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qu'il est l'expression de la vérité transmise par un témoin oculaire. C'est comme le prélude de ce que nous aurons bientôt à raconter.

« Vous attendez, je m'imagine, avec bien de l'impatience, mon cher abbé, les détails de la séance d'hier je vais tâcher de vous en donner le précis. Si l'espèce d'acharnement avec lequel on poursuit les ministres du Seigneur et l'on veut forcer leur conscience, vous afflige, vous serez un peu consolé par la fermeté et le courage qu'ont montrés les évêques et un grand nombre d'ecclésiastiques du second ordre, quoiqu'on n'ait absoJument négligé aucun des moyens qu'on a cru propres soit à les intimider, soit à les séduire.

<< A une heure et un quart, terme fatal qui était marqué, comme je vous l'ai mandé hier, la majorité de l'assemblée a montré une grande impatience pour interrompre l'objet qui était à l'ordre du jour. Afin de commencer à travailler le clergé, on a interrompu l'orateur qui était à la tribune et qui parlait, à la vérité, depuis longtemps, et on a demandé que son opinion fût continuée au lendemain. Il s'est élevé quelques débats à cet égard, qui ont fini par nous donner encore jusqu'à deux heures pour faire nos réflexions. Si on nous avait consultés, nous aurions été d'avis que la question qui nous concernait se traitât sur-le-champ. Pendant le peu de temps qu'on nous avait donné, une partie de l'assemblée

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montrait la plus vive impatience et l'on a crié, plusieurs fois au président, qu'il était deux heures. Il a été obligé de se rendre aux instances du parti qui nous est opposé, avant même que le nouveau délai fût expiré ; il est vrai qu'il n'y avait plus que trois ou quatre minutes; mais enfin l'heure fatale n'était pas encore arrivée.

« La première personne qui est montée à la tribune est l'abbé Grégoire. Il a voulu nous prouver que l'assemblée n'avait point entrepris sur le spirituel; qu'elle l'avait déclaré plusieurs fois, et il a fini par exhorter ses confrères, les curés et les évêques pour lesquels il a protesté être plein de respect, de se rendre aux voeux de l'assemblée, et de préter le serment, pour éviter les troubles et les malheurs qui pourraient être la suite de leur résistance.

<< Mirabeau a succédé à l'abbé Grégoire et a commencé par se plaindre, avec force, du titre qu'on avait mis à la tête de l'affiche du décret concernant le serment. Par ce titre, il était dit que ceux qui ne prêteraient pas le serment, seraient poursuivis comme perturbateurs du repos public. Etait-ce un fait exprès, était-ce une inadvertance? Il ne prononce rien à cet égard, pour ne pas blesser la charité. Mirabeau a voulu ensuite étendre un peu les raisons de l'abbé Grégoire et a dit à peu près qu'on ne devait pas, à la vérité, regarder comme perturbateurs du

repos public, les personnes qui ne prêteraient pas le serment, mais qu'elles le deviendraient, si elles voulaient, après s'y être refusées, continuer leurs fonctions; il n'a cependant pas conclu comme on s'y attendait, à ce que tous ceux qui ne prêteraient pas le serment donnassent leur démission.

Après Mirabeau, Bailly est monté à la tribune pour justifier l'affiche mise par ordre de la municipalité. Il s'est assez mal défendu. Il a prétendu que la loi lui était parvenue telle qu'elle avait été affichée et à rejeté la faute sur le comité chargé de l'envoi des décrets. Il a ajouté qu'on avait, dès qu'on s'était aperçu de l'erreur, fait placarder les anciennes affiches par de nouvelles, où on avait retranché ce qui pouvait égarer le peuple. Le fait n'était pas dans la plus grande exactitude; car on en trouva encore une aux portes de l'assemblée, pareille à celle qui avait excité de justes réclamations'.

« Malouet fit ensuite sa motion, pour qu'on

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Il faudrait bien peu connaître le génie révolutionnaire pour ne pas voir, dans l'affiche dont il est ici question et dans le tumulte de la multitude dont il est parlé, l'effet des instigations des moleurs principaux de l'époque !... Quand les révolutionnaires savent qu'ils n'ont plus rien à craindre pour eux-mêmes, ils s'exercent, avec une audace insultante, à inspirer le découragement et la crainte. Malheur alors à quiconque pâlit devant eux!... Leur résister avec sang-froid, c'est les vaincre.

recherchât les auteurs d'une faute si grave et qui pouvait avoir les suites les plus fâcheuses; cette motion n'a pas été mise aux voix; elle en valait cependant bien la peine!

« Barnave, à son tour, a demandé qu'on insérât, dans le procès-verbal, l'explication qu'avait donnée le maire Bailly. Passant à l'objet principal et après avoir rejeté ce qu'on avait déjà dit sur le spirituel et avoir tâché de prouver que l'assemblée n'avait rien mis dans la Constitution du clergé qui y touchát, il a conclu à ce qu'on interpellât tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques qui étaient à l'assemblée, de faire le serment, et qu'après ces interpellations, s'ils s'y refusaient, il fût ordonné au président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner des ordres aux départements de mettre le décret du 27 à exécution. On voulait faire rédiger le procès-verbal de la séance tout de suite et y faire insérer ce qu'avaient dit l'abbé Grégoire et Mirabeau sur le spirituel. On espérait, par là, séduire quelques personnes. On s'y est opposé, parce que l'intention réelle de l'assemblée n'est pas de ne point entreprendre sur le spirituel. L'abbé Mauri a demandé la parole; à peine a-t-il eu prononcé trois mots, qu'on a dit qu'on n'avait plus d'explications à entendre et on l'a écarté de la tribune par un décret 1. On a encore disputé,

C'était de la liberté !... ce décret l'explique.

pour savoir sion inscrirait le dire de l'abbé Grégoire et de Mirabeau dans le procès-verbal; Despréménil a voulu monter à la tribune pour faire ses observations et démontrer à l'assemblée qu'elle est de mauvaise foi; ce sont ses propres paroles qui ont été entendues avec bien de l'impatience. Décret qui lui interdit la parole. Enfin l'on décrète la première partie de la motion de Barnave. Pendant l'intervalle des interpellations, Mirabeau se tourne et se retourne pour interpréter les intentions de l'assemblée. Un seul curé se laisse séduire et prête le serment purement et simplement, en faisant observer qu'il avait sa conscience tranquille, d'après les réflexions qui ont été faites.

« Il est enfin décidé qu'on interpellera chacun nominativement. On apporte la liste; on appelle M. l'évêque d'Agen; au moment où il allait prendre la parole pour répondre, on entend les cris d'une multitude effrénée qui entoure la salle et vomit des imprécations contre les ministres du Dieu saint. Elle vocifère : « A la lanterne! à la lanterne!->> Beaucoup de voix s'élèvent dans l'assemblée pour faire remarquer ce bruit au président et pour lui dire de donner des ordres afin d'écarter cette multitude. Il en donne; on entend encore de nouvelles menaces; nouvelles interpellations au président de faire cesser le tumulte et de faire éloigner de l'assemblée cette multitude, j'oserais dire, de cannibales. Une pluie d'averse secourt fort à propos

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