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un

dans cet horrible enfer, qu'à un certain signal donné, nous allions docilement, tous les soirs, avant la nuit, nous faire enfermer comme troupeau de moutons, ou plutôt nous enterrer pèle-mêle et faire l'apprentissage du tombeau que ce triste séjour nous présageait prochainement!.>>

Aussitôt que ces illustres confesseurs de la foi étaient entrés dans ce lieu d'horreur, d'impitoyables geoliers les y renfermaient sous verroux jusqu'au lendemaiu matin, à pareille heure. Les victimes de la haine révolutionnaire eussent été sur le point d'expirer dans ce nouveau et hideux sépulcre, qu'on ne leur eût donné aucun signe d'égard et de pitié. Un jour, au moment où l'on ouvrait cette prison, on aperçut un de ces saints prêtres agenouillé contre un mât, dans l'attitude d'un homme en oraison; lorsqu'on voulut le faire monter sur le pont, on vit qu'il était mort!... Quand ils représentaient aux hommes de sang qui les surveillaient, le sabre nu à la main, que le nombre était excessif, que le lieu ne suffisait pas, on leur répondait, avec d'épouvantables blasphêmes, que ceux qui périraient feraient place anx autres!... Quelle mansuétude! quelle tolérance!... Quelle philanthropie!... Quand ces nombreux prisonniers étaient sur le point de sortir de l'entrepont, on plongeait dans un baril de goudron deux ou trois boulets rouges, qui produisaient une épaisse fumée et une flamme

aussi dangereuse qu'effrayante. Ces dignes prêtres étaient obligés de subir ce nouveau et insupportable supplice, avant d'aller prendre l'air; et cela se renouvelait tous les matins, comme pour les dédommager des angoisses et des souffrances de

la nuit.

Il était impossible qu'un état aussi constant de tortures et de privations accablantes, ne devint pas le principe de maladies mortelles. Mais laissons parler la victime et le témoin :

<< Comment peindre maintenant ces mêmes hommes dans l'état déplorable de maladie, lorsque la contagion commença à se répandre parmi eux!.. Il en tombait malades, chaque nuit, jusqu'à dix, douze et au-delà; et de quelles maladies, bon Dieu! Des maladies les plus violentes et qui s'annonçaient par les symptômes les plus sinistres et les plus affreux. C'était le scorbut nous en étions presque tous atteints et quelques-uns en étaient proprement rongés. C'étaient des plaies horribles à voir, et qui, restant le plus souvent, ainsi que les cautères, sans aucun pansement, devenaient nécessairement mortelles. C'étaient des fièvres malignes et inflammatoires, qui vous ôtaient tout de suite l'usage de la raison, et qui, alors que vous eussiez eu besoin de toute votre présence d'esprit, pour vous donner à vous-mêmes des soins que personne n'avait la pensée ou la facilité de vous donner, vous jetaient dans l'état le plus triste et le plus humiliant de

surdité, de stupeur et d'insensibilité. C'étaient surtout des fièvres chaudes et des accès de frénésie, qui rendaient furieux des hommes naguères doux comme des agneaux, vertueux comme des anges,

<«< Les deux chaloupes destinées à recevoir nos malades, lesquelles en renfermaient cent à elles deux, ne suffisant plus à contenir tous ceux qui étaient atteints de la contagion, il fallait nécessairement qu'il en restât sur notre bâtiment un grand nombre, qui achevaient d'y répandre la peste. C'était pitié de les voir, au milieu de cette cohue dont j'ai parlé, étendus à plate-terre, à l'ardeur du soleil, sur le pont ou dans l'entrepont, se roulant, sans savoir ni où ils étaient ni ce qu'ils faisaient, aux pieds de leurs confrères désolés, qui ne pouvaient leur rendre aucun service, ni même parvenir à leur faire entendre leur voix ; ne faisant absolument aucun remède qui pût retarder le progrès de la maladie; car c'était une règle invariable qui ne souffrait aucune exception, qu'on ne vous administrait aucun remède, quelque simple et facile qu'il fût, et quelque urgent que fût votre besoin, à moins que vous n'allassiez à l'hôpital, eussiez-vous fait toutes les diligences pour y obtenir une place.

<< Mais ces hôpitaux mêmes, pourquoi demander à y être admis, si ce n'est pour y trouver plus promptement et plus infailliblement la mort?.. Elle y trappait chaque jour de nombreuses victimes,

et moissonnait presque indistinctement tous ceux qui mettaient le pied dans cet horrible cloaque. On a beaucoup déclamé, et certes avec raison, contre les hôpitaux de Paris, en particulier contre l'HôtelDieu. L'Hôtel-Dieu et les autres hôpitaux de Paris étaient des lieux de délices, de vrais paradis, comparés à nos deux prétendus hôpitaux. Ceux-ci méritaient moins ce nom que celui de boucheries, ou plutôt de cimetières et de vrais charniers. Personne n'en peut parler plus savamment que moi, qui ai habité l'un et l'autre. Je m'attacherai plus particulièrement à faire connaître le grand, où j'ai fait un plus long séjour.

« Là, soixante malheureux prêtres, abattus et accablés sous l'effort de la maladie, étendus à demi-nus sur le plancher nu, aussi serrés et pressés que nous l'étions dans le vaisseau même, ayant souvent la moitié du corps dans l'eau que la chaloupe recevait de toutes parts, entendant, presque sans relâche, fendre du bois sur leur tête, à quatre on cinq pieds seulement de distance; sans remèdes, sans médecin et souvent sans tisane, à défaut d'eau douce, formaient le spectacle le plus affligeant, le plus douloureux, le plus déchirant pour des cœurs sensibles, et sans doute aussi le plus ravissant pour les anges, que l'imagination puisse se représenter. C'est être sans remèdes que d'avoir presque uniquement pour purgatif du jalap et de l'émétique, et encore en très-petite quantité

et le plus souvent éventé... C'était être sans médecins que de n'avoir pour nous soigner dans des maladies aussi graves, que des jeunes gens sans expérience et sans pitié; ils s'abstenaient quelquefois, plusieurs jours de suite, de toute visite, et alors même qu'ils abordaient à notre chaloupe, ils n'osaient, crainte de contracter la maladie, mettre le pied dans le lieu qui servait de théâtre à nos douleurs. On n'y faisait que de très-courtes apparitions, pour décrire à la hâte d'insignifiantes ordonnances, ou y débiter, sans les entendre, de sentencieux aphorismes.

« La nuit, c'était pire encore. Nous étions absolument livrés à nous-mêmes et dénués de tout secours. Nous n'avions point d'infirmiers : ils étaient allés prendre un peu de repos; point de boisson: qui eût pu nous en verser? Pas même de lumière; car il n'en entrait non plus à l'hôpital que dans le cachot du vaisseau. Aussi qu'arrivait-il? Les malades attaqués de fièvres chaudes, ou tous autres malades qui croyaient pouvoir encore se traîner, ayant plus de courage que de force dans les jambes et d'usage de leur raison, ou tombaient sur leurs voisins à demi-morts, qu'ils achevaient d'écraser de leur chute, ou s'égaraient dans le trajet, et ne sachant plus retourner à leurs places, jetaient des cris lamentables, pareils à ceux d'un aveugle égaré de sa route, et, après avoir long-temps appelé d'une voix plaintive un secours que personne

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