas exercer notre culte, mais au moins adresser ouvertement quelques prières à l'auteur de notre être, nous prosterner en sa présence, nous munir du signe consolant du chrétien; de n'oser remuer les lèvres, crainte de nous attirer de terribles menaces, ou d'occasionner d'horribles blasphemes; de n'avoir aucun livre qui pût nous porter à

shington fit alors naufrage sur les récifs de la tour des Baleines, paroisse d'Ars, à l'extrémité de l'île de Ré. Nous n'étions âgé que de trois ans. La Providence nous préserva d'un péril éminent et se servit d'un vaisseau qui avait été le tombeau d'un grand nombre de prêtres, pour sauver un enfant dont un jour elle voulait faire un prêtre !.... Populi meditati sunt inania!....

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