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cas de récidive; le propos dénoncé n'exprimait que la possibilité de réussir dans une révolte, si on eût eu le dessein de la tenter, et nullement ce dessein. Et en effet, nos idées et nos projets, si nous en formions quelques-uns, étaient bien loin de là; et Rouilleau, en particulier, était peutêtre l'homme le moins entreprenant qu'il y eût parmi nous.

« Quoi qu'il en soit, sur ce propos, réel ou supposé, on le met provisoirement aux fers; on assemble le jury militaire; et, sans confronter l'accusé avec son dénonciateur, sans lui donner la liberté de se défendre, sans le faire même comparaître, on le condamne à mort!!! Aussitôt on va lui annoncer sa sentence, ne lui donnant que trois - quarts d'heure pour découvrir les prétendus complices de sa prétendue révolte. Il lui eût été impossible de le faire. Aussi déclara-t-il d'abord, et persista-t-il, au bout de troisquarts d'heure, à affirmer qu'il n'avait pas de complices, et que jamais il n'avait songé à se révolter; il avoua qu'il avait tenu un propos imprudent; il en demanda pardon; il sollicita sa grâce, protestant que, si on la lui accordait, il serait plus circonspect à l'avenir tout fut inutile. Alors il se retrancha à demander qu'on lui permit au moins de se confesser on eut la barbarie de le lui refuser!... On le traîne donc au supplice, à travers ses frères épouvantés, avec

défense à ceux-ci, sous peine de mort, de demander grâce pour lui. Arrivé sur le pont, au lieu de l'exécution, on le fait mettre à genoux; on l'attache à un poteau, le visage tourné contre ses bourreaux, qui le couchaient en joue presque à bout portant; on ne prend pas même la précaution, que prescrit en pareil cas l'humanité, de lui bander les yeux; et après un intervalle assez long pour lui faire savourer toutes les horreurs d'un pareil trépas, on lui fait sauter le crâne de vingt balles parties à la fois. Sa mort fut des plus édifiantes et telle qu'on avait lieu de l'attendre d'un confesseur de la foi. Il déploya, dans cet instant critique, et soutint jusqu'au dernier moment un caractère courageux et bien prononcé, que peu de personnes lui avaient connu jusqu'alors. Il fit surtout paraître de profonds sentiments de religion. Il nous demanda pardon de la mauvaise édification qu'il pouvait nous avoir donnée; il assura qu'il pardonnait à ceux qui le faisaient périr injustement; il reçut le coup de la mort, en proclamant son innocence 1.»

L'esprit de haine et d'impiété qui inspirait les hommes qui commandaient sur ces vaisseaux, ne permettait pas à ces malheureux prêtres de compter sur la justice et les égards. Quand, dans leur bonne foi, ils osaient présenter quelque re

1 Relation déjà citée, pag. 28.

la

quête, ce qui avait lieu rarement, ils étaient déjoués d'une manière atroce dans toutes leurs espérances. Quelques-uns avaient eu l'idée de présenter une pétition au district de Rochefort, sans doute pour obtenir de l'adoucissement à leurs maux; ils s'empressent de communiquer ce projet au capitaine, qui les y engage de bonne grâce; il fait plus, et leur suggère même le fond et la teneur de la pétition. Dès qu'ils l'ont dressée, ils la font signer par un prêtre de chaque département et portent au capitaine, afin qu'il en prenne lecture et la fasse partir. La franchise était leur caractère et malgré les preuves si fréquentes de la barbarie de leurs maîtres sans pitié, ils ne pouvaient croire à leur hypocrite dissimulation. Ils purent s'en convaincre par ce nouveau fait. Le capitaine entre dans un accès de fureur et de colère, leur reprochant qu'ils n'ont d'autres vues que de le compromettre; que cette pétition est un crime punissable. En conséquence, il ordonne qu'on mette aux fers tous ceux qui l'ont signée; ils étaient au nombre de quatre. On exécuta sur-le-champ cette injuste et cruelle sentence.

La rapine et le vol étaient à l'ordre du jour. Mille moyens étaient mis en oeuvre pour dévaliser ces infortunés captifs. Les fouilles souvent répétées ne suffisaient pas à la rapacité des matelots et des officiers: il firent usage de la fourberie. Voici des faits qui le prouvent.

Peu de jours après leur arrivée, on chercha à donner à ces prêtres persécutés la perspective d'un départ pour les côtes d'Afrique. En conséquence, on les prévint de ne prendre dans leurs sacs de nuit que ce qui était de stricte nécessité pour le voyage, dont la durée, leur disait-on, n'irait pas au-delà de trois semaines; les nouveaux Cartouches ne manquèrent pas de leur recommander de mettre dans leurs valises ce qu'ils avaient de plus précieux, parce qu'elles seraient déposées dans un magasin où il leur serait permis de les reprendre plus tard. Ces respectables prêtres s'empressent de s'habiller en voyageurs et de se conformer en tous points au conseil perfide d'hommes sans conscience. Mais ils eurent bientôt occasion de reconnaître la fraude en voyant embarquer pour Rochefort leurs portemanteaux qui ne leur furent jamais rendus! Les voleurs républicains n'atteignirent cependant pas complètement leur but; car ils ne trouvèrent dans les valises de leurs victimes ni les bourses ni les portefeuilles; les prètres avaient sagement pris la précaution de les garder sur eux. Mais ces fameux patriotes étaient riches en expédients : les moyens de succès ne manquent jamais à ceux qui n'écoutent que les inspirations de l'injustice et du crime. Les gens de l'équipage furent chargés de faire de nouveau circuler le bruit certain qu'on est à la veille de lever l'ancre et de mettre à la voile pour les côtes africaines; qu'il faut que chacun

fasse les emplettes indispensables pour le voyage. Les achats, bien entendu, ne pouvaient avoir lieu que par commission, puisque les prêtres étaient captifs sur les vaisseaux. Conséquemment, ils sont invités à avancer les fonds et on les assure qu'ils peuvent compter sur la probité des commissaires acheteurs. Pour que la confiance de ces vénérables prisonniers eût un principe solide, on ouvrit un registre des objets à acheter et des sommes livrées pour l'achat. Crédulité qui démontre jusqu'à quel point ces âmes nobles et droites connaissaient peu l'art de la duplicité, du mensonge et de la fraude!.. En donnant leur argent à ces mains infidèles, ils signaient leurs diverses demandes. Tout se borna à cette inique manoeuvre; les emplettes n'eurent pas lieu et les sommes versées disparurent

sans retour.

« Peu de temps après cette escroquerie, dit un témoin oculaire, nos avares officiers, alléchés par le succès et nous soupçonnant encore quelque argent, firent, d'autorité, une fouille générale, où nos poches ne furent non plus épargnées que nos sacs de nuit, et qui leur valut des sommes considérables. Mais quelques-uns de nos confrères n'étant arrivés au vaisseau que postérieurement à cette visite, et n'ayant pu, j'ignore pour quelle raison, être spoliés au moment où ils abordaient, comme c'était l'usage pour les nouveaux venus, ils crurent, et nous crûmes comme eux,

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