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contres, qu'on revint à la charge; le roi venait aussitôt tout conter à madame de Maintenon. Elle écrit à madame de Frontenac : « M. de Louvois a ménagé à madame de Montespan un tête-à-tête avec le roi. On le soupçonnait depuis quelque temps de ce dessein, on voulait rompre ses mesures; mais elles étaient si bien prises qu'on a enfin donné dans le piége. Dans ce moment, ils en sont aux éclaircissements, et l'amour seul tiendra conseil aujourd'hui. Le roi est ferme, mais madame de Montespan est bien aimable dans les larmes. Madame la Dauphine est en prières; sa piété a fait faire au roi des réflexions sérieuses. Cette princesse s'est fait un point de conscience de travailler à la conversion du roi; mais je crains qu'elle ne l'importune et ne lui fasse haïr la dévotion, et je la conjure de modérer son zèle1. » Puis, très-peu de jours après, le 3 août 1680: « Cet éclaircissement a raffermi le roi; je l'ai félicité de ce qu'il avait vaincu un ennemi si redoutable. Il avoue que M. de Louvois est un homme plus dangereux que le prince d'Orange; mais c'est un homme nécessaire. Madame de Montespan a d'abord pleuré, ensuite fait dles reproches, enfin a parlé avec hauteur. Elle s'est déchaînée contre moi selon sa coutume; cependant elle a promis de bien vivre avec moi. Pour

Lettre à madame de Frontenac, 1680.

son honneur, elle devrait du moins sauver les apparences1. »

Il y eut encore quelques scènes entre ces deux dames', mais ce furent les dernières. Madame de Montespan cessa de lutter vainement, et la religion, dont elle n'avait déserté ni les sentiments, ni les habitudes, commença de venir à son secours, car madame de Maintenon écrit peu de temps après : « Madame de Montespan habille les pauvres et les autels. » Elle parle encore l'année suivante, de sa piété, et le 13 novembre 1683, elle écrit à madame de Saint-Géran. « Madame de Montespan paraît insensible aux nouvelles qui arrivent (la prise de Dixmude), et uniquement occupée de son salut. Nous ne nous voyons point en particulier, et cela est mieux pour l'une et pour l'autre. Je sais qu'elle a dit au roi que je m'étais

1 Lettre à madame de Frontenac, 1680.

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« Je m'étais flattée que madame de Montespan cesserait de me persécuter, et que je pourrais enfin faire paisiblement mon salut auprès d'une princesse qui donne à toute la cour un exemple bien admiré et bien peu suivi. Elle s'est raccommodée avec le roi; Louvois a fait cela. Elle n'a rien oublié pour me nuire. Mon Dieu, que votre volonté soit faite! Elle vint hier chez moi, et m'accabla de reproches; le roi nous surprit au milieu d'une conversation qui a mieux fini qu'elle n'a commencé. (Lettre à madame de Frontenac, 1680.)

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3 Lettre de madame de Maintenon à M. d'Aubigné, 26 mai 1681.

mis en tête de le gouverner, et je sais aussi qu'elle

n'a

pas eu lieu d'être contente de la réponse du roi. C'est l'homme de son royaume qui a le plus

de sens, et qui donne le moins dans ces piéges.

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Le roi avait décidément quitté les maîtresses. Il ne voyait plus madame de Montespan qu'en public; et quant à la préférence de son cœur, elle était visible à tout le monde. « Je ne sais, écrit madame de Sévigné, auquel des courtisans la langue a fourché le premier; ils appellent tout bas madame de Maintenon, madame de Maintenant ; et cette dame de Maintenon ou de Maintenant, passe tous les soirs, depuis huit heures jusqu'à dix, avec Sa Majesté. M. de Chamarande la mène et la ramène à la face de l'univers'. » Et quelque temps après, elle écrit encore à son cousin Bussy, qui espérait de rentrer en grâce parce que le roi lisait avec quelque intérêt les Mémoires qu'il avait composés sur son règne, et dont Sa Majesté lui faisait demander la suite: « Je pense qu'une dame de mes premières amies, qui passe régulièrement deux heures dans son cabinet, pourrait bien lire avec lui vos Mémoires, et vous seriez heureux, du goût et de l'esprit qu'elle a, d'être en si bonne

1 Lettre du 18 septembre 1680. M. de Chamarande, ancien valet de chambre du roi, nommé premier maître d'hôtel de madame la Dauphine.

main. Que sait-on ce que la Providence nous garde1?» Et Bussy lui répond : «Vous croyez qu'une de vos premières amies lit mes Mémoires avec le roi; je le crois aussi et je le souhaite, car j'estime infiniment son cœur et son esprit'. >>

Quant à madame de Maintenon, cette faveur qui frappait tous les yeux et lui attirait l'envie et les hommages, ne l'éblouissait pas3. Sa grande supériorité consista toujours à n'en pas être un seul instant enivrée, ni à ses débuts, ni au plus haut degré de sa fortune. « Ne parlez de ma faveur ni en bien ni en mal, écrit-elle à son frère,

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1 Lettre du 10 janvier 1681.

*Lettre du 17 janvier 1681.

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Quand elle fut nommée dame d'atour, le Mercure galant, en donnant cette nouvelle, s'exprima ainsi sur son compte: Quant à madame de Maintenon, on ne peut trop louer cette admirable personne. Jamais femme n'eut une si belle et si juste réputation. Une ancienne noblesse et une grande beauté furent les premiers avantages qu'on connut en elle, et son esprit brilla ensuite avec tant de force, qu'elle eut bientôt autant d'amoureux et d'amis que de gens qui la virent. Sa vertu les a toujours retenus les uns et les autres, et aucun d'eux ne s'est rebuté par les raisons qui ont coutume d'éloigner ceux qui s'attachent le plus fortement. Elle est devenue la principale amie des premières dames du royaume, et a eu partout une conduite si sage, qu'elle a mérité l'amitié de toute la cour, avec l'estime et les grâces de Sa Majesté. » (Mercure galant, décembre 1679.)

et du reste ne vous fàchez point. On est enragé contre moi, et comme vous le dites, on se prend à tout pour me nuire; si on n'y réussit pas, nous nous en moquerons; si on y réussit, nous le souffrirons avec courage. Vous êtes déraisonnable de vouloir que je demande au roi, dans un temps où il m'accable de biens, d'honneurs, et de toutes sortes d'agréments. Je ne lui demanderai jamais rien, et je ne songe plus qu'à le servir en la personne de ma maîtresse, avec un zèle, une fidélité, et une assiduité qui lui marquent ma reconnaissance'. >>

Ce comte d'Aubigné, en effet, dont nous n'avons pas parlé encore, demandait toujours. Dépensier, joueur, assez débauché, toujours besoigneux, ayant des ridicules et des travers, mais avec de l'esprit et des reparties plaisantes auxquelles on ne s'attendait pas; il avait habituellement une mise recherchée et ridicule, et parlait à tort et à travers, sans aucune retenue, mais sans méchanceté; il ne comprenait pas que la faveur de sa sœur ne lui profitât pas davantage, quand il voyait que la faveur de tant d'autres avait fait la fortune de leurs familles. N'ayant jamais été que capitaine d'infanterie et gouverneur de petites places, il rappelait toujours ses vieilles guerres comme un homme qui méritait tout,

1 Lettres du 6 juillet 1680 et du 1er janvier 1681.

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