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dant, on vit paraître un personnage assez bien vêtu, tenant à la main une épée nue; deux hommes du peuple, armés de haches et de pistolets, paraissaient être ses satellites. Tout-à-coup il agite son épée, d'un air furieux, en s'écriant, à diverses fois : Vengeons nos frères 1!

« Les deux hommes de sa suite brandissaient leurs haches et paraissaient disposés à frapper. Alor sun des vénérables prêtres de la maison de St.François-de-Sales tombe à genoux, fait le sacrifice de sa vie et tend le cou à la hache qui le menaçait; mais le moment n'était point arrivé; la couronne lui fut différée de quelques jours. On ne voulait, sans doute, qu'effrayer, pour le moment; on ne réussit point. Une douce sérénité se faisait remarquer sur les visages des prêtres et des élèves : tous éprouvaient de la satisfaction à souffrir quelque chose pour la foi; tous s'étaient nourris, le matin, du pain des forts, et ils en ressentaient, dans ce moment, les merveilleux effets. Tous comptaient sur la protection de la Sainte-Vierge qu'ils avaient priée avec ferveur. Animés d'une foi vive, la perspective d'une mort prochaine n'avait rien d'effrayant

1 Quelques élèves qui avaient assisté quelquefois aux séances de la Convention, crurent reconnaître le fameux révolutionnaire Pétion. Quels frères prétendait-il venger? Ceux sans doute qui avaient péri, cinq jours auparavant, dans l'attaque des Tuileries; était-ce sur des hommes inoffensifs et bien étrangers à l'évènement du 10 Août qu'il devait exercer sa vengeance ?.....

pour eux. Après leur inutile démonstration de fureur, les terroristes se retirent. Le comman dant, qui avait vu son autorité méconnue par ces trois hommes et qui, dans les recherches faites au séminaire, n'avait rien trouvé qu'il pût déférer aux frères et amis, devint tout-à-coup modéré et complaisant au point de permettre que le supérieur et un vieillard de soixante-seize ans demeurassent au séminaire. Il nous y reconduit à la tête de sa troupe. Chacun obtient la permission d'aller prendre, dans la chambre, ce qu'il juge à propos. Ceux qui avaient fait provision d'habits laïques ont soin de s'en revêtir. Sur les six heures du soir, le commandant donne l'ordre du départ. On lui représente qu'il se trouve des vieillards et des infirmes pour qui le voyage sera bien pénible. — « Je vais, répondit-il, dépêcher quelques soldats pour faire rendre des carrosses de place que l'on prendra sur la route. »On part avec cette promesse qui ne se réalisa point. Où nous conduisaiton? Les uns pensaient que c'était à la section du Luxembourg', d'autres, à l'Hôtel - de - Ville, et, dans ce dernier cas, quelle fatigue pour les infirmes, quel danger pour tous ! Le peuple déchaîné contre ceux qu'il vénérait encore, il y a quelques mois, ne viendra-t-il pas les arracher à la faible

La Commune de Paris avait, à cette époque, diverses sections ou succursales qui n'agissaient que sous sa direction.

escorte qui les protège, les immoler à sa fureur, avant qu'ils aient pu atteindre l'Hôtel-de-Ville? On se communiquait ces tristes réflexions et l'on attendait, avec calme, l'évènement. Les habitants d'Issy ne firent éclater, à notre départ, aucun sentiment de joie ou de tristesse; la politique leur interdisait cette dernière démonstration. On traversa Vaugirard sans entendre aucune insulte.

« A l'entrée de la nuit, on arrive à Paris. aussitôt la populace s'assemble, fait entendre des cris de fureur, se presse autour des soldats, les suit, entre avec eux dans la maison des Carmes. C'était là qu'ils devaient déposer leurs prisonniers. En entendant les vociférations, les menaces du peuple, les prètres déjà détenus sc crurent à leur dernier moment. Ils venaient de souper et monseigneur Duleau ', archevêque d'Arles, leur disait les grâces. Il accueillit avec beaucoup d'affabilité les nouveaux détenus et adressa quelques paroles d'encouragement à un élève qui, par l'effet de la fatigue, paraissait triste et abattu. On s'empresse de remettre sur les tables les plats que l'on venait d'enlever, et quarante personnes, environ, qui n'étaient point attendues, trouvèrent un souper suffisant. La Providence

1 Les Évêques de Beauvais et de Saintes ne furent conduits aux Carmes que quelques jours après.

2 Cet élève était M. l'abbé de Méchinet lui-même.

n'avait point cessé de veiller sur elles. Des personnes aisées et pieuses se faisaient un devoir de fournir abondamment des vivres aux confesseurs de la foi et souvent leur faisaient porter des mets tout préparés. Le souper était à peine achevé, que des commissaires, envoyés par la section du Luxembourg, enjoignent aux ecclésiastiques qui ne sont point dans les ordres, de le déclarer avec serment. Cet ordre exécuté, on leur assigne une salle haute où les Carmes tenaient ordinairement leur chapitre; deux paillasses, envoyées par ces pères, sont adjugées aux quatre plus faibles; les autres se placent sur les bancs qui règnent autour de la salle, ou sur le plancher. De tristes réflexions éloignèrent le sommeil. Pourquoi cette séparation? On veut sans doute nous rendre la liberté; mais sera-t-elle pour nous un bien?... Désormais, nous serons environnés de ces ennemis de Dieu qui ne poursuivent avec tant d'acharnement ses ministres, que pour anéantir son culte, si cela était en leur pouvoir. Ils s'efforceront d'ébranler notre foi: saurons-nous résister constamment? Qu'il nous serait avantageux de partager le sort de nos guides, de nos pères qui s'attendent à mourir pour la foi! Un sort si

Les hommes de révolution se font un jeu du parjure et, malgré leur mépris pour la foi jurée, ils veulent toujours exiger le serment; inconséquence inexplicable, ou dérision de comédiens!...

glorieux ne nous est point réservé; nos infidélités nous en rendent indignes. Ah! Seigneur! ne détournez pas de nous votre miséricorde; et vous, Vierge sainte, ne cessez point de nous protéger et de voir, en nous, vos enfants!

« La nuit parut fort longue le lendemain, vers les huit heures, arrivent deux commissaires chargés d'interroger chacun de nous en particulier et de dresser procès-verbal de nos réponses. Il est à croire que des personnes bien intentionnées se glissaient parmi les révolutionnaires et parvenaient à gagner leur confiance, pour rendre des services et même sauver des victimes; la conduite de nos deux commissaires nous autorise à le penser. Ils se montrèrent doux, honnêtes et laissèrent même échapper quelques marques d'intérêt : il fut aisé de voir qu'ils cherchaient plutôt à favoriser qu'à nuire. Toutefois, ils se trouvaient dans l'obligation d'adresser quelques demandes propres à embarrasser le répondant, ou à obtenir des aveux qui l'auraient compromis. Ils faisaient alors deux questions de suite et la dernière n'était jamais embarrassante il suffisait d'y répondre. En voici un exemple. Un des élèves eut à répondre à cette double question : Étiez-vous en correspondance avec quelque émigré? et de suite, avant toute réponse : Avez-vous écrit contre le gouvernement actuel ? -L'élève ne répondit qu'à la dernière question.

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