pervers, après avoir été proclamé, le 28 février 1791, par les électeurs du département, qui avaient autant de compétence pour élire un évêque, que les curés du diocèse en auraient pour nommer un président de tribunal de re instance, l'élu du peuple, qui certes n'était pas l'élu de Dieu, quitta définitivement, le 31 mars, son humble presbytère de Saint-Savinien, pour venir prendre possession de son palais épiscopal, dit un historien admirateur du vénérable prélat. « Il entra en ville, selon un pamphlet de l'époque, avec des guétres de laine et dans un costume qui retraçait l'humble simplicité des premiers siècles de l'Église! » Que pouvait-on désirer de plus édifiant!!!... en même temps, de plus propre à inspirer l'éloquence tribunitienne, qui l'honora d'une harangue!!.. Un écrivain connu s'écrie, à la vue de tant de merveilles : « Ce dut être, il faut l'avouer, un sujet de grand scandale parmi les ci-devant privilégiés de l'Église, que de voir un simple curé de village, sans naissance et sans fortune, s'élever, du dernier degré de l'échelle sacerdotale, au siège épiscopal qu'avaient illustré les grands noms des Rochechouart de Mortemart, des Soderini, des Bassompierre, des la Châtaigneraie, des la Rochefoucaud et sur lequel s'était assis un prince de la maison de Bourbon!» Nous répondrons que

'Hist. polit. et civ. par M. D. Massion; 4′ période, pag. 112.

si le curé de Saint-Savinien eût été l'élu de l'Église, quoique simple curé de village, sa présence légitime sur le siège de Saintes eût reflété toute la gloire des grands noms qui tiraient leur éclat bien plus de la succession de l'apòtre-martyr saint Eutrope, que de la naissance et de l'illustration de famille. Loin de là, Robinet ne fut qu'un coupable usurpateur de l'épiscopat; il fut fait évêque par Talleyrand de Périgord, né plutôt lui-même pour la diplomatie menteuse qui trompe les rois, que pour l'épiscopat divin qui sauve les peuples; il osa, sans mission et chargé du poids des anathêmes et des censures ecclésiastiques, faire à Saintes des ordinations sacrilèges; il profana par sa présence la basilique des saints pontifes; il devint la cause de la persécution des vrais catholiques qu'on voulut obliger à le reconnaître pour légitime pasteur. Autant les siècles chrétiens réservent de gloire « all prélat qui proscrivait le serment civique de la part de ses subordonnés et qui n'était pas disposé par conséquent à le prêter lui-même ', » - il l'a énergiquement prouvé, autant l'histoire véridique lègue de blâme, de honte et d'opprobre à l'élu de la démagogie, malgré ses guétres de laine et son costume qui retraçait l'humble simplicité des premiers siècles de l'Église !.. Il n'eut, au reste, pour

2

Hist. civ. et polit. déjà citée, pag. 111.

2 Moniteur, 1791, tom. IV, pag. 327. — Hist. civ. et pol., pag. 112.

entourage que des hommes ambitieux, timides ou pervers, que l'orgueil, la crainte et la licence rendirent si peu consciencieux. Son cortège ne se composa que d'une masse flottante, que l'ignorance aveuglait, et des amis de la constitution qui avaient intérêt à favoriser un épiscopat bâtard, peu redoutable pour eux et dévoué aux stupides et criminels projets d'une révolution impie et sanguinaire'. Le curé intrus que l'évéque constitutionnel donna à la paroisse de Saint-Vivien, put juger du degré de confiance qu'il devait se promettre dans l'exercice de son profane ministère. A peine parut-il comme un loup au milieu du troupeau, que l'indignation s'empara de ces coeurs qui ne sont jamais froids pour le bien ou pour le mal, mais qui sont héroïques quand la foi les enflamme; les femmes de la paroisse de Saint-Vivien s'attroupèrent, an moment de l'arrivée du faux pasteur. Leur prélude fut un cri de proscription; et, des clameurs passant aux actes, elles l'accueillirent par une grèle de pierres qui le força promptement à la

retraite.

Mais, dit de Boulogne, ce n'était point assez d'avoir créé une Église schismatique et un clergé

'L'apostat Robinet fut instruit de l'estime qu'il inspirait. Une caisse lui arriva par la messagerie; il la reçut comme un présent. A l'ouverture, il n'y trouva qu'un agneau en putréfaction, avec ce titre : TEL PASTEUR, TEL TROUPEAU!... Condamnation sévère de l'évêque intrus et de ses adhérents!

prévaricateur; les ennemis de la religion catholique avaient juré non-seulement de l'asservir, mais de la renverser, d'empêcher tout exercice du culte divin et de montrer à la terre le spectacle d'un grand état faisant profession publique d'impiété1. En effet, le jour ne tarda pas à se lever où, se sentant assez forte par elle-même, la révolution rejeta bientôt l'évêque intrus et son clergé parjure. Elle s'empara alors de la cathédrale pour en faire le lieu de ses orgies et de ses déclamations. Le prélat constitutionnel, honteux sans doute de sa propre conduite et chargé du poids de ses remords, alla, plus tard, traîner un reste de vie qu'il termina, dit-on, d'une manière ignorée, dans une campagne de sa famille, où il suivait des vendangeurs et s'occupait d'agriculture. I'irréligion de quelques voltairiens prétentieux voudrait encore aujourd'hui en faire un vénérable, quand le bon sens et l'histoire ne reconnaissent en lui qu'un prêtre sacrilège!...

Que de bouleversements avaient porté le deuil, la ruine et la mort de province en province, depuis le dernier soupir de Pierre-Louis de Larochefoucaud!... Un cri d'inspiration avait été entendu : Fils de saint Louis, montez au ciel!

La tête du meilleur des rois avait roulé sur un échafaud dressé par des sujets rebelles, et, sur

Boulogne, Mélanges, tom. I., pag. LX.

onze députés de la Charente-Inférieure, huit avaient trempé leurs mains dans ce sang royal'!.. Le burin de l'histoire a gravé leurs noms sur le marbre et sur le bronze; il ne nous appartient pas de les transcrire!!!

Un saint pape, à la nouvelle du crime du 21 Janvier, a dit au monde catholique : « Nous avons la ferme confiance que Louis XVI a changé une couronne royale toujours fragile, et des lis qui seraient flétris bientôt, contre cet autre diadême impérissable que les anges ont tissu de lis immortels ....» Après ce lugubre forfait, la France entière est bientôt devenue un vaste amphithéâtre où des tigres à figure d'hommes immolent à leur rage d'innombrables et innocentes victimes. Ceux que la dent meurtrière n'atteint pas, sont refoulés loin du sol natal, ou entassés dans de sombres cachots. Ici, fermant les yeux sur le champ immense qu'ensanglante le carnage, nous ne contemplerons que le tableau spécial des évènements de ce genre arrivés dans notre contrée.

La guillotine avait paru quelques instants sur une des places de la ville de Saintes. Un homme d'horrible mémoire, Léquinio, avait désigné au fer homicide plusieurs personnes honorables dont

1

Voy. l'extrait des procès-verbaux de la Convention, Hist. de la Révol, par le vicomte de Conny, tom. IV, p. 450. 2 Allocution de Pie VI à l'occasion du meurtre de Louis XVI. Actes du martyre de ce saint roi, par Aug. Seguin, pag. 12.