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Louis XIV touchait à l'âge où commencent à se faire sentir le vide et la satiété des plaisirs, et où l'on fait un retour sur soi-même, passage difficile où se décide en quelque sorte une seconde existence, et plus aisé à franchir quand la religion vous tend la main. C'est dans ce moment que le caractère et la vertu de madame de Maintenon lui rendirent un véritable service. Avec des passions aussi ardentes que celles de Henri IV, son grand-père, et tant d'occasions d'y succomber, il aurait pu, ainsi qu'on l'a reproché à son aïeul, traîner son âge mûr et sa vieillesse dans des désordres où la dignité se perd quand ils n'ont plus la jeunesse pour excuse.

La belle Fontanges mourait en donnant sa dernière pensée à Dieu, et son dernier regard à son amant. Les faibles restes de la passion si vive que madame de Montespan avait inspirée s'effaçaient; et la reine, il faut le dire, quoique bonne et douce, ne possédait rien de ce qui pouvait ramener et attacher Louis XIV, qui, au contraire, avait les qualités les plus propres à plaire, sans être capable, dit madame de Caylus, d'aimer beaucoup. Presque toutes les femmes lui avaient plu, hors la sienne, qui, souffrant en silence ses nombreuses amours, recevait de lui des égards et un respect qui l'auraient rendue heureuse, si quelque chose avait pu la consoler de son indif

férence. Sa dévotion étroite et minutieuse contribuait encore à l'éloigner d'elle, car elle ne savait partager ni ses habitudes ni ses goûts. C'est dans ces circonstances que madame de Maintenon se trouva heureusement là pour remplir le vide d'un cœur et d'un esprit qui avaient besoin d'être occupés. Elle offrit au roi le charme de l'intimité, de l'épanchement, de la confiance; l'agrément de la conversation, de l'esprit, de la raison, plaisirs dont on sent le prix à un certain âge de la vie; et faisant même intervenir l'empire de la religion elle se servit des sentiments qu'elle inspirait pour ramener ce monarque dans la voie édifiante du devoir conjugal, et obtenir qu'il reportât vers la reine des soins qui n'étaient dus qu'à elle. C'était sans doute fonder son crédit sur une base bien solide, mais c'était aussi en faire un noble usage, et le mettre à l'abri de tout reproche.

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De ce moment, en effet, le roi se rapprocha de la reine, la vit plus souvent, mit son application à l'amuser, et commença de passer les soirées chez elle'; il eut pour elle des attentions auxquelles elle

1 « On me mande, écrit madame de Sévigné, que la reine est fort bien à la cour. » (Lettre du 28 août 1680.) « Je suis ravie, ecrit madame de Maintenon à l'abbé Gobelin, que tout le monde loue ce que fait le roi. Si la reine avait un directeur comme vous, il n'y a point de bien qu'on ne dut espérer de la famille royale. Mais on a eu toutes les peines du monde à per

n'était pas accoutumée; et, comme elle attribuait cet heureux changement à madame de Maintenon, dit madame de Caylus, elle l'aimait et lui donnait toutes les marques de considération qu'elle pouvait imaginer. « J'arrivai à la cour, ajoute-t-elle, au mois de janvier 1681. La reine vivait, monseigneur le Dauphin était marié depuis un an, et madame de Maintenon, dans une faveur déclarée, paraissait aussi bien avec la reine qu'avec le roi. Cette princesse attribuait à la nouvelle favorite les bons procédés que le roi avait pour elle depuis quelque temps, et elle la regardait avec raison sur un pied bien différent des autres'. » Quand on voulait lui donner des préventions contre elle, elle répondait : « Le roi ne m'a jamais traitée avec autant de tendresse que depuis qu'il l'écoute. » « Je me souviens même, ajoute madame de Caylus, que Sa Majesté me faisait l'honneur de me caresser toutes les fois que j'avais celui de paraître devant elle. Mais cette pauvre princesse avait tant de crainte du roi, et une si grande timidité naturelle, qu'elle n'osait lui parler ni s'exposer au têteà-tête avec lui. J'ai ouï dire à madame de Maintenon que le roi, ayant un jour envoyé chercher la

suader sur la medianoche son confesseur, qui la conduit par un chemin plus propre, selon moi, à une carmélite qu'à une reine.» (Lettre à l'abbé Gobelin, du 2 juin 1682.)

1 Souvenirs de madame de Caylus.

reine, la reine, pour ne pas être seule en sa présence, voulut que madame de Maintenon la suivit; mais celle-ci ne fit que la conduire jusqu'à la porte de la chambre, où elle prit la liberté de la pousser pour la faire entrer, et remarqua un si grand tremblement dans toute sa personne, que ses mains mêmes tremblaient de timidité1. »

« Le triomphe de madame de Maintenon, dit M. Roederer dans l'Histoire de la Société polie, ne fut pas de s'élever au rang de femme légitime d'un roi puissant; ce fut d'avoir ramené ce prince à ses devoirs envers la reine, et d'avoir mis fin à la contagion de son exemple. Voilà le véritable titre de madame de Maintenon au respect général. Là sa vertu éclate avec tous ses autres mérites. Là nul soupçon d'intérêt personnel ne peut l'atteindre, puisqu'elle reconduisait vers la reine des désirs qui s'étaient éveillés pour elle'. >>

Madame de Maintenon jouissait de son ouvrage, et rien ne lui était plus sensible que les témoignages de satisfaction et même de reconnaissance que la reine lui donnait. A Chambord, le jour de la Saint-François, la reine lui fit présent de son portrait, et, à cette occasion, madame de Maintenon écrit à madame de Saint-Géran : « La famille royale

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1 Souvenirs de madame de Caylus.

* Mémoires pour servir à l'Histoire de la Société polie en France, page 461; 1 volume, 1835.

vit dans une union tout à fait édifiante. Le roi s'entretenait des heures entières avec la reine. Le don qu'elle m'a fait de son portrait est tout ce qu'il y a eu de plus agréable pour moi depuis que je suis à la cour. Madame de Montespan n'a jamais rien eu de semblable1. »

Un événement heureux vint resserrer encore davantage cette union. Le 6 août 1682, madame la Dauphine accoucha d'un prince. Rien n'est comparable à la joie qui éclata de toutes parts. La France d'aujourd'hui ne se fait aucune idée de l'amour que l'ancienne France avait pour ses rois. Cette joie fut d'autant plus vive que l'inquiétude avait été plus grande, à cause des longues souffrances de la princesse. Le 4 août 1682, après souper, elle avait commencé à sentir quelques douleurs, et vers une heure du matin, le bruit s'en étant répandu dans le château, toute la cour fut en mouvement; les princes et princesses se rendirent avec empressement chez elle; on envoya des exprès à ceux qui étaient à Paris; les cours, les places, la route de Versailles, furent éclairées comme en plein jour par la quantité de torches et de lumières que faisaient porter ceux qui allaient et venaient; et les ambassadeurs tinrent des cour

1 Lettre à madame de Saint-Géran; Maintenon, 1er novembre 1682.

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