intendant d'Aunis et de Saintonge, y fut inhumé à l'entrée du choeur, en dehors '. Nous avons lieu de croire que ce terrain, consacré par la religion depuis taut de siècles, racheté tout récemment par le zèle d'un pasteur dont la Rochelle sait apprécier le mérite, sera bientôt occupé par les constructions qu'exige le chevet incomplet de l'église cathédrale; elle gémit depuis si long-temps à la vue de ses nefs tronquées; elle déplore l'absence d'un hémicycle gracieux qui, par son contour, donnerait plus de majesté à son attitude; elle appelle le perfectionnement de sa façade et elle n'oublie pas l'opportunité de deux tours harmonisées dans leurs formes avec le style architectural de son ensemble. Il est à désirer qu'une volonté puissante seconde les efforts d'une généreuse inspiration. Siècle chrétien, où sont tes logeurs du bon Dieu, qui construisaient gratuitement les églises ?... Hélas! un abbé ne pourrait plus écrire à des religieux : « C'est un prodige inouï que de voir des hommes puissants, fiers de leur naissance et de leur richesse, accoutumés à une vie molle et voluptueuse, s'attacher à un char avec des traits et voiturer les pierres, la chaux, le bois et tous les matériaux nécessaires pour la construction de l'édifice sacré. Quelquefois mille personnes, hommes et femmes, Voy. Hist. de la Rochelle, par Arcère, tom. II. sont attelées aux chars, et cependant il règne un si grand silence, qu'on n'entend pas le moindre murmure. Quand on s'arrête dans le chemin, on parle, mais seulement de ses péchés, dont on fait confession avec larmes et prières. Alors les prêtres engagent à étouffer les haines, à remettre les dettes, etc., etc. ..» A cette époque, la foi divine montrait le ciel à la terre; et voilà pourquoi la terre s'efforçait de ressembler au ciel. Mais nous avons à mentionner un fait miraculeux, arrivé en 1461, dans l'église de SaintBarthélémy. Quoique l'homme devienne incrédule à mesure que l'orgueil aveugle sa raison, Dieu ne cesse pas d'être tout puissant par essence. Ce que le Sauveur opérait autrefois en Judée, il l'opère encore dans le mystère de sa vie eucharistique. L'impiété stupide blasphème ce qu'elle ignore; mais elle n'enchaînera jamais le pouvoir infini de l'Homme-Dieu; pouvoir plein d'amour qui ne connaît point d'obstacle quand il s'agit de nous instruire et de nous rendre heureux!... En recevant la sainte communion, un enfant muet parla tout-à-coup, le jour de Pâques de l'année 1461. Tous les ans, en mémoire de ce 1 Passage de Mabillon, Annal. Bened. cité par M. Rainguet, de Saint-Fort, dans son intéressant Mémoire Archéologique, pag. 14. miracle, on célèbre, à la Cathédrale de la Rochelle, la messe dite du muet, et le très - saint sacrement est exposé aux adorations des fidèles. Voici le procès-verbal qui atteste ce prodige, dont le souvenir s'est perpétué jusqu'à nous : nous le citons dans le style du XVe siècle et tel qu'il a été extrait des titres et archives de la paroisse de Saint-Barthélémy. « L'an de grâce 1461, le jour et feste de Pasques, miracle grand advint en l'esglyze monsieur sainct Berthommey de la Rochelle, de Bertrand Leclerc, en son vivant pair et bourgeois de la Rochelle, fils de feu Me Jehan Leclerc et de Pérette du Chasteau, ses père et mère, lequel Bertrand Leclerc, luy estant en son jeune aage de huit à neuf ans, ou environ, fust malade, et ung jour qu'il fasoit fort temps, comme tonnerre et éclairs, une femme, ou servante, qui le remuoit d'ung lit en l'aultre, entra par la fenestre de la maison où il estoit ung tourbillon de feu ou escloire, en telle façon, que la dicte femme qui le tenoit, cheut à l'envers, et de la grant peur que elle eust, laissa tomber le dict enfant que elle tenoit, à terre, lequel incontinent perdit la parole, et fust par l'espace de sept ans sans parler et tout impotent, tellement qui luy convint d'aller avecq des bourdes. Touttefois, comme bon chrestien, alloit tous les jours à l'esglyze en grant dévotion. « Or, est-il que le jour de Pasques, l'an susdict, lui estant en la dicte esglyze de Saint-Barthommey avecq la dicte du Chastean, sa dicte mère, luy monstroit par sygnes évidens qu'il vouloit bien recepvoir le précieux corps de nostre Seigneur, laquelle du Chasteau en parla au vicaire qui pour lors estoit le priant que son plaisir fust de bailler à recepvoir à sond filz; lequel vicaire fust de ce foire refusant, disant qu'il n'estoit pas confessé et qu'il pourroit estre reprins. Laquelle mère voyant le refuz du dict vicaire se print à pleurer, et cognoissant le dict Leclerc que le dict vicaire ne luy voulloit bailler à recepvoir, se jeta de genoulx devant luy, et joignant les mains, lui fasant sygne que sond plaisir fust de lui bailler à recepvoir sond créateur, lequel vicaire, esmû de pitié, et à la prière et requeste de la dicte mère, lui bailla à recepvoir le précieux corps de nostre Seigneur, et tout incontinent luy à genoulx, devant la table de l'austier, dist: Adjutorium nostrum in nomine Domini!... Et ce voyant sa dicte mère dist Vous parlez, mon enfant?... - Et alors luy respondit sond filz: Oui, ma mère; la mercy à mon Dieu!...Et incontinent que le dict miracle fust advenu, tous les chapelains compagnions Dieu servant en la dicte esglyze, en rendant grâces à Dieu et louanges, chantèrent le Te Deum laudamus. : « Et despuys lequel miracle fust advenu, iceluy Leclerc a tousiours aimé Dieu et l'Esglize; et luy venant à la fin de ses jours, ent si grant repentance et cognoissance de Dieu, que ceux qui estoient présentz ne virent jamais hôme si bien mourir; car jusqu'au dernier fumeau, il invoquoit tousiours le nom de Dieu et de la vierge Maric, tenant une croix en ses mains de laquelle il fasoit sygne qu'on gestat de l'eau bénicte sur luy. En ce fasant, rendit l'esprit à Dieu, le priant que Dieu en ait l'asme, amen 1. » On possède, au secrétariat de l'évêché de la Rochelle, une copie d'un extrait des registres de la mairie de cette ville, fait, le 17 février 1731, par le secrétaire ordinaire, Moreau, et où mention est faite de ce miracle. La fête monumentale, communale instituée pour perpétuer le souvenir de cet évènement, aurait-elle donc moins de titre pour nous convaincre de la vérité de ce fait chrétien, que l'arc-de-triomphe à Saintes, pour nous rappeler l'existence des Romains chez les Santons 2 ? Si nous admettons, par cette preuve positive, l'authenticité d'un évènement profane, pourquoi avec cette même preuve, corroborée d'une tradition vivante et religieuse, refuserions - nous Arch. de la cathédrale de la Rochelle. 2 Arc de triomphe démoli depuis peu et qui, reconstruit, dit-on, ne sera plus qu'une antiquité moderne. |